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ravissent dans leurs maisons à ses sujets leurs serviteurs. Certainement cela crie vengeance: cependant les ministres et le consistoire soutiennent cette entreprise; et M. de la Contour m'a dit aujourd'hui qu'un député de ces Messieurs avoit bien eu le front de lui dire, que cet homme n'avoit rien fait sans ordre. Bien plus, ils ont ajouté qu'ils alloient se plaindre à la Cour, de la procédure qui a été faite par le lieutenant-général le tout, sans doute, à dessein, Monsieur, d'évoquer l'affaire au conseil; afin de la tirer du lieu où l'on en a plus de connoissance, et de l'assoupir par la longueur du temps. Dieu ne permettra pas que leur mauvais dessein réussisse; et je vous supplie, Monsieur, d'employer en cette rencontre tous les moyens que vous avez, pour empêcher qu'on n'écoute pas ces députations séditieuses, et faire que les choses demeurent dans le cours ordinaire de la justice, selon lequel ils ne peuvent pas éviter d'être châtiés de cet attentat contre les édits et la liberté des consciences. La Reine, étant en cette ville, a témoigné tant de piété et tant de zèle pour la religion, que je ne doute pas qu'étant avertie de cette entreprise, elle ne veuille que la justice en soit faite.

Outre cela, Monsieur, le Roi leur ayant accordé, de grâce, deux pédagogues pour leurs enfans, à condition que ces maîtres seroient catholiques, ils vont demander des gages pour eux. Cela n'a ni justice ni apparence, et ils veulent en charger cette pauvre ville. Mais comme ils savent qu'apparemment on ne leur accordera pas leur demande, je me trompe bien fort si leur dessein n'est d'obtenir, que si on

ne veut pas les gager, on leur donne la liberté de les mettre tels qu'il leur plaira, et par conséquent de leur religion. La Reine seule empêcha ici qu'on ne leur donnât cette permission, et je ne doute pas qu'elle ne continue dans ce bon dessein. Je ne vous dis pas, Monsieur, maintenant ce que vous avez à faire sur ce sujet : c'est assez que vous soyez averti; Dieu vous inspirera le reste. J'attends avec impatience les excellens ouvriers qu'il nous envoie par votre moyen; et suis, avec un respect très-profond, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur

DOSSUET, prêtre ind.

A Metz, ce 1er février 1658.

LETTRE IV.

A M. DE MONCHY.

Il lui parle des dispositions relatives à la mission, et l'instruit des intrigues des Protestans, pour assurer l'impunité de leur excés.

La paix de notre Seigneur soit avec nous.

Pour commencer à vous rendre compte de l'état des choses depuis votre départ, je vous dirai premièrement, que par les soins et les adresses de M. de la Contour, l'on a trouvé le nombre de lits, matelas, draps et couvertures que vous marquez par votre mémoire. La ville en fournit quelques-uns qui étoient en réserve chez le receveur on prendra les autres ou du concierge ou des juifs; et l'on fera en sorte que cela ne sera pas à charge à la mission, et qu'on

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n'en paiera rien, suivant que vous me l'avez dit en cette ville. On a aussi pourvu de meubles les chambres il sera plus malaisé de trouver des plats, du linge de table, et ce qui est nécessaire pour la cuisine; et ce seroit une grande décharge d'avoir un cuisinier qui fournît de tout: néanmoins il est véritable que quarante sols par jour est un prix excessif pour Metz; et cependant les cuisiniers à qui j'en ai fait parler, ne veulent pas accepter le marché à moins. C'est à vous, s'il vous plaît, à prendre vos mesures là-dessus : je m'informerai toujours cependant de ce qui se pourra faire, pour une plus grande commodité et épargne; et je vous écrirai ce que je pourrai ménager.

