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pour ainsi parler, en détournant l'état de la question, et réduisant la difficulté à des choses qui semblent légères, et où il ne paroît aucun péril; dans lesquelles néanmoins est renfermé en effet tout le secret du parti, tout le venin de la doctrine, et, comme dit l'apôtre saint Paul, toute l'efficace de l'erreur (1).

L'Eglise

désarmée, et

exposée en

Parmi tous ces artifices, et dans cette confusion, vous voyez bien, mes Sœurs, à quelle sé- demeureroit duction l'Eglise seroit exposée, si elle accordoit aujourd'hui cette maxime; que les jugemens proie, si les qu'elle rend sur les personnes et sur les ouvrages les faits n'ajugemens sur hérétiques, n'ont point de force, jusqu'à ce que voient de forles faits soient avérés par le consentement des ce qu'après parties. Et s'ils ne veulent jamais en convenir, et ment des l'acquiesces'ils soutiennent toujours qu'on n'a pas bien en- parties. tendu le sens de leurs discours et de leurs écrits; l'Eglise sera-t-elle à bout par cette ruse ou par cette opiniâtreté ? et ne pourra-t-elle plus obéir à l'ordre qu'elle a reçu d'en haut, de noter les hommes hérétiques? c'est-à-dire, demeurera-t-il établi qu'elle ne pourra plus crier contre les loups, tant qu'ils garderont leur peau de brebis? Ou bien si elle fait son devoir, en notant par une censure publique leurs personnes ou leurs écrits, selon l'exigence du cas, eux et leurs disciples en seront-ils quittes pour dire que ces jugemens regardent des faits dont ils ne conviennent point? Il n'y a personne qui ne voie quelles ouvertures donneroient de telles maximes, au bouleversement total de l'Eglise.

(3) II. Thess. 11. 11.

BOSSUET. XXXVII.

10

XIII.

L'Eglise ne

s'appuie pas

mais sur un

Il faut donc nécessairement en établir de contraires, et poser, pour tout assurer, que l'Eglise peut et doit juger des personnes et des écrits de ceux qui enseignent les fidèles, soit que l'on convienne des faits, soit que l'on n'en convienne pas; n'y ayant rien de plus injuste, ni qui ouvre une plus grande porte à la rebellion manifeste, que de soutenir que ces jugemens ne puissent avoir leur force entière, jusqu'à ce que les parties acquiescent.

Aussi voyons-nous, mes Sœurs, que l'Eglise, procédant au jugement de ceux qui lui étoient sur le con- déférés, dans quelque évidente notoriété que sentement leurs sentimens fussent reconnus, et même de des parties, leur aveu, n'a pas appuyé sur ce fondement la examen juri- censure qu'elle a prononcée contre leurs perdique. sonnes ou contre leurs livres. Car si elle n'eût regardé que cette notoriété et leur propre consentement, elle s'en seroit tenue à cette évidence, sans aucune plus ample recherche : mais au contraire, ayant procédé à l'examen de leurs discours et de leurs ouvrages, ainsi qu'il se voit dans tous les conciles, il parutt manifestement que l'Eglise s'est toujours sentie obligée de prendre une connoissance juridique des pensées et des sentimens des docteurs suspects par leurs discours et écrits publics; et qu'elle n'a jamais prétendu faire dépendre de leur aveu particulier l'effet ni l'autorité de sa sentence.

XIV.

Vous voyez donc clairement, mes Sœurs, que Conséquen- c'est la pratique constante et la tradition de de la doctri- l'Eglise, non-seulement de prononcer des sen

ce nécessaire

aveu

roit une té

qu'on ne

se reposer sur le juge

tences solennelles sur le sentiment des auteurs; nc précédenmais encore de n'attendre pour cela ni leur te. Que ce seni celui de leurs partisans. Vous voyez qu'ayant méritéinouie renda de tels jugemens, elle les croit si impor- de soutenir, tans et si bien fondés, et si certains, qu'elle ne peut pas, craint point de les insérer dans ses professions sans péché, de foi publiques; et d'en exiger la souscription, comme une condition nécessaire pour recevoir ment de l'Esa communion et sa paix. Or il n'y a personné glise. qui ne voie qu'elle ne pourroit faire ces choses, si elle ne tenoit pour maxime certaine et indubitable, qu'il y a une autorité suffisante dans de tels décrets, pour obliger ses enfans à y souscrire sans peine de sorte que c'est aller directement contre son esprit et sa conduite, que de craindre de mentir, ou de rendre un faux témoignage, en souscrivant sur la foi de ses jugemens canoniques.

