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permis. Nous tâchons, Monsieur, de disposer ici, le mieux qu'il nous est possible, tout ce qu'il a jugé nécessaire. Il m'a écrit qu'on trouvoit à propos que le prédicateur du carême quittât entièrement la chaire. Comme monseigneur d'Auguste s'est donné l'honneur de vous écrire sur ce sujet-là, il attend ce que vous aurez arrêté sur les raisons qu'il vous a représentées; après quoi il résoudra le prédicateur à tout ce que vous trouverez le plus convenable à l'œuvre de la mission, qu'il est résolu de préférer à toutes sortes d'autres considérations: il n'y aura nul obstacle de ce côté-là, et il m'a prié de vous en assurer. Au reste, j'ai appris avec douleur l'accident qui vous étoit arrivé; et je loue Dieu, Monsieur, de tout mon cœur, de ce que sa bonté vous a préservé.

J'ai pris la liberté de vous avertir des prétentions insolentes de nos Huguenots, dont les députés sont partis pour aller en Cour. Les deux affaires, dont je vous ai écrit, sont de fort grande importance pour la religion. La Reine, qui a tant de zèle pour le service de Dieu, et qui témoigne tant de charité pour cette ville, aura bien la bonté d'arrêter le cours des injustes procédures de ces Messieurs, et y emploiera cette ardeur et cette autorité dignes d'elle, que nous avons remarquées ici en pareilles

rencontres.

Je me réjouis, Monsieur, de voir approcher le temps du carême, dans l'espérance que j'ai de voir bientôt arriver les ouvriers que Dieu nous envoie, que je salue de tout mon cœur en notre Seigneur, et très-particulièrement M. l'abbé de Chandenier.

Je les plains d'avoir à faire un si grand voyage pendant un froid si rigoureux; mais leur charité surmontera tout. Qu'ils viennent donc bientôt au nom de Dieu la moisson est ample; et les petites difficultés qui s'élèvent seront bientôt aplanies par leur présence. Je suis avec tout respect, etc.

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A Metz, ce 10 février 1658.

LETTRE VI.

AU MÊME

Il le remercie de sa recommandation auprès de la Reine en faveur des Catholiques, et lui rend compte de la manière dont a été levée la difficulté qui auroit pu traverser les desseins des missionnaires.

Je vous rends grâces très-humbles de la charité que vous avez eue, pour faire avertir la Reine de l'affaire pour laquelle je m'étois donné l'honneur de vous écrire. Je vois, par les lettres que Sa Majesté en a fait écrire en ce pays, que votre recommandation a fort opéré. Je prie Dieu qu'il bénisse les saintes intentions de cette pieuse princesse, qui embrasse avec tant d'ardeur les intérêts de la religion.

Frère Mathieu (1), qui est arrivé ici comme par miracle, au milieu d'un déluge qui nous environnoit de toutes parts, vous rendra compte, Mon

(1) C'étoit un frère de saint Lazare, qui fit cinquante-trois voyages, de Paris à Metz, pour l'assistance des pauvres.

sieur,

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sieur, de ce que l'on a préparé pour ces Messieurs. Les choses sont à peu près en état pour le commencement le temps accommodera tout; et assurément on fera tout ce qui se pourra pour donner satisfaction à ces serviteurs de Jésus-Christ. J'ai appréhendé, avec raison, beaucoup de difficultés du côté du prédicateur, surtout si ces Messieurs étoient empêchés par les eaux d'être ici avant le commencement du carême; et ce bon Père avoit telle répugnance à abandonner sa chaire à un autre en les attendant, ou à la céder après avoir commencé, que j'étois tout-à-fait en inquiétude du scandale qui auroit pu arriver ici, si M. d'Auguste eût été contraint d'user de son autorité; à quoi néanmoins il se résolvoit. Mais Dieu, Monsieur, qui pourvoit à tout, nous a mis en repos de ce côté-là, par l'ordre qu'a eu le syndic de cette ville de dire à M. d'Auguste et à M. de la Contour, que la Reine auroit fort agréable si le prédicateur quittoit entièrement sa chaire, en acceptant cent écus que Sa Majesté lui fait donner, outre la rétribution ordinaire, et étant retenu pour prêcher l'année prochaine. Par-là toutes choses sont appaisées; et moi, je vous l'avoue, tiré d'une grande peine d'esprit. Il ne reste plus qu'à prier Dieu qu'il ouvre bientôt le chemin, au milieu des eaux, à ses serviteurs; qu'il fasse fructifier leur travail, et donne efficace à leur parole (1). C'est en sa charité que je suis, etc. A Metz, ce 2 mars 1658.

