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qu'il continuoit pour soutenir la transsubstantiation de sorte qu'on peut dire sans hésiter qu'il est mort en travaillant ardemment et infatigablement pour l'Eglise. J'espère que ce travail ne se perdra pas, et qu'il s'en trouvera une partie considérable parmi ses papiers.

Au reste, il a voulu entendre la messe pendant tous les jours de sa maladie; et je n'ai jamais pu obtenir de lui qu'il s'en dispensât les jours de fête. Il me disoit en riant qu'il n'étoit pas naturel que ce fût moi qui l'empêchât d'entendre la messe. Il n'a jamais cru être assez malade pour s'aliter; et il s'est habillé tous les jours, jusqu'à la veille de sa mort; et il recevoit ses amis avec sa douceur et sa politesse ordinaire. Son courage lui tenoit lieu de forces; et jusqu'au dernier soupir, il vouloit se persuader que son mal n'avoit rien de dangereux. A la fin, étant averti par ses amis que ce mal pouvoit le tromper, il différa sa confession au lendemain pour s'y préparer davantage : et si la mort l'a surpris, il n'y a eu rien en cela de fort extraordinaire. C'étoit un vrai chrétien, qui fréquentoit les sacremens. Il les avoit reçus à Noël, et, à ce qu'on dit, encore depuis avec édification. Bien éloigné du sentiment de ceux qui croient avoir satisfait à tous leurs devoirs, pourvu qu'ils se confessent en mourant, sans rien mettre de chrétien dans tout le reste de leur vie, il pratiquoit solidement la piété; et la surprise qui lui est arrivée ne m'empêche pas d'espérer de le trouver dans la compagnie des justes. C'est, Mademoiselle, ce que j'avois dessein d'écrire à mademoiselle de Scudery, avant même de recevoir votre lettre: et

je m'acquitte d'autant plus. volontiers de ce devoir, que vous me faites connoître que mon témoignage ne sera pas inutile pour la consoler. Je profite de cette occasion pour vous assurer, Mademoiselle, de mes très-humbles respects, et vous demander l'honneur de la continuation de votre amitié.

A Versailles, ce 14 février 1693.

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LETTRE CLXXI.

A MADEMOISELLE DE SCUDERY.

Sur le même sujet.

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Ce que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, Mademoiselle, sur le sujet de M. Pelisson, donne beaucoup de consolation; mais n'ajoute rien à l'opinion que j'avois de la fermeté et de la sincérité de sa fui, dont ceux qui l'ont connu ne demanderont jamais de preuves. J'ai parlé un million de fois avec lui sur des matières de religion, et ne lui ai jamais trouvé d'autres sentimens que ceux de l'Eglise catholique. Il a travaillé jusqu'à la fin pour sa défense trois jours avant sa mort, nous parlions encore de l'ouvrage qu'il avoit entre les mains contre Aubertin, qu'il espéroit pousser jusqu'à la démonstration; ne souhaitant la prolongation de sa vie que pour donner encore à l'Eglise ce dernier témoignage de sa foi. Je souhaite qu'on cherche au plus tôt un si utile travail parmi ses papiers, et qu'on le donne au public, non-seulement pour fermer la bouche aux ennemis de la religion, qui sont ravis de publier qu'il est mort des leurs; mais encore pour

éclaircir des matières si importantes, auxquelles il étoit si capable de donner un grand jour. Quoiqu'il n'ait pas plu à Dieu de lui laisser le temps de faire sa confession, et de recevoir les saints sacremens, je ne doute pas qu'il n'ait accepté en sacrifice agréable la résolution où il étoit de la faire le lendemain. Le Roi, à qui vous désirez qu'on fasse connoître ses bonnes dispositions, les a déjà sues, et j'ai en cela prévenu vos souhaits. Ainsi, Mademoiselle, on n'a besoin que d'un peu de temps pour faire revenir ceux qui ont été trompés par les faux bruits qu'on a répandus dans le monde. Sa Majesté n'en a jamais rien cru; je puis, Mademoiselle, vous en assurer et tout ce qu'il y a de gens sages, qui ont connu, pour peu que ce soit, M. Pelisson, s'étonnent qu'on ait pu avoir un tel soupçon. C'est ce que j'aurois eu l'honneur de vous dire, si je n'étois obligé d'aller dès aujourd'hui à Versailles, et dans peu de jours, s'il plaît à Dieu, dans mon diocèse. Je m'afflige cependant, et je me console avec vous de tout mon cœur, et suis avec l'estime qui est due à votre vertu et à vos rares talens, etc.

