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Plus d'une fois j'ai vu la bizarre fortune, Accourant sur ses pas, lui paraître importune, Je l'ai vu, dédaignant les dons de sa faveur, Lui-même malheureux, secourir le malheur!

O toi qui, malgré toi, seras un jour célèbre, Reçois, cher Péquignot, cet hommage funèbre! Hélas! en te quittant, j'espérais quelque jour Te revoir dans ces lieux si chers à ton amour: Les temps ont emporté mes vœux avec ta vie. Ami, paix à ta cendre et gloire à ton génie! (14)

FIN DU TROISIÈME CHANT.

CHANT QUATRIÈME.

Tu connais l'Italie, enfin, jeune Zeuxis;
Mais, ce n'est point assez: vers de lointains pays,
A travers les dangers, va conquérir la gloire.
Cours: l'orient t'appelle à plus d'une victoire;
C'est au sein des déserts que tu dessineras
Ces chefs-d'œuvre ignorés dans les mêmes climats
Où la main du génie, autrefois si féconde,
Les sema pour instruire et pour charmer le monde.
Tu combattras la soif, la fatigue, la faim,
Et le sol destructeur, et l'Arabe inhumain;
N'importe: le vent souffle; aux rives de la Grèce
Tu voles à ce nom, ton cœur bat d'allégresse.

Le voilà, ce pays favorisé des dieux,
Où brilla sans rivaux un peuple ingénieux,
La lumière, l'amour et l'orgueil de la terre;
Turbulent dans la paix, formidable à la guerre,
Sage, aimable, inconstant: amoureux des hasards,
Des vices, des vertus, de la gloire et des arts.

Là, chaque lieu révèle ou cache une merveille;
Les sites charment l'œil; les noms charment l'oreille;
L'aimable illusion, comme le souvenir,
Remplissent le passé, le présent, l'avenir.
Va donc, et suis les pas des voyageurs célèbres.
Majestueuse encor sous ses crêpes funèbres,
La Grèce, soulevant ses vêtemens de deuil,
S'est montrée à Delille, à Byron, à Choiseul. (1)
Comme eux,
de ses guerriers viens évoquer les ombres;
Aux lueurs de l'histoire éclaire ses décombres;
Pénètre dans la nuit de ses vieux monumens,
Dévastés par Bellone, enfouis par le temps.
Est-il de ses débris un seul qui ne rappelle
Son illustre infortune et sa gloire immortelle ?
Interrogeons la poudre où dorment sans honneurs
Ces favoris des dieux privés de successeurs:
Oui! leur grand souvenir agrandit la pensée.
N'entends-tu pas la voix de la Grèce oppressée,

Cette voix qui murmure au fond de ses tombeaux:
Arrête, voyageur, tu foules des héros! »

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Sur ce sol favori de Minerve et des Grâces, Viens, de ses dieux bannis, viens adorer les traces. Rends Thétis et Neptune aux abîmes des mers, Rends Jupiter aux cieux, rends Pluton aux enfers.

Vois-tu ce mont sacré d'où le dieu du tonnerre, D'un seul de ses regards enveloppant la terre,

Des éclats de la foudre, allumée en ses mains,
Faisait pâlir le front des coupables humains?
D'où quelquefois aussi, loin du lit des déesses,
Et, sous des traits mortels, déguisant ses faiblesses,
Aux aimables beautés du terrestre séjour
Il venait, suppliant, abaisser son amour?

Frère du Pinde altier, et père des étoiles Où l'aube épanouit les roses de ses voiles, Contemple ici l'OEta, bûcher de ce mortel Dont la vertu conquit tous les honneurs du ciel, (2) Et dont l'ombre héroïque inspira Léonide, Quand, guidant au combat sa phalange intrépide, Joyeux, il l'invitait au banquet de Pluton. (3) C'est ici qu'entassant Ossa sur Pélion,

Les monstrueux enfans, nés des flancs de Cybèle,
Méditèrent des cieux l'escalade rebelle.

Des frais vallons d'Hémus les profondes forêts
Invitent à rêver sous leur feuillage épais.

Où sont, disait Virgile, où sont ces vertes plaines
Que le folâtre essaim des vierges laconiennes,
Sur les flancs du Taygète, aux bords de l'Eurotas,
En célébrant Bacchus, vient fouler sous ses pas?

Berceau jadis flottant du dieu cher à Thymbrée, Délos s'élève au sein de cette onde azurée. Des monts de la Lycie, en son rapide essor, Ce dieu, s'enveloppant dans un nuage d'or,

Y descendait, rempli de pensers prophétiques;
Il y faisait parler les trépieds fatidiques;
Mais j'entends..... oui! j'entends frémir le Cythéron
Au bruit de la cymbale, aux accens du clairon.
A ses transports soudains la bacchante livrée,
L'œil en feu, le sein nu sous une peau tigrée,
Vient-elle, ivre d'amour, d'extase et de fureur,
Célébrer de l'Indus le jeune et beau vainqueur?
Non: le dieu dont le charme apprivoisa Cerbère,
Qui sut plier au joug l'indocile panthère,
Qui déchira Rhétus armé contre les cieux,

Ce dieu, le plus terrible et le plus doux des dieux,
Qui chasse les soucis sur l'aile des nuages,
Du Cytheron désert a quitté les ombrages.

Le front couvert de pampre, ivres, le thyrse en main,
Je n'y vois plus danser et Silène et Sylvain.

Aux bords désenchantés des ruisseaux sans Naïades,
Je n'entends plus les chœurs des ardentes Ménades;
Sur les pas rallentis de ces vives beautés,
Je ne vois plus bondir les Faunes effrontés.
Ah! rêves séduisans, dont la menteuse Grèce
Du poète et du peintre ont bercé la jeunesse,
Etes-vous donc enfin disparus pour toujours?
De Cypre et de Paphos, la mère des amours
Ne vient plus visiter la retraite charmante;
Nul amant n'y conduit sa jeune et tendre amante;
Ses temples sont détruits, et les pieux mortels
N'apportent plus leurs dons au pied de ses autels.

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