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grandes. Il s'enquit qui l'avoit converti : je répliquai : Une profonde considération sur les misères du monde, et sur ses vanités souvent repassées dans l'esprit. J'ajoutai que m'ayant communiqué son dessein, j'avois tâché de l'affermir dans de si bonnes pensées.

gr

Il faut que je vous dise un mot de M. le Dauphin. Je vois, ce me semble, en lui des commencemens de grandes grâces, une simplicité, une droiture et un principe de bonté : parmi ses rapidités, une attention aux mystères; je ne sais quoi qui se jette au milieu des distractions, pour le rappeler à Dieu. Vous seriez ravi si je vous disois les questions qu'il me fait, et le désir qu'il me fait paroître de bien servir Dieu. Mais le monde, le monde, le monde, les plaisirs, les mauvais conseils, les mauvais exemples! Sauveznous, Seigneur, sauvez-nous; j'espère en votre bonté et en votre grâce: vous avez bien préservé les enfans de la fournaise; mais vous envoyâtes votre ange: et moi, hélas ! qui suis-je ! Humilité, tremble. ment, enfoncement dans son néant propre, confiance, persévérance, travail assidu, patience. Abandonnons-nous à Dieu sans réserve, et tâchons de vivre selon l'Evangile. Ecoutons sans cesse cette parole: «Or, il n'y a qu'une chose qui soit nécessaire » : Porro unum est necessarium (1).

Je ne demande pas mieux que d'entretenir à fond Madame de Schomberg. Tôt ou tard mon petit ouvrage (2) servira aux Huguenots la contradiction de deça, et l'approbation incroyable qu'il reçoit à (1) Luc. x. 42.

(2) L'Exposition de la Foi catholique.

Rome, me font comme voir, d'un côté, le diable qui le traverse; et de l'autre, Dieu qui le soutient.

Je ne finirois pas si je ne me retenois. Je ne parle point ici; il faut donc bien que j'écrive, et que j'écrive, et que j'écrive. Hé! ne voilà-t-il pas un beau style pour un si grand prédicateur? Riez de ma simplicité et de mon enfance, qui cherche encore des jeux. J'embrasse M. de Troisville. On me reproche tous les jours que je le laisse à l'abandon à ces Messieurs je soutiens toujours qu'il est de mon parti, et sérieusement. Quand sa théologie sera parvenue jusqu'à examiner les questions de la grâce, je lui demande une heure ou deux d'audience; et, en attendant, une grande suspension de jugement et de pensées. Priez pour mon enfant et pour moi.

A Versailles, ce 9 septembre 1672.

LETTRE XIV.

A M. DIROIS, DOCTEUR DE SORBONNE.

Sur la traduction du livre de l'Exposition, qu'on méditoit de faire à Rome.

Il y a déjà fort long-temps que je me suis donné l'honneur de vous écrire une grande lettre, au sujet d'une des vôtres que M. le curé de Saint-Jacques-duHaut-Pas me fit voir. Vous y parliez d'un dessein qu'on avoit à Rome, de faire traduire mon Exposition, et ensuite de l'y imprimer. Je reçus en même temps une lettre de M. de Blancey, qui me mandoit ce que monseigneur le cardinal Sigismond Chigi lui

avoit dit sur ce sujet, qui étoit que Son Eminence vouloit bien avoir la bonté de faire travailler à cette traduction et à cette impression. Il m'envoya même une lettre du révérendissime Père Maître du sacré Palais, écrite à ce cardinal, qui contenoit une approbation très-authentique de la doctrine toute saine de ce livre, dans lequel il n'y avoit pas ombre de difficulté, et offroit toutes les permissions nécessaires pour l'imprimer, sans y changer une seule parole. Voilà les propres termes de la lettre, qui est écrite d'une manière à me faire voir que ce Père est trèssavant, et d'un jugement très-solide. Sur cela, je crus être obligé de faire un compliment à cet illustre cardinal, tant sur une lettre très-obligeante pour moi, que je vis entre les mains de M. l'abbé de Dangeau, que sur la lettre du Maître du sacré Palais dont Son Eminence avoit bien voulu charger M. de Blancey pour me l'envoyer. Cette lettre, avec celle que je vous écrivois, Monsieur, fut mise dans un paquet que j'adressois à M. de Blancey, que je priois aussi de faire mes complimens au révérendissime Père Maître du sacré Palais. Soit que M. de Blancey soit parti de Rome, ou que le paquet ait été perdu, je n'en ai aucune réponse, quoique j'eusse même supplié M. l'abbé d'Estrées de vous faire prier de ma part d'ouvrir le paquet, en cas que M. de Blancey ne fût plus à Rome.

