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Leudin, autrement nommé Bodon, qui Il n'était pas rare en ce temps-là, et fut évêque de Toul, depuis l'an 666, ou dans les siècles suivans, de voir des abenviron jusqu'en 675. bayes dépendantes pour le temporel des

Bodon avait pour père Gondoïn, et églises cathédrales; nous en trouvons juspour mère Sartrude, qui avaient leur de-qu'à douze qui dépendaient autrefois de meure au village de Meuse, sur la rivière l'église de Toul: comme saint Evre, saint de même nom, vers les limites des dio- Mansuy, Bouxières-aux-Dames, saint cèses de Langres et de Toul (1). Bodon Gengoû de Varennes, S. Diey, Moyenfut marié à une dame nommée Odile, moutier, Montier-en-Derf, S. Germain, dont il eut une fille nommée Thieberge; S. Pient, Poulangi, Bonmoutier et OfBodon et Odile ayant entendu parler fonville: mais ce qui me surprend, c'est S. Valbert, abbé de Luxeuil, sur la que je ne vois jamais Etival dans la liste vanité des choses du monde, résolurent de ces abbayes, qui appartenaient à la de renoncer au siècle, et se rendirent à cathédrale de Toul: c'est apparemment Laon auprès de Salaberge, sœur de Bo- que lorsqu'on a fait les dénombremens don, laquelle y avait bati un monastère que nous en avons, Etival en avait déjà pour des religieuses, dont elle était ab- été distrait et séparé. Voici sur quoi je besse; Odile s'y enferma avec sa fille, et fonde ma conjecture. Bodon s'étant coupé les cheveux, vêcut auprès d'elle en solitaire.

L'odeur de ses vertus l'ayant fait connaître au peuple et au clergé de Toul, ils le demandèrent pour évêque (2), Il était déjà sur âge; mais ils vécut encore assez pour faire de grands biens à son église.

Nous lisons dans la vie de St. Arnou, évêque de Tou!, qui vivait en 860 (1), que le roi Lothaire n'ayant pu porter ce saint évêque à approuver son divorce avec Thietberge et son mariage avec Valdrade, ce prince lui ôta de grands biens et plusieurs abbayes que son église possédait. VeneraL'auteur qui raconte sa conversion, rabilis præsul, istaque ecclesia possessiodit que d'abord il donna ses biens aux nibus et abbatiis multis ad tempus spoliata monastères, puis se retira à Laon auprès remansit. Saint Gauzelin en récupéra quelde sainte Salaberge sa sœur; mais les ques-unes, comme on le voit dans sa manuscrits de l'église de Toul portent, vie, et saint Gérard y en ajouta quelqu'il donna à son église cathédrale, E-ques autres. Du nombre des abbayes ôtées tival, qui lui était venu par succession à l'église de Toul sont apparemment Etival de ses parens, et y bâtit un monastère si- et Bonmoutier. tué sur la Meurthe, et dedié à l'apôtre Quelques années après (2), l'empereur saint Pierre (5). En confrontant ces deux Charles-le-Gros donna l'abbaye d'Etival récits, il paraît 1° que Bodon fonda ce à l'impératrice Richarde, son épouse, de monastère, et les deux autres dont nous façon qu'Etival fut par la séparée sans reparlerons ci-après, immédiatement après tour de l'église de Toul; on remarque même sa conversion. 2° Qu'il ne fonda pas ce qu'au dixième siècle l'abbesse d'Andelau, monastère des biens de l'église de Toul. comme possédant l'abbaye d'Etival, dé3o Qu'il ne céda le monastère d'Etival pendante de son monastère d'Andelau, préà la cathédrale de Toul, qu'après en être tendit aussi être maitresse du monastère de devenu évêque, et par conséquent cinq Bonmoutier, comme ayant été fondé par ou six ans après sa conversion. le même saint Bodon qui avait fondé Etival; mais elle perdit son procès, l'évêque

(1) Vita sanctæ Salabergæ, tome 2, act. Ss. saint Gauzelin ayant bien prouvé sa pos

Bened., pages 421, et sequent.

(2) Vit. S. Salaberge, p. 428.

(3) Acta Episcop. Tull. Histoire de Lorr., t. 1. Preuves."

