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On pêche auffi des perles dans quelques rivieres qui fe

peu

Tartarie Chinoise perdent dans le Saghalien-oula: cette pêche n'exige pas beaucoup d'apprêts. Comme ces petites rivieres font profondes, les Pêcheurs s'y jettent hardiment, & ramassant au hafard toutes les huîtres qu'ils rencontrent, ils reffautent fur le rivage. La pêche de ces perles appartient à l'Empereur; mais la plupart font petites & n'ont point une belle eau: on en trouve de plus belles & en plus grande quantité dans d'autres rivieres de Tartarie, qui fe jettent dans la mer orientale. Chaque année l'Empereur envoie à cette pêche un certain nombre de Tartares, choifis dans les huit bannieres. Les trois premieres bannieres, qui font les plus nombreuses & les plus diftinguées, fourniffent trente trois bandes; les cinq autres bannieres en fourniffent trente-fix. Chaque bande a fon Chef & fon Sergent; trois Officiers majors les commandent toutes; certains Marchands qui fe connoiffent en perles, les accompagnent. Toutes ces bandes, pour avoir la permiffion de faire la pêche, doivent chaque année donner à l'Empereur onze cent quatre perles; c'est le tribut fixé. Les trois premieres bannieres en donnent cinq cent vingt-huit, & les cinq dernieres cinq cent foixante-feize. Celles qu'ils préfentent doivent être nettes & fans défaut, autrement on les leur rend, & on en exige d'autres. Quand ces Pêcheurs font de rétour, on examine les perles qu'ils apportent : s'il y en a peu, les Officiers font punis comme coupables de négligence; on leur retranche une année de leurs appointemens, ou bien on les caffe. En 1725, plus de fix cents hommes furent employés à cette pêche, qui ne réuffit point; à peine eurent-ils ce qu'ils devoient donner à l'Empereur,

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au moins felon leur déclaration; mais on n'est pas obligé de croire que leur déclaration foit toujours fort exacte. Tartarie Chinoife Les Mantcheoux, répandus dans la Tartarie Chinoife orientale, n'ont ni temples, ni idoles ; ils n'adorent, ainfi qu'ils s'expriment, que l'Empereur du Ciel, auquel ils offrent des facrifices. Mais depuis qu'ils font entrés dans la Chine, quelques-uns d'entre eux adorent le Dieu Fo, & d'autres idoles révérées dans l'Empire; ils font cependant beaucoup plus attachés à leur ancienne Religion, qu'ils regardent comme le principe de leur grandeur actuelle, & la fource de la profpérité de leurs armes.

Les Nations pauvres & obfcures, devenues conqué- rantes, ont prefque toujours la folle ambition de fe fabriquer une origine illuftre. Dès que les Tartares Mantcheoux fe virent maîtres de la Chine, ils fe donnerent une extraction célefte, & mirent un Dieu à la tête de leur race. Voici ce qu'ils racontent de leur premier Souverain, & ce qu'on lit dans leurs livres les plus authentiques.

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» Au deffus de la montagne Blanche, vers le lieu d'où: » le foleil fe leve, il exifte un lac renommé, qui porte le » nom de Poulkouri, ainfi que la partie de la montagne fur laquelle il eft placé. Nous avons appris par la tradition, " que la fille du Ciel étant defcendue fur les bords de »ce lac, goûta d'un fruit rouge, l'avala, conçut & mit » ensuite au monde un fils de la même nature qu'elle. · » Comme cet enfant miraculeux étoit rempli des dons » céleftes, il parla dès le moment de fa naiffance. Sa figure » étoit admirable; tout en lui refpiroit la grandeur & la majesté. Devenu grand, il s'amufoit quelquefois à par» courir le lac, dans un tronc d'arbre qui étoit creusé

Tartarie Chinoife

orientale.

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» en forme de nacelle. Il arriva un jour qu'il fe laiffa aller
» au courant de l'eau; la nacelle qui le portoit s'arrêta
» d'elle-même à cet endroit de la riviere qui fert de port
» aux peuples des deux côtes, & d'entrepôt pour leurs
» différentes marchandises. Aux environs de ce lieu, il
» fe tenoit chaque jour des affemblées tumultueuses pour
» l'élection d'un Souverain. Trois Chefs de famille fe dif-
putoient entre eux l'honneur de commander aux autres;
» chacun d'eux avoit fes partifans, qui étoient à peu près
égaux en nombre & en forces, ce qui étoit caufe qu'ils
» ne pouvoient s'accorder, perfonne ne voulant céder,
» & tout le monde regardant fon parti comme le meilleur.
Quelqu'un de la
troupe s'étant détaché pour venir puiser
» de l'eau dans la riviere, vit avec admiration le jeune
étranger. Après l'avoir contemplé quelques momens,
» il retourna fur fes pas, & courut vers fes compagnons,
» pour leur donner avis de la rencontre qu'il venoit de
» faire. Dès qu'il fut à portée d'être entendu : Merveille!
» s'écria-t-il, merveille! que toute difpute ceffe entre nous,
» le Ciel veut lui-même y mettre fin ; il nous envoie un Roi
» dans la perfonne d'un enfant extraordinaire, que je viens
» de voir fur la riviere. Oui, c'eft le Ciel lui-même qui
» nous l'envoie ; j'en juge par ce que j'en ai vu. Pour quelle
» autre fin auroit-il donc permis qu'un jeune homme de cette

