Images de page
PDF
ePub

pour vaquer aux exercices de piété. Il faisait de son travail un acte de religion, en s'y portant avec un esprit de pénitence, et en se proposant l'accomplissement de la volonté divine. Plus il était pénible, plus il lui devenait cher c'est qu'alors il lui paraissait plus propre à dompter la chair, et qu'il devenait la matière d'une pénitence plus parfaite. En labourant la terre, il était pénétré de l'esprit des anciens anachorètes. Tandis que sa main conduisait la charrue, son cœur conversait avec Dieu et avec les esprits bienheureux. Tantôt il déplorait ses misères et celles des autres hommes; tantôt il soupirait après les délices de la Jérusalem céleste. Ce fut par cet amour de la prière, jointe à la pratique continuelle de l'humilité et de la mortification, qu'il acquit cette sainteté éminente qui le rendit l'objet de l'admiration de toute l'Espagne.

Il se mit, dans sa jeunesse, au service d'un gentilhomme de Madrid, nommé Jean de Vergas, pour labourer sa terre, et pour faire valoir une de ses fermes. Il s'engagea ensuite dans l'état du mariage, et fixa son choix sur Marie Torribia, qui était aussi recommandable par ses vertus. Après la naissance d'un enfant qui mourut jeune, les deux époux résolurent mutuellement de passer le reste de leur vie dans la continence.

Isidore resta toujours attaché au service du même maître. Il pouvait lui dire comme Jacob à Laban : « J'ai veillé >> durant les nuits; j'ai supporté le froid et le chaud pour >> conserver et augmenter votre bien. Vous aviez peu de » chose avant que je fusse venu avec vous, et présen>>tement vous voilà riche (1). » Jean de Vergas, qui sentait tout le prix du trésor qu'il possédait dans la personne d'Isidore, le traitait comme son frère, se rappelant cet avis de l'Ecclésiastique : Chérissez comme votre ame le

(1) Gen. XXX, 30.

[ocr errors]

serviteur qui a de la sagesse (1). Il lui accorda la liberté d'assister tous les jours à l'office de l'Église. Le Saint n'en abusa point; il se levait tous les jours de grand matin

pour satisfaire tout à la fois à sa piété et à ses obliga

tions. C'est en effet une fausse dévotion que de croire plaire à Dieu en manquant aux devoirs de son état.

Isidore, plein de charité pour les pauvres, soulageait leurs besoins autant qu'il était en lui, et employait à cette bonne œuvre une partie de son salaire. Il inspirait à sa femme les sentimens dont il était pénétré, et il la rendit fidèle imitatrice de ses vertus. Elle mourut en 1175, et elle est honorée en Espagne parmi les Saints. Son culte fut solennellement approuvé par Innocent XII en 1697 (2).

Saint Isidore étant tombé dans la maladie dont il mourut, prédit sa dernière heure, et s'y prépara par un redoublement de ferveur. La piété avec laquelle il reçut les derniers sacremens, tira des larmes des yeux de tous les assistans. Il s'endormit dans le Seigneur le 15 Mai 1170, à l'âge de près de soixante ans. Sa sainteté fut attestée par plusieurs miracles.

Quarante ans après, on transporta son corps du cimetière dans l'église de Saint-André; il a depuis été déposé dans la chapelle de l'évêque, et il est encore aujourd'hui frais et entier. Entre autres miracles opérés par l'intercession de saint Isidore, nous en rapporterons un qui est appuyé sur des témoignages qu'on ne peut récuser.

Philippe III, revenant de Lisbonne, se trouva si mal à Casarubios del Monte, que les médecins désespérérent de sa vie. On ordonna une procession du clergé, de la

(1) Eccli. VII, 23.

(2) Ceux qui appellent cette sainte Marie della Cabeza, ont été trompés par une chapelle de ce nom où l'on garde son chef. Voyez sur cette Sainte, Benoît XIV, de Canoniz, 1. 2, c. 24, p. 246.

cour et du peuple de Madrid, dans laquelle on porterait les reliques du Saint à la chambre du prince malade. Les prières de tous les fidèles, réunis, ne restèrent point sans effet. A peine la châsse fut-elle sortie de l'église que la fièvre quitta Philippe, et il se trouva parfaitement guéri lorsqu'elle entra dans sa chambre.

2

L'année suivante, on tira le corps de saint Isidore de la châsse où il était, afin de le mettre dans une autre beaucoup plus riche. Elle coûta seize cents ducats d'or.

Quelque temps avant, c'est-à-dire en 1619, le serviteur de Dieu avait été béatifié par Paul V, à la sollicitation du Roi Philippe III. On le canonisa solennellement le 22 Mars 1622, sur les instances de Philippe IV; mais la bulle de sa canonisation ne fut publiée que par Benoît XIII.

Saint Isidore est nommé en ce jour dans le martyrologe romain; mais sa fête ne se célèbre en Espagne que le 15 du même mois.