(1) Les voeux de l'abbé Bossuet furent exaucés : les missionnaires

BOSSUET. XXXVII.

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LETTRE VII.

AU MÊME.

Sur les fruits de la mission, et le mérite des ouvriers qui y avoient travaillé. Compagnie établie à Metz, sur le modèle de celle qui avoit été formée par S. Vincent de Paul.

Je ne puis voir partir ces chers missionnaires, sans vous témoigner le regret universel et la merveilleuse édification qu'ils nous laissent. Elle est telle, Monsieur, que vous avez tous les sujets du monde de vous on réjouir cu notre Seigneur; et je m'épancherois avec joie sur ce sujet-là, si ce n'étoit que les effets passent de trop loin toutes mes paroles. Il ne s'est jamais rien vu de mieux ordonné, rien de plus apostolique, rien de plus exemplaire que cette mission. Que ne vous dirois-je pas des particuliers, et principalement du chef et des autres, qui nous ont si saintement, si chrétiennement prêché l'Evangile, si je ne vous en croyois informé d'ailleurs par des témoignages plus considérables, et par la connoissance que vous avez d'eux; joint que je n'ignore pas avec quelle peine leur modestie souffre les louanges? Ils ont enlevé ici tous les cœurs; et voilà qu'ils s'en retournent à vous, fatigués et épuisés selon le corps; mais riches, selon arrivérent à Metz le 4 mars, après avoir couru bien des risques parmi les débordemens des eaux qu'ils eurent à traverser presque durant toute leur route. Ils ouvrirent la mission le mercredi des Cendres, 6 mars le succès répondit à leur zèle, et fut tel que le décrit Bossuet dans la lettre suivante.

l'esprit, des dépouilles qu'ils ont ravies à l'enfer, et des fruits de pénitence que Dieu a produits par leur ministère. Recevez-les donc, Monsieur, avec bénédiction et actions de grâces; et ayez, s'il vous plaît, la bonté de les remercier avec moi, de l'honneur qu'ils m'ont voulu faire de m'associer à leur compagnie et à une partie de leur travail. Je vous en remercie aussi vous-même; et je vous supplie de prier Dieu qu'après avoir été une fois uni à de si saints ecclésiastiques, je le demeure éternellement, en prenant véritablement leur esprit, et profitant de leurs bons exemples.

Il a plu à notre Seigneur d'établir iei, par leur moyen, une compagnie à peu près sur le modèle de la vôtre (1); Dieu ayant permis, par sa bonté, que les réglemens s'en soient trouvés hier parmi les papiers de cet excellent serviteur de Dieu, M. de Blampignon. Elle se promet l'honneur de vous avoir pour supérieur; puisqu'on nous a fait espérer la grâce qu'elle sera associée à celle de Saint-Lazare, et que vous et ces Messieurs l'aurez agréable. J'ai charge, Monsieur, de vous en prier, et je le fais de tout mon cœur. Dieu veuille, par sa miséricorde, nous donner à tous la persévérance dans les choses qui ont été si bien établies par la charité de ces Messieurs. Je vous demande d'avoir

(1) Nos Mémoires marquent que cette compagnie n'étoit autre chose qu'une société de plusieurs ecclésiastiques, qui s'assembloient certains jours pour conférer ensemble sur les matières de la religion, à l'instar des Conférences des Mardis, établies à Paris par S. Vincent de Paul.

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