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mencement et pendant le siége, qu'il a enduré avec son fils jusques à la fin. Le zèle qu'il a tousjours porté au service de Sa Majesté et sa valeur le rendirent si heureux qu'il y réussit au contentement de son Roy, et selon les désirs de son vaillant et généreux courage, par une entière deffaicte du bataillon qu'il attaqua à la droicte.

Mais, d'autre part, le soin incroyable de la Royne mère du Roy, et la prudence qui l'assista partout pendant sa longue et dangereuse maladie, avec la diligence nompareille de monsieur le cardinal de Richelieu et de monsieur de Marillac, garde-des-sceaux de France, firent produire les effects de raffraichissement de vivres au fort Sainct-Martin et de la deffaitte entière des Anglois, jusques à leur retraitte générale en leur pays.

Monsieur le cardinal de Richelieu avoit faict préparer quatorze traversins en Oléron et Brouage, sous l'ordre de monsieur le marquis de Brazé; cinq grandes barques par la rivière Sainct-Benoist, près la Tranche, sous l'ordre du capitaine Richardière ; dix pinasses nouvelles aux Sables d'Olone, sous l'ordre du sieur Dandouyn, gentilhomme de Bayonne; cinq grandes barques et un grand phlibot au mesme lieu, sous l'ordre des capitaines Cantelou et Perroteau, et icelles toutes ramassées au port et havre des Sables, bien armées et garnies d'hommes, vivres, habits et munitions de guerre, grenades, pots et feux d'artifice, et de toute sorte de commoditez nécessaires à des assiégez dont le sieur abbé de Marsillac se peut adviser, et selon les mémoires et inventaire dudit sieur cardinal. Ensuitte arrivèrent telle quantité de matelots que monsieur le général Le Clerc monstra sa prudence et son jugement à soudoyer et entretenir tant de sortes de gens différens

d'humeurs, de sorte qu'il n'estoit plus question que d'avoir le vent, la marée et la nuict propres, d'autant que sans ces trois choses l'on ne pouvoit aller dans la citadelle. Et durant deux mois entiers la marée estant venue de jour, le vent contraire, la nuit obscure et propre aux pirates, et outre ce le passage interdit par la quantité des vaisseaux anglois, le sieur prieur de Bremont, par ordre de monsieur l'évesque de Mande et abbé de Marsillac, courut les havres du Plomb, Coup-de-Vache, rivières de Maran, Sainct-Benoist, la Tranche, Jar, Talmont, et Sables d'Olone, pour faire partir les convois et équipages préparez à chaque soufflée de vent. Enfin, le 6 octobre, la marée s'estant rendue propre, le vent et la nuict favorables, à l'arrivée de Sa Majesté dans la province, qui auroit apporté ce bonheur, trente-cinq voiles sorties du havre des Sables sur les quatre heures du soir, avec quatre cens matelots, trois cens soldats bien choisis et soixante gentilshommes volontaires, vindrent à la rade.

Monsieur Desplan, ayant depuis six semaines contribué ses soins et diligences accoustumées au service du Roy et à l'équipage de ce secours, ayant assisté de tout son pouvoir le sieur abbé de Marsillac, toutes choses prestes, équipées et embarquées, sans avoir donné rien à cognoistre de son dessein à personne, disant adieu à messieurs le duc de La Rochefoucault et abbé de Marsillac, se jette dans une chaloupe qu'il avoit fait tenir preste à cet effect, suit cette flotte, aborde la Marguerite ou barque du jeune Richardière, dict capitaine Maupas, qui seul sachant son dessein l'attendoit, et y trouva le chevalier de Montenac et le sieur de Villiers, lieutenant de Lussins, avec cinquante soldats bien résolus. Et aussitost alla de barque en barque visiter toute la flotte, prendre

le môt des sieurs de Beaulieu, Persac, Launay et Rasilly, lesquels dans une mesme bárque portoient l'estendard au grand mast, et faisoient conjoinctement d'un commun consentement la charge d'admiral; reçoit d'eux l'ordre de la bataille et de la disposition en laquelle cette petite flotte devoit passer. Et voulant faire le signal pour lever l'anchre, tout à coup la mer s'esmeut avec une grosse pluye, qui obligea à jetter l'anchre au lieu de le lever, et demeurer toute la nuict à la rade d'Olone sans pouvoir rentrer au port.

Sur les sept heures du matin parurent cinq navires des ennemis qui venoient recognoistre la flotte; mais ils n'eurent le courage de la venir aborder. Là dessus fut tenu conseil pour sçavoir si l'on rentreroit au port et si l'on feroit désembarquer les hommes; la plus saine opinion fut de demeurer à la rade pour attendre de la bonté de Dieu le vent favorable en une si importante

occasion.

