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condamnation des cinq propositions ne soit canonique. Or est-il qu'on ne peut douter que ce qui touche le livre de Jansénius ne le soit également; puisque l'on y voit concourir la même puissance, les mêmes formes, le même examen, la même acceptation, et consentement unanime de tous les évêques. Et voilà ce jugement ecclésiastique, sous l'autorité duquel votre prélat vous ordonne d'abaisser le vôtre.

Il n'est donc plus question de chicaner, ni sur l'autorité des assemblées du clergé, ni même sur le Formulaire. Car encore que quelques évêques ne soient pas d'accord de le publier, il suffit qu'il vous soit proposé par l'autorité du vôtre, et qu'au fond il n'ajoute rien du tout aux constitutions, que tous ont reçues unanimement, et sans aucune restriction ni répugnance.

ficulté sur la validité

du

Ainsi, laissant à part les autres débats, qui ne Aucune diffont rien à notre propos, il est certain qu'il y a un jugement ecclésiastique, même sur le fait con- jugement. testé; il est certain qu'il est souverain et universel, puisqu'il est du saint Siége, et accepté ananimement par tous les évêques; il est certain que M. l'archevêque ne fait que procéder en exécution; il est certain qu'il le peut, et par l'autorité de son caractère et de sa puissance ordinaire, et par la commission d'Alexandre VII (1), qui s'est remis à tous les prélats, de faire, en exécution de ces bulles, ce qu'ils trouveroient le mieux. Il est donc aussi très-certain qu'il n'y a rien ici à dé

(1) Bref du pape Alexandre VII aux évêques de France, du 29 juillet 1663.

VII.

Résolution

de la secon

battre touchant la validité du jugement, et les pouvoirs des personnes.

Il faut se réduire nécessairement à la question générale; savoir si vous pouvez, sans offenser de difficulté. Dieu, soumettre votre jugement à un jugement Surl'autorité canonique de toute l'Eglise, dans un fait qui est de sa connoissance, et duquel vous déclarez que vous n'avez nulle intelligence, ni aucune obligation de vous en éclaircir davantage.

du jugement.

Que ces ju

gemens étant

canoniques,

on

Voyez, mes très-chères Sœurs, et considérez attentivement où vous êtes réduites, si vous conne peut tinuez à dire que vous ne pouvez, sans pécher, penser que accorder à M. de Paris la soumission qu'il vous ce soit péché d'y consen- demande de votre propre jugement au jugement de l'Eglise.

tir.

Il faut donc aussi que vous souteniez que l'Eglise ayant rendu un jugement canonique sur un fait qui la regarde, il n'est pas même permis à aucun de ses enfans de s'en rapporter à elle sur la seule autorité de sa sentence: car s'il y en a quelques-uns qui puissent avoir pour elle cette déférence, ce sont principalement ceux qui n'ont nulle connoissance du fait, et nulle obligation de s'en enquérir.

Or, mes Sœurs, si ceux-là le peuvent, puisque vous vous confessez être de ce nombre, vous n'avez plus aucun moyen de vous excuser. Pensez donc, encore une fois, à quoi vous vous engagez, et à quoi vous voulez engager l'Eglise. Eh quoi, de tels jugemens ecclésiastiques sont-ils donc de si peu de poids? Et l'Eglise peut-elle ou doit-elle en rendre jamais aucun, si après

qu'elle les a rendus canoniquement, ils ont si peu de force et d'autorité, que tous ses enfans aient droit de lui soutenir en face, non-seulement qu'ils ne doivent pas, mais encore qu'ils ne peuvent pas, sans offenser Dieu, croire respectueusement qu'elle a bien jugé, ni soumettre leur jugement à ses jugemens canoniques? En vérité, mes très-chères Sœurs, ce sentiment estil supportable?