La pratique

autorise la

Et certainement, mes Sœurs, le soin que XV. I'Eglise a toujours pris de faire signifier, prêcher, de l'Eglise publier avec tant d'autorité et de gravité à tous universelle, ses enfans ses saintes décisions, tant sur les dogmés blications sodans les puque sur les personnes et sur les écrits suspects (1), lennelles de est une preuve convaincante qu'elle ne doute ses décrets, nullement qu'on ne puisse s'en rapporter tout-àfait à elle, sans approfondir plus avant. Autrement ces publications solennelles, faites dan's les mêmes chaires où elle annonce les jugemens de Dieu, seroient non-seulement une illusion, mais une tentation manifeste, et un piége qu'elle'tén- tions.

(1) Conc. Const. sub Menna; act. v; tom. v Conc. col. 178 et seq.

soumission qu'on demande aux religieuses de P. R., et

éclaircit leurs objec

Les fidèles ne savoient

mêmes.

droit à la crédulité des peuples. Car elle n'ignore pas que les chrétiens écoutant prononcer de telles sentences, d'une place si sainte et si éminente, sous ce nom si vénérable de l'Eglise, ne soient puissamment induits, pour ne rien dire davantage, à y donner leur créance sur la seule autorité de son décret. Si donc cette déférence ne leur étoit pas permise, il faudroit avouer nécessairement que l'autorité de l'Eglise, qui les y conduit, leur seroit une tentation et un scandale.

de

Et qui ne sait que le nom de Nestorius, pas par eux- Pélage, de Dioscore, et autres semblables, ont été portés par tout l'univers chargés des anathêmes de tous les peuples? Ce n'étoit pas que tous les fidèles sussent par eux-mêmes la malice de leurs discours et de leurs écrits. Un petit nombre la connoissoit de la sorte: mais tout le reste de la multitude, depuis le soleil levant jusqu'au couchant, et depuis le septentrion jusqu'au midi, s'en fioit à l'autorité de l'Eglise, sans s'informer davantage et l'Eglise, qui leur inspiroit une répugnance extrême pour les pasonnes et pour les écrits condamnés, sans qu'ils en connussent par eux-mêmes la malignité, ne craignoit pas pour cela de les engager à des jugemens téméraires, ni de leur faire porter de faux témoignages; parce qu'au contraire elle savoit combien il leur étoit salutaire de les fuir plutôt que de les connoître, et de condamner par soumission et par conformité avec elle, ceux qu'elle avoit condamnés par autorité et par connoissance.

Ainsi je ne comprends pas sur quoi peut être Conclusion: fondée cette nouvelle doctrine, qu'à moins de qu'on peut connoître par soi-même la vérité de quelque fait,

on ne peut signer en conscience le jugement de PEglise qui le décide comme s'il n'étoit pas permis de s'en reposer sur son autorité, et de souscrire sur son témoignage.

souscrire.

XVI.

Réponse

robjection;

qu'on n'y oblige ordi

nairement

On dit que c'est la coutume de n'exiger les souscriptions que des évêques, surtout en ce qui touche les faits. Si l'on veut inférer de là que l'intention de l'Eglise fût de laisser la chose dans l'indifférence à l'égard des peuples, on pourroit que les évêconclure le même touchant les décisions de la ques. foi, lesquelles nous ne lisons pas qu'on prît plus de soin de faire signer par des souscriptions générales. Mais qui ne sait que l'Eglise avoit d'autres témoignages publics de la soumission très-entière de ses enfans? Il ne faut qu'une médiocre connoissance de l'antiquité, pour savoir que c'étoit une coutume reçue, de prêcher et de publier dans l'Eglise, non-seulement les décisions des conciles et des papes contre les erreurs, mais encore leurs anathêmes contre les errans ; et qu'il étoit si ordinaire aux chrétiens d'y répondre, d'y consentir, de les approuver par leurs acclamations, que l'Eglise n'avoit pas besoin d'exiger d'eux aucun témoignage, puisqu'ils lui en donnoient volontairement de si authentiques.

des

tion d'autres

que des évê

Au reste, je n'avoue pas que ce fût une cou- La souscriptume établie, de n'exiger la souscription que seuls évêques pour des faits de cette nature. Nous voyons en l'action vir du concile de Constanti

ques.

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