Je m'adresse donc à vous, Monsieur, sur la confiance de notre amitié, pour savoir où en est cette affaire, et pour vous prier de la suivre. Elle est de conséquence, en quelque sorte, pour moi; puisqu'il me sera sans doute fort avantageux que mon livre

soit approuvé à Rome, et que j'en aie cette marque publique mais cela est beaucoup plus avantageux pour l'Eglise; puisque les Huguenots ont paru touchés de cette Exposition, et n'ont rien tant fait valoir entre eux que le mauvais succès qu'elle avoit à Rome. Ils ont imprimé qu'elle y étoit improuvée; et si on leur ferme la bouche par quelque marque authentique, il y a sujet d'espérer que Dieu bénira ce petit ouvrage.

Je vous supplie donc, Monsieur, de vouloir avancer ce projet. Prenez, s'il vous plaît, la peine d'en entretenir, de ma part, monseigneur le cardinal d'Estrées, et de faire mes complimens tant à monseigneur le cardinal Sigismond, à qui je m'étois donné l'honneur de rendre mes très-humbles respects, par la lettre dont je vous ai déjà parlé, qu'au Père Maître du sacré Palais. Je vous demande encore la grâce de jeter l'œil sur quelque traducteur habile, et d'examiner la traduction avec soin. Vous jugez bien, Monsieur, que si elle n'est fidèle, et si elle ne se fait pas de la manière que marque le révérendissime Père Maître du sacré Palais : Senza mutar ne pure une parola, ce sont ses termes, on dira que Rome m'aura corrigé ; et au lieu de faire du bien, on nuiroit à l'ouvrage. Mais comme la chose est fort importante, je ne puis aussi la confier à une personne plus capable que vous. Si vous jugez à propos que je fasse un présent à celui qui prendra la peine de traduire, et que je fasse donner quelque chose aux imprimeurs; vous pouvez vous assurer que tout ce que vous trouverez à propos que je fasse, sera très-honnêtement exécuté.

Voilà

Voilà, Monsieur, ce qui me vient dans l'esprit touchant cette affaire : vous suppléerez le reste, s'il vous plaît, et ferez en sorte que la chose s'exécute de la manière la plus honorable et la plus prompte: c'est tout dire à un homme aussi bien intentionné que vous. Il ne me reste qu'à vous assurer de l'obligation que je vous aurai de prendre ce soin, et que je suis de tout mon cœur, etc.

P. S. En la page 87 de l'Exposition, dans quelques-uns des exemplaires qui ont été débités, il est resté une faute que les libraires avoient négligé de corriger, et qu'on avoit laissé passer par mégarde.

En la quatrième ligne, en remontant du bas en haut, au lieu de ces mots : Ou de faire que la vie soit conservée au fils du Centurion, en disant: Ton fils est vivant; il faut mettre: Ou de faire que la vie soit conservée à un jeune homme, en disant à son père etc. C'est ainsi qu'il avoit été corrigé : mais la faute a passé dans quelques-uns des exemplaires, et se trouvera apparemment dans ceux qui vous ont été envoyés; parce qu'ils sont des premiers. Je vous prie, dans la version, de faire suivre la correction.

A Versailles, ce 17 novembre 1672.

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Bossuet. xxxvII.

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