Néanmoins, il faut vous le dire, c'est à ces excès inouis que vous conduisent vos actes et vos excuses présentes. Si bien qu'on ne peut assez exprimer de quelle importance il est de vous délivrer d'une erreur dont les suites sont si préjudiciables à la paix et à l'autorité ecclésiastique. C'est pourquoi je vous conjure, mes Sœurs, d'envisager avec moi les mauvais effets qu'opéreroient dans l'Eglise les principes que vous posez, et le prodigieux renversement qu'ils feroient de sa discipline, s'ils y étoient établis ; et de trouver bon que je vous propose des maximes très-véritables, par lesquelles vous pourrez sortir de ce labyrinthe, et du tourment infini où vous jeteroit nécessairement une conduite si dangereuse; pour trouver la fin de vos peines, et le repos de votre ame dans l'obéissance. Au reste, je vous prie de croire que, voyant vos perplexités, je penserois attirer sur moi un jugement bien sévère, si je vous embarrassois dans des questions: si bien que je ne veux rien avancer ici que des vérités trèsconnues, et qui ne peuvent être révoquées en doute que par des esprits contentieux.

VIII.

L'Eglise a obligation

certains

faits.

Premièrement, je suppose que l'Eglise ayant reçu du Saint-Esprit tant de commandemens de juger de précis de reprendre et de censurer, de noter les hommes hérétiques, elle est très-souvent obligée de prendre connoissance, et de juger définitivement de certains faits : par exemple, si quelque évêque ou quelque docteur est accusé d'avoir enseigné, de vive voix ou par écrit, une doctrine suspecte; c'est une chose appartenante à l'office de l'Eglise, d'examiner non-seulement si cette doctrine est bonne ou mauvaise en soi, mais encore s'il est véritable qu'elle ait été enseignée par tel et tel, et qu'elle soit contenue dans tel et tel livre; et ensuite, en prononçant sur ce doute, de juger définitivement sur ce fait, et de noter et condamner publiquement cet évêque, ou ce docteur, ou ce livre, comme enseignant une mauvaise doctrine, même en désignant en particulier telle et telle mauvaise doctrine. Cette vérité est constante; et il n'y a personne qui ne voie que ravir à l'Eglise cette autorité, c'est l'exposer nue et désarmée aux faux docteurs, et rendre inutiles tant de préceptes et tant d'avertissemens divins qu'elle a eus de se garder d'eux avec tant de précautions.

IX.

La grande

importance

En effet, tout le monde sait que l'Eglise n'a jamais manqué d'obéir à ces commandemens, de tels juge- toutes les fois que l'occasion s'en est présentée; mens, par et elle a fait voir à ses enfans de quelle impordeux remar- tance lui étoient de tels jugemens, par deux circonstances remarquables.

ques.

X.

Première re

La première, c'est qu'après avoir jugé les no

vateurs, elle ne craignoit point d'insérer leur marque.L'Econdamnation avec une telle autorité dans ses professions de foi solennelles, que même elle en faisoit une partie.

Vous venez de lire celle du grand pape saint Grégoire. Le pape saint Hormisdas exigea et reçut par écrit celle de tout l'Orient, en laquelle étoit énoncée la condamnation expresse de tous ceux que l'Eglise avoit jugés, et nommément celle d'Acace, patriarche de Constantinople, qui étoit mort il y avoit déjà trente à quarante ans. Ce pape très-saint et très-docte, singulier défenseur de la doctrine de saint Augustin, ayant gravement averti les évêques, « qu'il ne suffisoit » pas d'enfermer les errans dans une condamna» tion générale; mais que leur profession de foi, » dont il leur envoyoit le modèle, devoit con» damner en particulier, nommément et par » écrit, tous ceux que l'Eglise catholique avoit » jugés condamnables (1) ».

L'antiquité est pleine de pareils exemples: et vous voyez, mes Sœurs, de quel poids étoient les jugemens de tels faits, puisqu'ils faisoient une partie si considérable de la profession de foi de l'Eglise non qu'elle ait jamais prétendu mettre le dénombrement de ceux qu'elle condamnoit, au rang des vérités révélées; mais parce qu'on ne peut mieux témoigner son aversion contre les

(1) Horm. Epist. v; tom. IV Conc. col. 1443. Epist. 1x, ibid. col. 1444. Epist. x1, col. 1448 et seq. Epist. XXIX, col. 1473. Epist. xxx, col. 1477 et seq. Epist. xxxiv, col. 1481. Epist. L1, col. 1501 et seq.

glise inséroit ces faits jugés dans ses professions de foi solen

nelles.

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