(1) Hist. de Lorr., t. 2, p. 172. Preuves. (2) Vita sancti Gauzelini. Hist. de Lorr., t. 1, p. 132. Preuves.

session en présence de l'empereur Othon, dans la ville de Mayence.

lant de la même abbaye de Moyenmoutier, veut que pendant la vie du duc Frédéric, Tout cela rend fort probable la conjec- saint Gérard, évêque de Toul, dispose de jecture que j'ai proposée, que l'abbaye ce qui est destiné à la prébende des frères d'Etival fut distraite de l'église de Toul, et leur en procure la jouissance. Ut Gerarpremièrement par le roi Lothaire, et en-dus episcopus ecclesiæ ejus præbendam suite par l'empereur Charles-le-Gros; ce Monachorum investiturá possideat (1). Que qui est certain, c'est qu'on ne trouve ja-pendant la vie du duc Frédéric saint Gémais Etival marqué dans le dénombrement rard jouisse des biens destinés à la prédes abbayes dépendantes de l'église de bende des religieux, et qu'il les leur disToul. tribue fidèlement.

L'empereur Charles-le-Gros ayant donc L'abbaye d'Etival fut donc d'abord hacédé l'abbaye d'Etival à l'impératrice Ri-bitée par douze chanoines, selon l'intention charde (1), qui avait fondé quelques an-du fondateur, dit le manuscrit de Toul. nées auparavant l'abbaye d'Andelau en Monasterium in honorem beati PetriaposAlsace, cette princesse donna ou rendit à toli construxit super fluvium Murth, et son tour la même abbaye d'Etival, en 882, duodecim canonicos ibidem aggregavit. aux serviteurs de Dieu qui y demeuraient, Richerius, historien de Senones, croit qu'il s'en réservant encore le domaine où la sei- y eut d'abord des religieux de saint Benoit, gneurie, ou l'avocatie: en sorte que ceux puis des religieuses, ensuite des chanoines qui y faisaient l'office étaient sous sa dé-séculiers et enfin des prémontrés, qui y pendance, et ne pouvaient disposer de rien sont entrés en 1147 et y sont encore ausans sa permission; car il est bon de re-jourd'hui (2). Il est bien plus probable marquer ici que quand les rois ou les em- qu'il y eut d'abord des moines qui suipereurs, ou niême les fondateurs donnaient vaient la règle de St. Benoit et de St. Coainsi une abbaye à une église cathédrale, ils lomban (3), puis des chanoines vivant ne lui en donnaient ni la propriété ni la régulièrement sous la règle de St. Augusdisposition absolue de ses biens temporels; tin, en 973. Canonici sub regula sancti les abbayes avaient toujours leurs abbés et Augustini Deo servientes. Ce ne fut que la communauté ses religieux, mais ceux-ci sous le prévôt Conrade II, que du consen étaient comme pensionnaires des évêques tement de l'abbesse et de la communauté qui leur donnaient leurs prébendes, leur d'Andelau, on y introduisit, en 1146 ou nourriture, de quoi s'entretenir, faire l'au-1147, l'institut des prémontrés, sous la mône et exercer l'hospitalité; du reste les filiation de Flabémont, qui y subsiste enévêques étaient seigneurs, défenseurs et core aujourd'hui. protecteurs des monastères qu'ils gouvernaient ordinairement en régale.

Il est encore certain qu'en 882 (4) il y avait à Etival une communauté de serviteurs L'auteur de la vie de saint Gauzelin le de Dieu, mais on ne nous dit pas s'ils marque clairement (2). Ce saint évêque étaient séculiers ou réguliers: ce sont obtint l'abbaye de Moyenmoutier pour en sans doute les mêmes que l'auteur du majouir seulement après la mort du duc Frédé-nuscrit de Toul a nommé XII chanoines, ric. Eálege ut Fredericus dux dum advive- jugeant du passé par le temps où il écrivit; ret, advocatiam retineret, et pontifex præ- je suis persuadé que les premiers habitans bendam loci ordinaret. St. Gauzelin devait, comme protecteur des religieux, régler ce qui regardait leurs prébendes et leur entretien. L'empereur Othon II, en 979, par. (1) Hist. de Lorr., t. i, p. 132. Preuves.

Hist. de Lorr., t. p. 132. Preuves.

