O Grèce, en tes beaux jours si brillante et si fière, Relève enfin tes dieux couchés dans la poussière; Au peintre, dont ta gloire enflamme les pinceaux, Rends leurs débris mêlés aux cendres des héros! Sur leurs tombeaux sacrés, quels yeux restent sans larmes? Ah! si de ces vieux chefs tu retrouvais les armes, Si ta voix évoquait leurs fantômes vengeurs !.... Malheur, malheur à vous, barbares oppresseurs! Et vous, jeunes Giaours, comme autrefois d'Achille, Parmi les vains bijoux qu'aime un sexe débile, L'instinct guerrier choisit la parure de Mars, Laissez là le théorbe, armez-vous de kangiars. Jusques à quand, ô vous que la terreur comprime, Baiserez-vous, courbés, la main qui vous opprime? Mais déjà de leur chaîne ils s'indignent tout bas; O Grèce, redis-leur quel fut Léonidas! Peut-être qu'ignorés de ton tyran stupide, Un nouveau Miltiade, un nouvel Aristide Déjà liment sans bruit les anneaux de tes fers. Un second Themistocle, invoqué sur tes mers, Va peut-être, au combat conduisant tes Hellènes, Te rendre les beaux jours et de Sparte et d'Athènes, Faire pâlir Stamboul, et lancer dans son port Le fer, les feux, la peur, la vengeance et la mort. Mais pourquoi s'abuser? De la rouille de l'âge De jour en jour s'accroît l'indélébile outrage; En vain, sur tes tombeaux, l'ombre de ta grandeur Jette à travers les temps sa lugubre lueur; C'en est fait gémissant de honte et de détresse, Que tes débris du moins, chers encore à la gloire, Où sont-ils? Ils étaient ombragés de lauriers Les marbres éloquens de ces trois cents guerriers Qui vendirent si cher leur trépas magnanime; Ces marbres qui disaient, dans leur accent sublime : Va, voyageur; que Sparte apprenne par ta voix Qu'ici nous sommes morts fidèles à ses lois ! (4) O mère de héros, maintenant asservie! Sur la terre d'Agis l'étude et le génie Vinrent ensemble un jour crier: Léonidas! Dans la plaine où fut Thèbe allons fouler sa cendre, De ton sein maternel as-tu banni leurs os? Que chantaient vos vengeurs, quand leurs nobles exploits Eurent enfin brisé l'orgueil du roi des rois? Fuyons: portons nos pas vers l'arène olympique; Allons revoir ces jeux où la palme athlétique, Où le laurier, posé sur leurs fronts radieux, Elevaient les vainqueurs jusques au rang des dieux. C'était là que la Grèce, environnant le stade, Souriait, enivrée, au bel Alcibiade, Lorsque son jeune orgueil, sûr de ses grands destins, Ah! rendez-moi ces chars lancés dans la carrière, Qui les comblaient de vœux,qui les couvraient de fleurs; Alors que, captivant ton esprit exalté, Le talent, la valeur, la grâce, la beauté, Plus que la vertu même, obtenaient tes hommages! Athènes, ah! pourquoi cet aspect triste et sombre? Et le toit de Sophocle, et le toit de Socrate. |