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efpece vint aborder ici? A ces mots, tout le monde » accourut fur le rivage, pour jouir du fpectacle qu'on » venoit d'annoncer. Les premiers arrivés se tournant vers ceux qui les fuivoient, leur difoient: Rien n'eft plus vrai, c'eft véritablement un enfant miraculeux; c'est le Roi que » le Ciel yeut nous donner; il ne nous en faut point d'autres.

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» Ces paroles passerent alternativement de bouche en bouche, & il n'y eut perfonne qui ne se fît un plaifir » de les répéter. Les premiers transports de l'admiration » s'étant un peu calmés, deux des principaux de la troupe » s'adressant à l'Étranger, lui dirent: Aimable jeune homme, illuftre enfant! qui êtes-vous? par quel heureux hafard » avons-nous l'avantage de vous voir parmi nous? Je fuis, répondit le jeune homme, je fuis le fils de la fille du » Ciel; mon nom est Aisin-kioro, ou Kioro d'or. C'est ainsi » que le Ciel lui-même m'a appelé; mon furnom eft Poulkouriyongchon. Je fuis deftiné à terminer vos difputes, & à faire régner l'union & la concorde parmi vous.

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» A peine eut-il achevé de parler, que les tranfports de joie éclaterent de tous côtés par des applaudiffemens » réitérés. Alors les deux qui lui avoient adressé la parole, > entrelacerent leurs doigts les uns dans les autres, éten» dirent leurs bras, & formerent ainfi une espece de siége, » fur lequel on plaça l'augufte jeune homme. Ils le porterent » avec respect, suivis de la multitude, jusqu'à l'endroit où » étoient alors les trois concurrens. Voilà, leur dirent-ils » en les abordant, voilà le Souverain que le Ciel lui-même » nous envoie ; il ne nous en faut point d'autre; toute dispute » doit être finie, plus d'altercations parmi nous. Nous y confentons, répondirent les trois prétendans; que cet augufte enfant nous gouverne, qu'il foit notre Roi, nous » le reconnoiffons dès-à-préfent pour tel «.

Langue Tartare - Mantcheou.

DEPUIS que les Tartares occupent le trône de la Chine, leur Langue eft devenue familiere à la Cour de Pe-king.

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Tartarie Chinoife

orientale.

Deux Préfidens, l'un Tartare & l'autre Chinois, font à la Tartarie Chinoise tête de chaque Cour Souveraine; & tous les actes publics, émanés de ces premiers Tribunaux, se dreffent en Tartare & en Chinois.

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Cependant cette Langue, quoique beaucoup plus aifée que la Langue Chinoife, étoit menacée de fe perdre entiérement, fans les précautions que prirent les Tartares pour la conferver; ils s'apperçurent qu'elle s'appauvrissoit infenfiblement par l'oubli des termes. Les vieux Tartares mouroient peu à peu à la Chine, & leurs enfans apprenoient plus aifément la Langue du pays conquis, que celle de leurs peres, parce que les meres & les domeftiques étoient prefque tous Chinois.

Kang-hi crut fa gloire intéreffée à perpétuer sa Langue fa nationale. Dès le commencement de fon regne, il érigea un Tribunal, formé des Lettrés les plus habiles dans les deux idiômes Tartare & Chinois; il fir travailler les uns à la version de l'Histoire & des Livres claffiques; les autres aux traductions des Pieces d'éloquence; & le plus grand nombre à composer un Trésor de la Langue Tartare. Ce dernier Ouvrage s'exécuta avec un courage & une célérité extraordinaires. S'il furvenoit quelque doute, on interrogeoit les vieillards des huit bannieres Tartares, & s'il étoit néceffaire de faire des recherches ultérieures, on confultoit ceux qui arrivoient récemment du fond de leur pays. On proposoit des récompenfes à ceux qui découvriroient quelques vieux mots ou quelques anciennes façons de s'exprimer, propres à être placées dans le Tréfor. On s'en fervoit enfuite préférablement aux autres, pour les rappeler à ceux qui les avoient oubliées, ou pour les apprendre

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