(1) Benoit, Hist. de Toul, p. xxi. (2) Hist. de Lorr., t. 1, p. 123. Preuves. Richer, t. 2, Hist de Lorr. Annal. præmonst. diplom. Othon I, an 973. Hist. de Lorr., t. 1, p. 316.

aussi dans le diocèse de Toul, sont desservies par des religieux prémontrés nommés par l'abbé d'Etival.

Aujourd'hui elle est possédée en commende par M. Scipion Jérôme Begon, évêque de Toul, qui a obtenu l'union de la manse abbatiale à sa crosse épiscopale, par bulles du 5 juin 1747.

d'Etival, de même que ceux de Saint-Jean | ayant terni leur éclat, et un goût nouveau de Laon, observaient les règles de Saint ayant succédé à celui où vivait l'abbé Jean Colomban et de Saint Benoit. La liaison Frouart, mort en 1665; il était habile qui était entre les saints abbés de Luxeuil, peintre et avait lui-même inventé et exéEustaise et Valbert, et la famille de Bodon cuté la meilleure partie de ces ouvrages. et de Salaberge, me confirment dans ce L'abbaye d'Etival jouit des droits quasisentiment, de même que le texte formel de épiscopaux, non-seulement dans son terla vie de sainte Salaberge : erant tunc tem-ritoire, mais aussi dans quelques paroisses poris per Galliarum provincias agmina de sa dépendance. Toutes les cures qui sont Monachorum ac sacrarum puellarum..... non-seulement dans le ban d'Etival, mais ex regula duntaxat beatorum patrum benedicti et Columbani pullulare cœperunt (1); ce qui est bien plus ancien que l'origine des prémontrés, qui ne sont entrés à Etival qu'en 1146 ou 1147, et que celle des chanoines réguliers de saint Augustin, dont on ne connaît l'institut que vers l'an 1040 ou 1050. Depuis l'introduction des pères prémontrés à Etival, je ne vois rien de fort En 880 (1), l'impératrice Richarde conremarquable dans l'histoire de ce monastère, firma les biens du monastère d'Etival, lessi ce n'est qu'en 1172, Hauvis, abbesse quels lui avaient été donnés par l'empereur d'Andelau, du consentement de sa commu- Charles-le-Gros, son époux. Elle spécifie nauté, exempta l'abbé et l'abbaye d'Etival les biens qui en dépendent et qui étaient des anciennes servitudes dont ils étaient tetenus envers l'abbaye d'Andelau, se réservant seulement le droit de donner l'investiture à l'abbé élu, qui recevait le livre de la main de l'abbesse: de plus il devait venir tous les ans célébrer la messe solennelle Nous avons vu une bulle du pape Léon à Andelau le jour de saint Pierre et saint IX, de l'an 1049, donnée à son retour du Paul, et si l'abbesse était obligée d'aller à concile de Mayence, où il dit que, s'étant la cour de l'empereur elle pouvait mener transporté à l'abbaye d'Elcon (c'est l'ancien avec elle l'abbé d'Etival, à moins que quel-nom d'Andelau), dédiée sous l'invocation que cause légitime ne l'empêchât de faire le de saint Fabien et de sainte Félicité, il en voyage; au reste elle ne pouvait refuser l'in- avait béni et consacré l'église, qui n'était vestiture à l'abbé légitimement élu et agréé pas encore achevée, à la prière de l'abbesse des supérieures de son ordre. Mathilde; qu'il y a transféré le corps de La réforme de la congrégation des pré-sainte Richarde, fondatrice de ce monas-montrés de Lorraine fut introduite à Eti-tère, qu'elle commença par la donation de val en 1627, sous l'abbé Jean Frouart. Charles-le-Gros, son époux. L'abbaye est fort bien bâtie, ayant une Léon IX confirme les biens de cette abbonne bibliothèque et une sacristie riche en baye et n'y fait aucune mention d'Etiyal. argenterie et en ornemens. L'église est an-En 1114, l'empereur Henri IV confirma cienne et solide, et ornée de figures en les mêmes biens d'Etival au prévôt Totimar ; plâtre, de peintures et de dorures qui il ne portait point point le nom d'abbé : et étaient autrefois estimées et même admirées; en 1140 le pape innocent confirme, à la mais aujourd'hui ces ornemens sont assez prière du prévôt Henri, les biens du même peu considérés, le temps qui dévore tout lieu, et le prend sous sa protection spéciale.

