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Ils logèrent l'un et l'autre dans la maison de sainte Paule. A la fin de l'hiver, saint Epiphane s'embarqua pour retourner à Salamine. Il eut en 385 la consolation de recevoir sainte Paule, qui passa dix jours avec lui allant en Palestine.

Etant à Jérusalem en 394, il prêcha contre l'origénisme, en présence du patriarche Jean, qu'il soupçonnait pencher vers cette hérésie; mais son discours fut très-mal reçu par le patriarche, et par tous ceux qui lui étaient attachés. Il quitta donc Jérusalem pour se retirer à Bethléem. Il persuada à saint Jérôme de se séparer de la communion de Jean, jusqu'à ce qu'il eût donné des preuves publiques de sa catholicité. Il éleva en même temps au sacerdoce, Paulinien, frère de saint Jérôme. Le patriarche se plaignit hautement de cette ordination, et soutint qu'elle était un attentat contre ses droits. Saint Epiphane tâcha de se justifier, dans une lettre qu'il écrivit au prélat qui prétendait sa juridiction lésée. J'ai pu, lui disait-il, ordonner un moine, qui, en qualité d'étranger, ne doit point être censé de votre province. C'est la crainte de Dieu qui m'a fait agir de la sorte; je ne me suis proposé que l'utilité de l'Eglise. Il n'y a point de diversité dans le sacerdoce, dès qu'il est question de la charité de Jésus-Christ. Nous n'avons point désapprouvé de semblables ordinations qui ont été faites dans notre province; pourquoi donc vous emportez-vous avec tant de chaleur contre une action dont les motifs ont été si purs? Quant à Paulinien, il suivit saint Epiphane à Salamine, et lui demeura soumis comme étant de son clergé.

On doit conclure de la conduite que saint Epiphane tint en cette occasion, et à Constantinople, qu'il n'avait pas des idées aussi exactes qu'on les a aujourd'hui sur la juridiction d'un évêque hors de son diocèse : ce qui venait de ce que l'Eglise, par ses canons, ne s'était point encore

expliquée sur ce sujet d'une manière aussi expresse qu'elle l'a fait depuis. Autrement il n'aurait pas conféré les ordres dans un diocèse étranger; il n'aurait pas non plus prêché à Constantinople, qu'il n'en eût préalablement obtenu la permission de l'archevêque : mais il croyait pouvoir faire dans le diocèse des autres évêques, ce qu'il ne trouvait pas mauvais qu'ils fissent dans le sien.

Ce fut en 401 que saint Epiphane se rendit à Constantinople. Il y accusa d'origénisme les solitaires appelés Grands-Frères (1), contre lesquels il avait été prévenu par les clameurs de Théophile. Il refusa même de communiquer avec saint Chrysostôme, qui leur avait accordé sa protection, et qui ne les avait admis à la communion qu'après s'être assuré de leur orthodoxie. Les Grands-Frères allèrent voir saint Epiphane, dans la vue de lui expliquer leurs sentimens. « Mon père, lui dirent-ils, nous désirons >> savoir de vous si vous avez jamais vu nos disciples et nos écrits. Non, répondit l'évêque. Comment donc, reprit Ammonius, un des solitaires, nous avez-vous jugés hérétiques sans avoir des preuves de nos sentimens ? >> C'est, repartit le Saint, que je l'ai ouï dire. Nous avons » fait le contraire, répliqua Ammonius. Nous avons sou>> vent rencontré vos disciples, et vu vos écrits, entre » autres l'Anchorat; et comme plusieurs voulaient le » blâmer et l'accuser d'hérésie, nous en avons pris la dé

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(1) Ils étaient au nombre de quatre; leurs noms étaient Dioscore, Ammonius, Eusèbe et Euthyme. On les appelait les Grands-Frères, à cause de la hauteur de leur taille. Ils embrassèrent la vie solitaire sur la montagne de Nitrie. Ils avaient des sœurs qui étaient dans les mêmes sentimens qu'eux, et qui se retirèrent dans un logement bâti à quelque distance de celui de leurs frères. Ils devinrent célèbres par l'austérité de leur pénitence, et par la ferveur et la continuité de leurs prières. Ils eurent l'honneur de souffrir pour la consubstantialité du Verbe. Voyez Pallade. Hist. Laus. c. 10, 17.

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»fense...... Vous ne deviez donc pas nous condamner sans nous entendre, ni traiter comme vous avez fait, ceux qui ne disent de vous que du bien. » Saint Epiphane leur parla plus doucement, et les renvoya. Il quitta lui-même Constantinople, et s'embarqua pour retourner dans son diocèse : mais il ne put arriver jusqu'à Salamine; il mourut en route dans l'année 403, après trente-six ans d'épiscopat. Ses disciples bâtirent en Chypre une église sous son invocation, où ils placèrent son image avec celles de plusieurs autres saints personnages (1). Dieu honora son tombeau par un grand nombre de miracles (2).

Il est vrai que ce Saint est tombé dans quelques méprises en certaines occasions. Mais on doit, dit Socrate, les attribuer à l'ardeur de son zèle et à la simplicité de son cœur. Il n'a point erré dans la foi, et l'ombre seul du mal, sur-tout en ce genre, lui causait une vive frayeur. Saint Augustin, saint Ephrem, saint Jean Damascène, Photius, etc. l'appellent un docteur catholique, un homme admirable, un homme rempli de l'esprit de Dieu.