LETTRE

SUR LA MORT DE M. PELISSON (1).

QUOIQUE la lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire, Monsieur, sur la mort de M. Pelisson, ait suffi

pour vous

(1) Cette Lettre n'est pas de Bossuet. Elle fut imprimée avec les lettres de ce prélat sur la mort de Pelisson. Nous avons cru devoir la conserver pour honorer la mémoire d'un homme également cher à

persuader qu'il est mort fort bon catholique, j'ai cru que je vous ferois plaisir de vous envoyer copie de celles que M. l'Evêque de Meaux a écrites sur le même sujet à deux personnes de mérite. Un si sûr témoignage achevera de détromper ceux de votre connoissance qui auroient pu se laisser surprendre aux faux bruits que quelques Protestans ont fait courir contre la sincérité et la piété de ce zélé défenseur de la foi. Tout ce que je vous ai fait savoir sur son sujet m'a été confirmé de nouveau, excepté ce que je vous ai dit du temps de sa conversion, qui n'arriva qu'en 1670. Depuis cet heureux changement, on n'a jamais remarqué en lui le moindre doute sur les vérités catholiques; et on y a au contraire reconnu de jour en jour un nouvel amour pour l'Eglise, et un zèle plus ardent pour la défense de ses vérités. La seule erreur que l'on ait remarquée en lui, disoit agréablement un illustre abbé, est celle d'être mort plus tôt qu'il ne pensoit. C'est pourquoi jamais entreprise ne fut plus extravagante, que celle de vouloir faire passer sa conversion pour un changement politique, sa conduite depuis ce temps-là pour une comédio honteuse, et sa mort pour une preuve de son hypocrisie. Je ne sais si on a jamais vu dans aucun Huguenot converti, plus de caractères d'une vraie et sincère conversion à la foi catholique, qu'on en a toujours reconnu dans M. Pelisson. La tentation la plus ordinaire aux gens mal convertis, est contre le sacrement adorable de l'Eucharistie. Ce mystère est l'écueil contre lequel ils se brisent, et où leur conversion échoue. Au contraire, il n'y a guère de marque plus visible, ni de preuve plus certaine de la sincérité de la conversion d'un Protestant, que les témoignages constans qu'il rend de la fermeté de sa foi sur le saint sacrifice de l'autel, d'un respect extraordinaire et d'un amour tendre

la religion et aux lettres, indignement calomnié par les ennemis de l'Eglise catholique. (Edit. de Vers.)

pour ce sacrement. Et c'est justement ce qui a éclaté dans la de M. Pelisson d'une manière toute singupersonne lière, et qui fait voir que ce même mystère, dont quelques Protestans publient si faussement qu'il n'a point voulu entendre parler à la mort, et qu'ils prennent pour fondement de leurs calomnies, a été les saintes délices de cet excellent catholique, et l'objet de sa plus tendre piété.

Ce qui m'en est revenu, sans que j'en aie fait aucune recherche, m'a beaucoup consolé; et comme je suis persuadé qu'il fera le même effet dans votre cœur, je vous le rapporterai, Monsieur, bonnement et avec simplicité. Si les Protestans qui le pourront voir s'en moquent, je suis assuré que les catholiques à qui vous en ferez part en seront fort édifiés, et qu'ils béniront Dieu en voyant dans une personne dont on leur a voulu rendre la conversion suspecte, une foi si parfaite et si bien soutenue par tous les endroits de sa vie.

Il ne se convertit qu'après s'être instruit à fond de la vérité de ce mystère par l'étude de la tradition, et après avoir achevé de s'en convaincre par la lecture du livre de la Perpétuité de la Foi de l'Eglise catholique sur l'Eucharistie.

Il célébra depuis, tous les ans, l'anniversaire de sa conversion, en assistant au saint sacrifice de la messe, et en communiant à la victime qui y est offerte.

Il a fréquenté ce sacrement dans le reste de sa vie avec une piété exemplaire, et dont les religieux de SaintGermain-des-Prés ont toujours été fort édifiés.

Il s'y préparoit par le sacrement de la pénitence, et les révérends Pères dom Thomas Blampin, dom Michel Germain, et dom Jacques du Frische, religieux de cette abbaye, qui ont été ses confesseurs, ont été témoins de sa foi, et de son respect envers ce mystère.

Les prières courtes et pleines d'onction qu'il fit imprimer, pour aider les autres à assister avec plus de religion

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