(1) Vita S. Salaberg, p. 425.

sous la protection de saint Pierre, prince des apôtres et de la Sainte-Vierge. Elle marque l'étendue et les limites du ban d'Etival entre celui de Moyenmoutier et de Saint-Diey.

(1) Anual. Præmonstr., t. 2, p. 543.

Il y rappelle un privilége de Brunon, évê-firmée par M. l'archevêque de Trèves. Le que de Toul, qui fut fait pape sous le nom prieur de Lay-St.-Christophe est collateur de Léon IX. On ne connaît pas le privi- et décimateur pour la totalité de la dime. lége de Brunon, mais seulement la bulle Le curé a une pension raisonnable à la de Léon IX, donnée, comme nous l'avons dit ci-devant, en 1049.

En 1147, le pape Eugène III, confirma les biens d'Etival en faveur de l'abbé Gilbert, ordre de prémontré, et à ses frères, auxquels le monastère d'Etival avait été cédé par l'abbesse Mathilde d'Andelau, du consentement de Hugon, comte de Dasbourg, voué de son abbaye, des religieuses de sa communauté, des chanoines desservant l'église d'Andelau et des chanoines séculiers qui demeuraient à Etival. Cette dernière abbaye avait été donnée à l'impératrice Richarde, ci-devant épouse de l'empereurCharles-le-Gros.

En 1161, Hillin, archevêque de Trêves, confirma les biens d'Etival en faveur de l'abbé Rembaldus; et en 1169, Pierre, évêque de Toul, donna une charte de confirmation à la même abbaye à l'abbé Vautier ou Valther.

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charge du prieur seigneur du lieu. Souveraineté de Lorraine, bailliage et cour souveraine de Nancy, L'église est dédiée sous l'invocation de saint Remi, archevêque de Reims. Il y a dans l'église paroissiale une chapelle de Notre-Dame-de-Pitié à la collation du curé.

Ce village n'a rien de singulier en luimême, mais il est devenu célèbre dans le pays, depuis l'an 1719, par une maladie extraordinaire arrivée au mois de mars de cette même année, à une fille d'Eumont nommée Marie Virion, agée de vingt-six ans, fille d'un laboureur du même lieu.

(1) Cette fiille a été pendant trois ans huit mois sans boire ni manger rien de solide, un an et demi sans aller à la garderobe; elle tombait de jour et de nuit dans des accès cataleptiques dans lesquels son corps était en certain temps pesant comme une statue de plomb, et en d'autres d'une légéreté surprenante; les yeux fixes et brillans, les paupières ouvertes et immobiles, son corps insensible: son pouls tendre et réglé était le seul témoin qu'elle n'était point morte. Elle restait dans telle attitude qu'on lui donnait, lorsqu'on lui pressait le menton avec le doigt sa bouche s'ouvrait et restait ouverte; lorsqu'avec le bout des doigts l'on tirait l'extrémité de sa coiffe, sa tête et son corps s'élevant avec une légéreté surprenante, ayant les jambes aussi élevées et restant sur son séant comme sur un pivot, on la faisait tourner cà et là avec une facilité inconcevable.

Enfin, en 1172, Hadwige, abbesse d'Andelau, du consentement de son chapitre et du comte Albert de Dasbourg, voué de son abbaye, donna l'investiture de l'abbaye d'Etival à Verner, abbé de cette abbaye; et le chargea de payer annuellement à l'abbaye d'Andelau quarante sols, monnaie de Strasbourg, dont il apportera la moitié, c'est-à-dire vingt sols, lorsqu'il viendra célébrer la messe à Andelau, à la fête de saint Pierre et de saint Paul; et enverra l'autre moitié le jour de St. Martin; et s'il manque à payer à ces termes, l'abbesse d'Andelau reţirera ce qu'elle a donné. Quod si persolvere noluerit, Andlavensis Ce qui occasionna la maladie de cette abbatissa eamdem censivam resumat. L'ab- fille fut une chûte qu'elle fit de dessus un bé Verner a vécu depuis l'anné 1176 jus-grenier sur terre, étant chargée d'un farqu'en 1184. deau de paille. Elle était dans ses règles, EUMONT.-Eumont, village du dio-qui furent supprimées, ce qui lui causa un cèse de Toul, à une lieue et demie de vomissement de sang; on la saigna plusieurs Nancy vers le nord, autrefois annexe du fois au pied, on la mit dans l'usage des village de Lay-St.-Christophe, aujourd'hui érigé en cure par M. de Camilly, évêque de Toul, par sentence du 21 juin 1708, con