J'ai entretenu fort particulièrement notre prédicateur du carême, qui est dans ses premiers sentimens, et qui est persuadé qu'il y va du sien de quitter tout-à-fait la chaire. Il ne croit pas aussi qu'on ait dessein de l'y obliger contre son gré : il témoigne qu'au reste il contribuera tout ce qu'il pourra pour le bon succès de la mission, et qu'il exhortera fortement le peuple à se rendre digne d'en recevoir le fruit. Je crois en effet que vous le trouverez homme sage, accommodant et désireux du bien. Ses sentimens étant tels, le mien seroit de demeurer aux termes du projet que nous avons fait je le soumets néanmoins au vôtre, et à celui de Messieurs de la mission: mais si l'on en use autrement, on ne pourra pas éviter quelque murmure du peuple. Plusieurs tâchent déjà d'en semer; et vous n'ignorez pas, et moi aussi, de quel principe cela vient je vous en ai touché quelque chose;

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et assurément ce que je vous en ai dit est véritable. Ces légères contradictions ne peuvent pas empêcher l'affaire; et la présence de ces Messieurs éteindra bientôt ces petits bruits, par lesquels Dieu veut éprouver la fidélité de ses ouvriers. Il saura bien avancer son œuvre, et tirer sa gloire de toutes choses, par les moyens qu'il sait. Ainsi soit-il; et sa providence soit bénie éternellement.

Je ne prévois aucun obstacle de la part du chapitre, qui reçut, avec le respect qu'il doit, les lettres de Sa Majesté, et témoigna grande obéissance. On résolut de faire tout ce qui se pourroit, pour fa

ciliter le succès de ce bon dessein.

Je prévois quelque difficulté entre monseigneur d'Auguste et le chapitre. Quelques-uns peut-être, sous main, prendront occasion de là de vouloir traverser cette œuvre. Je tâcherai de tout mon pouvoir de faire prendre un autre cours aux choses. Je vous en dirai davantage quand je verrai cette affaire un peu plus éclose, et je veillerai soigneusement à tout pour vous en instruire.

Les Huguenots prennent hautement le parti de celui qui a violenté la conscience de sa servante mourante : ils l'ont déclaré à M. de la Contour; et ils députent à la Cour pour se sujet-là, et pour quelques autres assez importans. J'en écris à M. le Gendre; et j'expose aussi, en peu de mots, tout le fait à M. Vincent, afin qu'il y agisse selon son zèle et sa prudence ordinaire. Je ne doute pas que vous ne nous aidiez à lui faire comprendre la conséquence de cette affaire, ainsi que vous me l'avez témoigné je ne lui parle point d'autre chose, et

je me remets à vous à l'instruire de tout. M. de la Contour désire fort que vous fassiez un tour en cette ville, pour disposer les chambres et les meubles suivant les personnes que vous voulez placer. Si vous ne le pouvez, mandez-moi, s'il vous plaît, votre ordre, et de quelle sorte nous rangerons tout. Nous tâcherons que tous nos meubles soient honnêtes; mais il y en aura qui le seront plus : écrivez à peu près comme il faudra disposer le tout, si vous ne pouvez y venir vous-même.

J'oubliois de vous dire que la raison pour laquelle les Huguenots députent en Cour, est sans doute pour tirer l'affaire au conseil, et l'assoupir par la longueur du temps. Conférez, s'il vous plaît, avec Messieurs du parlement, du moyen de l'empêcher. Je vous écris sans cérémonie, pour ne perdre point le temps ni les paroles : mais je n'en suis pas moins,

etc.

A Metz, ce 1er février 1658.

LETTRE V.

A S. VINCENT DE PAUL.

Sur les affaires de la mission, et les manœuvres des Protestans.

J'AI envoyé à M. de Monchy, à Toul, celle que vous m'avez adressée pour lui : il ne nous a pas jugés dignes de demeurer ici plus long-temps qu'un jour. J'aurois souhaité de tout mon cœur que nous eussions pu l'arrêter; mais ses affaires ne lui ont pas

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