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1o Le Panarium, ou le Livre des Antidotes contre toutes les hérésies, qui parut en 374. Le Saint y donne l'histoire de vingt hérésies qui avaient précédé la naissance de Jésus-Christ, et de quatre-vingts qui s'étaient élevées depuis la promulgation de l'évangile. Il n'est pas toujours exact en parlant de l'arianisme; mais on sait combien il est difficile de découvrir la vérité dans des points où l'esprit de révolte avait tant d'intérêt à l'embrouiller. Saint Epiphane réfute les hérésies par l'Écriture et la tradition. «< On doit, dit-il, admettre nécessairement la tradition; » on ne peut tout apprendre par l'Écriture : c'est pourquoi les apôtres »> nous ont transmis quelques vérités par écrit, et d'autres par la voie

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» de la tradition, hær. 60, c. 6, p. 511. » C'est par la tradition qu'il justifie la pratique, et qu'il prouve l'obligation de prier pour les morts, hær. 76, c. 7, 8, p. 911. Il ajoute qu'il ne peut assez s'étonner comment Aérius a l'audace d'abolir le jeûne du mercredi et du vendredi qui s'observe par toute la terre, et qui est appuyé sur l'autorité des apôtres, ibid. » Le style du Panarium est peu poli, selon M. Godeau, Eloges des Ev. illustr. c. 37, p. 228; mais la doctrine qu'il contient est pure et excellente. On peut la comparer à des diamans qui, sans être taillés, brillent par leur beauté naturelle. Nous avons de grandes obligations à saint Epiphane de nous avoir laissé l'histoire et la réfutation des anciennes hérésies. Il est vrai qu'on ne les connaît plus que de nom; mais d'autres leur ont succédé, et leur succéderont jusqu'à la fin des siècles. L'esprit des hérétiques est toujours le même ; il traîne toujours à sa suite l'orgueil, l'opiniâtreté et l'attachement à ses propres pensées. 2o L'Anchorat, ainsi appelé parce qu'il est comme une espèce d'ancre qui doit fixer les esprits dans la vraie foi, de peur qu'ils ne flottent et ne soient entraînés à tout vent de doctrine. Le saint docteur y établit et y donne des preuves abrégées des principaux articles de la foi catholique. L'Anchorat est suivi de l'Anacéphaléose, qui n'en est qu'une récapitulation.

3o Le Traité des poids et des mesures. L'auteur y fait paraître beaucoup d'érudition; il y parle des poids, des mesures et des coutumes des juifs, afin de faciliter aux fidèles l'intelligence de la Bible.

4o Le Physiologue, ou recueil des propriétés des animaux, avec des réflexions mystiques et morales. Il n'y a que les réflexions que l'on puisse attribuer à saint Epiphane.

5o Le Traité des pierres précieuses. Le saint docteur tâche d'y expliquer les qualités des douze pierres précieuses qui étaient sur le rational du grand-prêtre des juifs.

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6o Deux Lettres adressées, l'une à Jean, évêque de Jérusalem, et l'autre à saint Jérôme. Dans la première, le Saint répond aux différentes plaintes que Jean faisait de lui. Il y dit qu'ayant vu dans l'église d'Anablate, au diocèse de Jérusalem un voile qui pendait à la porte, et sur lequel était peinte une image de Jésus-Christ ou de quelque autre Saint (il ne se souvenait plus de qui il était), il déchira ce voile, et en envoya un autre. On aurait tort de conclure de ce passage que saint Epiphane ne voulait point qu'on honorât les images, et que le culte qu'on leur rend est de nouvelle date; le contraire est attesté par les monumens les plus authentiques. Eusèbe parle des miracles opérés à la célèbre statue de la femme guérie par Jésus-Christ d'un flux de sang, et qui était à Panée, en Palestine. On voit aussi par saint Grégoire de Nysse, par saint Prudence, par saint Paulin, par saint Ephrem,

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etc., qui vivaient dans le même temps, que l'usage des images était alors universellement reçu dans l'Église. Le Clerc en convient lui-même. La conduite de saint Epiphane prouve donc seulement qu'il avait découvert des abus, ou du moins qu'il craignait que les peintures dont il s'agit ne fussent une occasion de chute, soit pour les Juifs, soit pour les païens nouvellement convertis. On sait qu'en pareille circonstance il est quelquefois prudent de défendre en certains lieux une pratique de discipline. Cette remarque est de Salméron, in 1 Joan., c. 5, disp. 32. Dans sa lettre à saint Jérôme, saint Epiphane lui donne avis de la condamnation d'Origène par Théophile d'Alexandrie. Cette lettre ne se trouve point dans l'édition du P. Petau.

Nous avons remarqué plus haut que saint Epiphane avait négligé la politesse du style. Son but était de se mettre à la portée des moins intelligens. Au reste, ce défaut et les autres que l'on reprend dans ses écrits, n'ont point empêché qu'on ne l'ait regardé comme un des principaux docteurs de l'Église.

La meilleure édition des œuvres de saint Epiphane, est celle que le P. Petau donna en grec et en latin, avec des notes, à Paris en 1622, 2 vol. in fol. On ne doit pas s'en rapporter aveuglément à la traduction du savant Jésuite. M. de l'Aubespine y a trouvé beaucoup de fautes. L'édition du P. Petau reparut, non à Cologne, comme portent les imprimés, mais à Leipsick, en 1682.

Le commentaire de saint Epiphane sur le livre des cantiques, a été découvert depuis peu parmi les Mss. de la bibliothèque du Vatican. M. Foggini, préfet de cette bibliothèque, en a donné une bonne édition, avec une savante préface. Elle parut à Rome en 1750.

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CE Saint était d'Aquitaine, et frère de la bienheureuse Itte ou Iduberge. Son amour pour la perfection le portait à une vie retirée; mais il ne put suivre l'attrait qu'il se sentait pour la solitude. Il se vit obligé d'aller à la cour de Dagobert, Roi d'Austrasie. Au reste, il sut y allier les devoirs du parfait chrétien avec ceux de sa place.

Le siége épiscopal de Trèves étant venu à vaquer, il fut

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