De fait, le lendemain, sur les cinq à six heures du soir, Dieu, protecteur de ces fidèles serviteurs du Roy, fit siffler un vent si favorable qu'on résolut de lever l'anchre. Et auparavant le sieur prieur de Bremont monta sur l'affut d'un canon d'où il pouvoit estre ouy de plusieurs, et leur fit une grave harangue pour les exhorter à bien faire (1).

(1) La narration de notre auteur, pour ce qui est du secours envoyé par Richelieu à monsieur de Toiras, est presque tout entière formée avec la Relation du père Placide de Bremond, chevalier de la Croisade, etc., lequel a veu sur la mer, au milieu d'un million de mousquetades et harquebuzades, quatre où cinq mille canonnades, mille grenades, mille pots et mille feux d'artifices......, le rafraischissement et renvitaillement des soldats qui sont dedans les forts de la Prée et de Sainct-Martin,

Après la harangue, chacun se mit en prières, et s'estant embrassez et encouragez mutuellement avec la plus grande allégresse du monde, mirent les voiles au vent sur les huict à neuf heures du soir.

Le capitaine Maupas, grandement entendu à la marine, bien cognoissant les terres, comme estant du pays, et ayant passé et repassé depuis huict jours dans une seule barque au milieu des ennemis, avec monsieur le marquis de Grimaud, mena l'avant-garde ; à la droicte, messieurs de Persac et Rasilly, et avec eux dans leur barque les sieurs Danery, la Gaigne, Roquemont, le commissaire Calotis; à gauche, les sieurs de Brouilly, capi

citadelle de Ré. » Nous nous réservons de restituer dans les notes quelques lignes de cette relation que l'auteur des deux siéges de La Rochelle a jugé à propos de supprimer. Nous regrettons qu'il n'entre pas dans notre plan de commencer par reproduire la harangue du prieur de Brémond (ce n'est pas l'auteur de la Relation dont nous parlons); comme morceau d'éloquence guerrière, ce petit discours ne serait pas indigne de figurer dans un recueil littéraire. Sa harangue terminée, le prieur de Brémond « demanda pardon à Dieu, les larmes aux yeux, pour soi et toute la compagnie, salua la Vierge, fit des oraisons jaculatoires et des apostrophes en françois et en latin, à cause qu'il y avoit beaucoup de messieurs de la religion, et tous à genoux comme les catholiques; puis donna sa bénédiction, et puis annonça l'indulgence plénière pour tous ceux qui, d'un cœur contrit, diroient trois fois Jesus, Maria, en vertu de la Croisade; si que chascun s'estant embrassé et encouragé mutuellement avec la plus grande allégresse du moude, et comme desjà vainqueurs et victorieux, mirent les voiles aux vents sur les huict à neuf heures du soir. >>

Relation du père Placide de Brémond, bénédictin, chevalier de la Croisade, prieur de Tonguy et de Guniguaud, faite à Sa Majesté à son retour de l'isle de Ré, au camp d'Estrée, devant La Rochelle, etc., etc. Paris, chez Jean Brunet et chez Jean Marfin, 1627.

taine au régiment de Chappes, et de Cusac, Griboval, Ruvigny, la Roque-Fontiers, Jonquières, et plusieurs autres gentilshommes volontaires ; et après eux les quatre barques que monsieur le cardinal avait faict équipper par le capitaine Richardière père, conduittes par les capitaines La Treille, Odoard, Pierre Masson et Pierre Martin, tous bons pilotes.

Suivoit après le corps en forme de bataille, composé de dix pinasses, outre les quinze autres précédentes que Monsieur, frère du Roy, avoit faict venir de Bayonne par Saint-Florent, conduittes par le sieur Dandouyn, leur général, à la teste, et le sieur Tartasse, son lieutenant. A la queue, autour desdites pinasses, y avoit douze traversins, comme plus forts et plus grands.

En l'arrière-garde estoit le phlibot du sieur de Marsillac, bien armé et munitionné, sous la conduitte du capitaine Gantelou, et portoit le jeune Beaumont, nourry page de monsieur le cardinal, avec paroles de créance tant au sieur de Toiras que autres capitaines et volontaires de la citadelle. Après luy estoit sa chaloupe, et cinq grandes barques d'Olone, dans lesquelles estoient quantité de gentilshommes volontaires, et par l'ordre exprès de monsieur le cardinal, qui avoit aussi lettres et chiffres, le sieur de Lomeras, gentilhomme de Languedoc, enseigne au régiment de Champagne, pour avoir passé et repassé desjà une fois avec le sieur de Valin.

En cet ordre, le plus près qu'ils pouvoient les uns des autres, ils alloient costoyans la grand'terre, pour n'estre point veus ny descouverts par les vedètes des ennemis, qui n'estoient qu'à une lieue des Sables.

Or il arriva que, comme cette flotte alloit singlant à plaines voiles et que l'on croyoit estre desjà devant Sainct-Martin, Dieu fit cesser le vent tout à coup, en telle

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