Ah! s'il te plaît, donne-toi patience. J'ai donc feint une lettre avecque diligence, Comme d'un grand seigneur écrite à Trufaldin, Qui mande qu'ayant su, par un heureux destin, Qu'une esclave qu'il tient sous le nom de Célie, Est sa fille, autrefois par des voleurs ravie, Il veut la venir prendre, et le conjure au moins De la garder toujours, de lui rendre des soins; Qu'à ce sujet il part d'Espagne, et doit pour elle Par de si grands présents reconnoître son zèle, Qu'il n'aura point regret de causer son bonheur. Fort bien. MASCARILLE. LÉLIE. Ecoute donc, voici bien le meilleur. La lettre que je dis a donc été remise; Mais sais-tu bien comment? En saison si bien prise, Que le porteur m'a dit que, sans ce trait falot, Un homme l'emmenoit, qui s'est trouvé fort sot. MASCARILLE. Vous avez fait ce coup sans vous donner an diable? LÉLIE. Oui. D'un tour si subtil m'aurois-tu cru capable? MASCARILLE. A vous pouvoir louer selon votre mérite, Pour vous dire en beaux vers, ou bien en docte prose, Taisez-vous, mna bonté, cessez votre entretien, Traversé sans repos par ce démon contraire, Poursuis. LÉANDRE. MASCARILLE N'est rien moins qu'inhumaine, Dans le particulier elle oblige sans peine, Célie... Las! que MASCARILLE. Oui, sa pudeur n'est que franche grimace, Qu'une ombre de vertu qui garde mal sa place, Et qui s'évanouit, comme l'on peut savoir, Aux rayons du soleil qu'une bourse fait voir '. LÉANDRE. dis-tu ? croirai-je un discours de la sorte! MASCARILLE. Monsieur, les volontés sont libres; que m'importe? Non, ne me croyez pas, suivez votre dessein, Prenez cette matoise, et lui donnez la main; Toute la ville en corps reconnoîtra ce zèle, Et vous épouserez le bien public en elle. LÉANDRE. Feignez, si vous voulez, de ne me pas entendre; Tout beau, tout beau, Léandre! LÉANDRE. LÉLIE. Oui! LEANDRE. Lui-même. LÉLIE. Il prétend D'une fille d'honneur insolemment médire, LÉANDRE. Et moi, gage que non. Parbleu! je le ferois mourir sous le bâton, Moi je lui couperois sur-le-champ les oreilles, SCÈNE IV. LÉLIE, LÉANDRE, MASCARILLE. Lélie. Ah! bon, bon, le voilà. Venez çà, chien maudit! MASCARILLE. LÉLIE. Langue de serpent, fertile en impostures, Ah! que vous êtes bon! | Doucement, ce discours est de mon industrie. Mon Dieu ne cherchons point querelle, ou je m'en vais. Vous n'avez pas chargé son dos avec outrance? Comment, vos gens? MASCARILLE, à part. LÉLIE. Point du tout. Moi l'avoir chassé, roué de coups? Pousse, pousse, bourreau; tu fais bien tes affaires. Donc les coups de bâton ne sont qu'imaginaires ! MASCARILLE. Il ne sait ce qu'il dit, sa mémoire.... LÉANDRE. Non, non, Tous ces signes pour toi ne disent rien de bon. SCENE V. LÉLIE, MASCARILLE. MASCARILLE. Courage, mon garçon, tout heur nous accompagne : Encore! Il va tout découvrir. Faisons l'Olibrius, l'occiseur d'innocents'. C'est maintenant le nôtre. Le trait est admirable! Et comment donc le vôtre? MASCARILLE, bas à Lélie. Doucement. LÉLIE. LÉLIE. Il t'avait accusé de discours médisants MASCARILLE. Et vous ne pouviez souffrir mon artifice, Hem! que veux-tu conter? Je veux de son rival alentir les transports, Ah! le double bourreau, qui me va tout gåter, LÉANDRE. Pour quelque mal commis, Hors de votre service il n'a pas été mis? Mon brave incontinent vient qui le désabuse; 'Suivant une vieille légende, Olibrius, gouverneur des Gaules, ne pouvant toucher le cœur de sainte Reine, la fit mourir. Le martyre de cette sainte fut plus tard le sujet d'un grand nombre de mystères qui plaisoient beaucoup au peuple. Olibrius y étoit représenté comme un fanfaron, un glorieux, un occiseur d'innocents; de là l'expression proverbiale : faire l'Olibrius pour faire le faux brave, persécuter ceux qui sont sans défense, etc. (Voyez le Dictionnaire des proverbes, par La M................. ) S'il ne tient qu'à cela, je n'y résiste pas. MASCARILLE. C'est que de votre père Il faut absolument apaiser la colère. LÉLIE. Nous avons fait la paix. MASCARILLE. Oui, mais non pas pour nous. Je l'ai fait, ce matin, mort pour l'amour de vous; Le bon homme, tout vieux, chérit fort la lumière, Ah! mon Dieu! nous verrons. (Lélie sort. ) Ma foi, prenons haleine après tant de fatigues. Cessons pour quelque temps le cours de nos intrigues, Et de nous tourmenter de même qu'un lutin. As-tu besoin, dis-moi, de mon sang, de mes bras? Léandre, pour nous nuire, est hors de garde enfin, MASCARILLE. De quelle vision sa cervelle est frappée! Vous êtes de l'humeur de ces amis d'épée2 LÉLIE. Que puis-je donc pour toi? 'Cette expression tire son origine d'un jeu fort en usage sous le règne de Louis XIV, mais beaucoup plus ancien. Au premier jour de mai, chacun devoit se trouver muni d'une branche de verdure. On se visitoit, on tâchoit de se surprendre en faute; ces mols: Je vous prends sans vert, retentissoient de tous côtés, et la moindre négligence étoit punie d'une amende dont le produit étoit destiné à une fète champêtre où l'on célébroit le printemps, * Par amis d'épée, Molière n'entend pas compagnons d'armes, mais seulement compagnons de duel. Molière s'est sans doute servi de cette expression par analogie avec ami de table, ami de tripot. Le teston valoit dix sous tournois, le marc d'argent étant à douze livres dix sous; il étoit appelé teston à cause de la tête de Louis XII qui y étoit représentée. Cette monuoie, fabriquée en 1313, subsista jusqu'à Henri III. Et Célie arrêtée avecque l'artifice... |