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gneur, et la prie de me faire part de ses oraisons et saints sacrifices.

S'il y a quelque chose que vous jugiez ici nécessaire pour pour la préparation des esprits, je recevrai de bon cœur et exécuterai fidèlement, avec la grâce de Dieu, les ordres que vous me donnerez (1). Je suis, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur,

A Metz, ce 12 janvier 1658.

BOSSUET, prêtre, grand-archidiacre de Metz.

LETTRE II.

DE M. BEDACIER, ÉVÊQUE D'AUGUSTE,

A S. VINCENT DE PAUL (2).

Il lui témoigne combien il est disposé à favoriser la mission, et lui fait part d'une difficulté qui paroissoit s'opposer au plan des missionnaires.

La lettre de cachet de la Reine, et celle que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, au sujet de la mission que Sa Majesté envoie en cette ville, m'ont

(1) « On n'a pas trouvé, dit notre recueil, qui est fort ancien, » la réponse de M. Vincent à cette lettre : mais on sait que depuis » qu'il l'eut reçue, il s'adressa à M. l'abbé Bossuet pour disposer toutes » choses. Il lui adressa la lettre qu'il écrivit à M. l'évêque d'Auguste, » qui gouvernoit le diocèse de Metz: c'est ce que prouve la ré» ponse de ce prélat à M. Vincent, qu'il est bon de transcrire ici, » pour montrer de quelle importance étoit la mission de Metz ».

(2) Cette lettre, relative à celle de Bossuet, et qui en explique même quelques points, s'étant trouvée dans le même recueil, nous avons cru devoir l'insérer ici.

été rendues en même jour; la première par M. de Monchy, et l'autre par M. Bossuet, grand archidiacre de cette église. Je n'ai rien à dire sur l'une et sur l'autre, sinon que je vous supplie d'assurer Sa Majesté que j'emploierai de très-bon cœur tout ce que je puis avoir de crédit et d'autorité, au spirituel et temporel, en cette ville et diocèse, pour seconder ses saintes et pieuses intentions, et les faire ensuite réussir à la gloire de Dieu, à l'édification de nos peuples, au salut des ames, et à la conversion des hérétiques et infidèles, que nous y avons en nombre fort considérable; et que je ferai, au surplus, tout ce qui me sera possible pour témoigner l'estime très-particulière que je fais de sa piété. Elle m'oblige trop, en vérité, par le soin qu'elle daigne prendre de soutenir le zèle que je dois avoir de mettre ce diocèse en l'ordre d'une bonne et parfaite discipline, par cet envoi, pour n'en porter pas mes reconnoissances au point qu'elle me témoigne le désirer. Je passerois aussi en effet pour prévaricateur en mon ministère, si je ne montrois pas, en cette occasion, combien l'œuvre de Dieu et le commandement de Sa Majesté m'est en considération. J'ajouterai à cela l'état particulier que je fais de votre conduite, qui paroît à l'avantage de toute l'Eglise en ces missions. Assurez-vous, s'il vous plaît, Monsieur, que je n'omettrai rien de ce qu'on peut désirer de moi, pour en rendre le succès aussi heureux que vous le pouvez souhaiter.

Je n'ai qu'une difficulté qui me presse, et que je ne pense pas pouvoir surmonter, si vous n'avez la bonté de considérer l'accommodement aisé qu'on

peut prendre pour la lever. Ces Messieurs disent que, selon l'ordre de vos missions, lorsqu'ils sont dans leurs fonctions, toutes prédications cessent, hors celles qu'ils font à leurs heures; et que partant, notre prédicateur ordinaire du carême seroit obligé de cesser et de se retirer: ce que je vous supplie de considérer, et de voir l'inconvénient auquel cela nous pourroit jeter. Celui que nous avons pour le prochain carême, est un fort honnête et habile religieux de l'ordre de saint Dominique, docteur de Sorbonne, qui a déjà prêché l'avent avec applaudissement et recommandation, et lequel j'ai retenu ici sur la bonne foi, n'étant point averti de cet ordre, l'ayant même fait refuser la chaire d'Angers qui lui étoit offerte. Il y auroit une espèce d'affront de le congédier à l'entrée du carême. Nous pourrons, si vous le trouvez bon, concilier cela en lui faisant remettre les lundi, mardi et jeudi de la semaine; et ainsi ces Messieurs auront quatre jours sur semaine pour prêcher en la cathédrale le matin; ayant au surplus, tout le reste du temps, ladite cathédrale libre pour leurs exercices. Je suis bien fâché qu'on n'ait pas prévenu cet inconvénient : mais puisque la chose est ainsi, ils pourront fort bien prêcher trois jours dans une autre église que nous leur désignefort propre pour cela.