Voyez sa vie, écrite cent quarante ans après sa mort par Jean de Madrid, et Benoît XIV, de Canoniz. Sanct, t. III.

wwwwm

11 Mai.

www

S. MAMERT, ÉVÊQUE DE VIENNE EN DAUPHINÉ.

Tiré d'une homélie de saint Avit, son disciple, sur l'établissement des Rogations, t. II, Op. Sirmondi, p. 136, et de Sidoine Apollinaire, 1. 7, ep. 14. Voyez Ceillier, t. XIV, p. 25, et Rivet, Hist. littér. de la Fr. t. II, p. 480.

L'AN 477.

SAINT MAMERT Succéda à Simplice sur le siége épiscopal de Vienne. Il fut, dans le cinquième siècle, une des plus brillantes lumières de l'église gallicane. Il joignait à

une sainteté éminente, un profond savoir et le don des miracles. On doit à sa piété l'établissement des supplications publiques connues sous le nom de Rogations. Voici quelle en fut l'occasion (1).

Dieu, pour punir les péchés des peuples, permit qu'ils fussent affligés par la guerre et divers autres fléaux; il les effraya aussi par un grand nombre d'embrasemens, par de fréquens tremblemens de terre, et par la vue des bêtes sauvages qui venaient en plein jour jusque dans les places publiques. Les impies attribuaient ces événemens au hasard; mais les personnes sages les regardaient comme les effets de la colère de Dieu, qui les menaçait d'une ruine totale.

[ocr errors]

Au milieu de ces calamités, le ciel accorda à la foi de Mamert une marque de sa bonté. Un terrible incendie que l'on ne pouvait arrêter, menaçait la ville de Vienne d'un embrasement général. Le saint évêque se mit en prières, et le feu s'éteignit tout-à-coup. Il profita de ce miracle pour exhorter les pécheurs à cesser leurs désordres, à les expier par la pénitence, et à désarmer le bras de Dieu par toutes sortes de bonnes œuvres. La nuit de Pâques, il arriva un second incendie qui causa dans la ville de nouvelles alarmes. Le saint pasteur eut recours à ses armes ordinaires; il se prosterna devant l'autel, et les flammes s'éteignirent d'une manière que saint Avit nomme miraculeuse (2). Ce fut dans la même nuit qu'il forma le pieux projet d'établir des supplications publiques, qui se feraient chaque année durant trois jours. Elles avaient pour but d'apaiser le ciel irrité, et elles consistaient dans le chant des psaumes, dans la confession des péchés, et dans la prière, accompagnée du jeûne, des larmes et de la

(1) Sidon. Apollin. l. 7, ep. 1, p. 1014. (2) Homil. de Rogat. p. 136.

componction du cœur (1). Cette sainte institution ne fut pas concentrée dans le diocèse de Vienne; celui de Clermont, dont saint Sidoine Apollinaire était évêque, l'adopta avant l'année 475, et elle devint bientôt une pratique universelle dans l'église d'Occident.

Le Saint avait un frère plus jeune que lui, qu'il ordonna prêtre, et avec lequel il partagea les travaux de l'épiscopat. Il se nommait Mamert Claudien, et saint Sidoine Apollinaire le regardait comme le plus beau génie de son siècle. C'était un savant universel, en état de répondre à toutes sortes de questions, et de combattre toutes les erreurs; mais sa modestie et sa vertu le rendaient encore bien plus recommandable que son savoir. Il mourut vers l'an 474, après avoir rendu d'importans services à son frère (2).

Quant au saint évêque de Vienne, nous ne savons plus rien de ce qui concerne le reste de sa vie. Il mourut en 477. Son nom se trouve dans le martyrologe romain. Nous devons regarder les afflictions temporelles comme

(1) Les messes et les leçons que les églises des Gaules disaient aux jours des Rogations, se trouvent dans l'ancienne liturgie gallicane, publiée par Mabillon.

On attribue à saint Mamert deux sermons, l'un sur les Rogations, et l'autre sur la pénitence des Ninivites.

(2) Mamert Claudien est l'auteur de l'hymne, Pange, lingua, gloriosi prælium certaminis, que quelques savans ont faussement attribuée à saint Fortunat de Poitiers. Sidoine Apollinaire le loue pour avoir composé plusieurs hymnes à l'usage de l'église de Vienne.

Nous avons encore du même auteur un traité de la nature de l'ame, qui se trouve dans la Bibliothèque des Pères, t. VI, p. 1062, edit Lugd. Il est divisé en trois livres. Le but de Mamert Claudien est de réfuter Fauste de Riez, qui soutenait que Dieu seul est incorporel, et que les anges, ainsi que les ames humaines, sont des substances matérielles. On admire dans cet ouvrage l'élégance, jointe à la solidité et à l'esprit de méthode,

« PrécédentContinuer »