(1) Ce discours est de M. Mengin médecin dudit lieu.

potions vulnéraires qui arrêtèrent son vomissement de sang. Elle entra dans un dé goût pour toutes nourritures, tant solides que liquides. Dans les temps qu'elle devait avoir ses règles elle vomissait le sang; on lui donna des opiates hydragogues, provocatifs et apéritifs. Tous les remèdes devinrent inutiles; la longueur de sa maladie augmenta jusqu'au point qu'elle tomba dans une catalepsie imparfaite, périodique et compliquée.

retirés, puisque la goutte fait cet effet à toutes sortes de personnes qui sont entichés de la froide.

Mais comment concevoir, disait-on, que cette fille qui avait été si long-temps sans prendre aucun aliment, ni solide ni liquide, ait pu avoir du sang en assez grande quantité pour pouvoir pousser son action du centre à la circonférence, et occasion-ner une transpiration de sang ; cela est aisé à comprendre si l'on fait attention que c'est une paysanne forte, robuste, pleine de sang et de feu, sanguine, et accoutumée

Lorsque cette fille sortait de ces accès, qui duraient 10, 15, 18, jusqu'à 24 heures, elle prononçait un discours édi-au travail, qui perd ses règles qui étaient fiant, des prières chrétiennes. Une foule d'habiles gens de Nancy et des provinces voisines accouraient à Eumont; les uns disaient qu'il y avait du surnaturel et du miracle; les autres de l'extase d'autres prononçaient hardiment que c'était une pure tragédie feinte et simulée. Il n'était pas possible d'asseoir un jugement certain sur cette maladie prodigieuse.

On remarquait à cette fille de l'embonpoint, un visage fleuri, ses bras charnus; mais son ventre était en apparence attaché aux vertèbres. de même que les parties solides.

En l'année 1722, au mois d'août, elle eut une transpiration de sang dans les mains, aux pieds, à la tête et sur le côté gauche; les doigts de ses pieds et de ses mains se retirèrent en dedans et sont de meurés crochus sans pouvoir s'en servir davantage, jusqu'à ce qu'elle a été parfaitement guérie. Ses genoux étaient enflés. Cette sueur de sang ayant surpris le public, et fait crier de nouveau au miracle, le grand concours de peuple augmenta plus qu'auparavant. On avait beau dire que c'était une maladie compliquée, que les médecins Polonais ont nommée Plica, en ce qu'elle plie ou bouchonne les cheveux; ou Chiragra, comme étant une espèce de goutte, qui commence par ce fâcheux symtôme de sueur de sang et entortillement de cheveux.

On ne doit donc pas être surpris si Marie Virion a eu les doigts des extrémités

abondantes auparavant, sans qu'elle en soit incommodée; qui les vomit pendant quelque temps, et que tout se trouve supprimé. Comment donc le sang ne l'aurait-il pas étouffé par le défaut de mouvement, le manquement de force, la privation d'élasticité, s'il n'eût fait faire à la nature un dernier effort pour évacuer ses superfluités par la voie de transpiration, dont elle se sert en cette occurrence de maladie, comme d'une route extraordinaire. Tout était en presse et en contrainte dans ce corps; le sang serré par son épaisissement, les vaisseaux n'ayant pas assez de diamêtre, il est chassé de toutes parts sans règle et sans retraite, ne cherche qu'à s'échapper et à s'ouvrir des issues, soit par des sueurs de sang, soit par le nez, par la bouche, soit par les selles et par les urines; tout cela ressemble-t-il si mal à ce qui est naturel à l'homme? On peut rapporter à cela quelques exemples de faits certains arrivés à Nancy, dans le temps que cette fille d'Eumont transpira le sang: madame de Gerbéviller en rendit une palette par l'orteil droit, sans douleur : combien feu M....... secrétaire de l'hôtel-de-Ville de Nancy, n'en a-t-il pas sué dans sa goutte, accompagnée de fluxion de poitrine ? Le 24 de mars 1754, une pensionnaire de 12 ans chezdes dames de la congrégation de Nancy, en a rendu une once par le front. On sera encore surpris lorsqu'on apprendra que deux dames de la même ville, étant dans des transpirations fortes, lorsqu'on les

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