rons,

Il ne reste, au surplus, aucune difficulté, sinon de pourvoir à ce qui est nécessaire pour recevoir et loger ceux que vous nous envoyez. Ils seront les très-bien venus, venant au nom du Seigneur et de la part de Sa Majesté. M. de la Contour nous a donné le logis du Roi, à la Haute-Pierre, où ils se

ront très-commodément logés. Pour ce qui est des meubles et pour leur nourriture, nous aviserons aux moyens de leur faire tout administrer: on vous en rendra raison au premier jour. Cependant je vous supplie de croire que je suis trop heureux d'avoir cette occasion de vous assurer de la continuation de mes services et obéissances, étant, Monsieur, votre très-humble et obéissant serviteur,

J. BEDACIER, év. d'Auguste.

De Metz, le 29 janvier 1658.

LETTRE III.

DE BOSSUET A S. VINCENT DE PAUL.

Il lui apprend avec quel respect les lettres de la Reine avoient été reçues à Metz; lui marque la violence exercée par les Protestans de cette ville, à l'égard d'une servante catholique, malade à l'extrémité; et lui fait connoître les artifices de ces hérétiques.

J'AI été extrêmement consolé que celui de vos prêtres qui est venu ici, ait été M. de Monchy: mais j'ai beaucoup de déplaisir qu'il y ait fait si peu de séjour. Il pourra, Monsieur, vous avoir appris que les lettres de la Reine ont été reçues avec le respect dû à Sa Majesté, et que M. l'évêque d'Auguste et M. de la Contour ont fait leur devoir en cette rencontre.

Je rends compte à M. de Monchy de l'état des choses depuis son départ; et je me remets à lui à vous en instruire, pour ne pas vous importuner par des redites mais je me sens obligé, Monsieur,

à

vous informer d'une chose qui s'est passée ici depuis quelque temps, et qui sera bientôt portée à la

Cour.

Une servante catholique, qui est décédée chez un Huguenot, marchand considérable et accommodé, a été étrangement violentée dans sa conscience. Il est constant, par la propre déposition de son maître, qu'elle avoit fait toute sa vie profession de la religion catholique il paroît même certain qu'elle avoit communié peu de temps avant que de tomber malade. Elle n'a jamais été aux prêches, ni n'a fait aucun exercice de la religion prétendue réformée. Son maître prétend que, cinq jours avant sa mort, elle a changé de religion : il lui a fait, dit-il, venir des ministres pour recevoir sa déclaration, sans avoir appelé à cette action ni le curé, ni le magistrat, ni aucun catholique qui pût rendre témoignage du fait. Le jour que cette pauvre fille mourut, un jésuite, averti, par un des voisins, de la violence qu'on lui faisoit, se présente pour la consoler. On lui refuse l'entrée; et il est certain qu'elle étoit vivante. Il retourne, quelque temps après, avec l'ordre du magistrat, et il la trouve décédée dans cet intervalle. Tous ces faits sont constans et avérés : il y a même des indices si forts qu'elle a demandé un prêtre, et les parties ont si fort varié dans leurs réponses sur ce sujet-là, que cela peut passer pour certain.

Je ne vous exagère pas, Monsieur, ni les circonstances de cette affaire, ni de quelle conséquence elle est ; vous le voyez assez de vous-même, et quelle est l'imprudence de ceux qui, ayant reçu, par grâce du Roi, la liberté de conscience dans son Etat, la

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