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Tartarie Chinoise

orientale.

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» Je lui répondis qu'au commencement, les différens Royaumes d'Europe, étant gouvernés par un même » Prince, le commerce réciproque des différentes Nations » avoit introduit des mots communs, fur-tout dans les » Sciences & dans les Arts, felon le langage des Nations » qui les avoient inventés les premieres. Cet aveu fut » un fujet de triomphe pour le Prince il s'écria qu'il » avoit l'avantage. Nous n'avons pris, dit-il, que fort peu » de mots des Mongous, & encore moins des Chinois, » & le peu que nous avons pris, nous les avons dépayfés » en leur donnant une terminaifon Tartare; mais vous » autres, vous vous êtes enrichis des dépouilles de vos » voisins. Vous avez bonne grace, après cela, de venir » chicaner la Langue Tartare fur des bagatelles.

» Je ne m'étendrai pas, ajoute dans fa lettre le Pere » Parrenin, fur la maniere dont il me fallut mettre ce Prince au fait de la différence qu'il y a entre les Langues » vivantes & les Langues mortes; car il n'avoit jamais "ouï parler de ces dernieres. Il fuffit de dire que notre » difpute dura jufqu'à ce qu'il eût reçu la réponse que lui » fit le Pere Suarez. Il en fut très-content, & il commença » à avoir meilleure opinion des Langues d'Europe » c'est-à-dire, qu'il les plaça immédiatement au deffous » de la fienne, encore youloit-il mettre la Chinoife entre » deux; mais je proteftai fortement contre cette injustice, alléguant la grande quantité d'équivoques que fournit » la Langue Chinoife. He bien! je vous l'abandonne, »dit-il en riant; les Chinois, qui n'aiment pas à être » contredits fur cet article, fauront bien fe défendre «.

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ARTICLE I I.

Tartarie Chinoife occidentale.

LE vafte pays des Mongous eft terminé au nord par

occidentale.

la Sibérie; au levant, par la Tartarie Chinoise orientale; Tartarie Chinoife au midi, par la grande muraille & le Leaotong; & au couchant, par la Tartarie indépendante. C'eft en partie du fein de ces déferts arides, que font fortis les Conquérans célebres qui ont fait trembler l'Afie. La Nation des Mongous fe fubdivife en une multitude d'autres qui parlent toutes la même Langue, qu'on appelle généralement la Langue Mongole. Ils ont, il est vrai, quelques dialectes différens, mais qui ne les empêchent point de s'entendre les uns & les autres. Ces Tartares n'ont ni villes, ni bourgs, ni maifons; ils ne forment que des hordes errantes & n'habitent que fous de fimples tentes, qu'ils tranfportent d'un lieu dans un autre, felon que l'exigent la différente température des faifons, ou les befoins de leurs troupeaux. Ils paffent l'été fur le bord des rivieres, & l'hiver au pied des montagnes, ou de quelque colline qui les mette à l'abri de la bife piquante du feptentrion. Chacun de ces peuples a fes limites refpectives, & ce feroit un acte d'hoftilité envers leurs voifins, que de fe transporter au delà; mais dans l'enceinte des terres qui leur appartiennent, ils campent où ils veulent. Ils font naturellement groffiers, fales & mal-propres dans leurs habits comme fous leurs tentes, où ils vivent au milieu des ordures de leurs troupeaux, dont, au lieu de bois, ils brûlent la fiente dans leurs foyers. Ennemis du travail,

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occidentale.

ils aiment mieux fe contenter de la nourriture qu'ils tirent Tartarie Chinoife du bétail qu'ils élevent, que de prendre la peine de cultiver la terre; il femble même que ce foit par orgueil qu'ils négligent l'agriculture. Lorque les Miffionnaires leur demandoient pourquoi ils ne cultivoient pas au moins quelques jardins; ils répondoient que l'herbe eft pour les bêtes, & les bêtes pour l'homme.

Pendant l'été ils ne vivent que du laitage que leur fourniffent leurs troupeaux, ufant indiftinctement de lait de vache, de cavalle, de brebis, de chevres, & de chameaux. Leur boiffon ordinaire eft de l'eau chaude, dans laquelle ils font infufer des feuilles du thé le plus commun qui vienne de la Chine; ils mêlent à cette boisson, du beurre, de la crême ou du lait, felon qu'ils font plus ou moins riches. Ils favent auffi fabriquer une efpece d'eaude-vie avec du lait aigre, fur-tout de cavalle, qu'ils font distiller après l'avoir laiffé fermenter. Les Tartares aifés avant de distiller ce lait aigri, y mêlent de la chair de mouton fermentée. Cette eau-de-vie eft forte & trèsnourriffante; leurs plus voluptueufes orgies confiftent à s'enivrer de cette liqueur.

. Les Mongous font francs, droits, finceres. Ils mettent leur habileté à tirer de l'arc, à monter à cheval, à donner la chaffe aux bêtes fauves. La polygamie leur eft permise, mais ils n'ont ordinairement qu'une femme. Ils brûlent les corps de leurs morts, & en tranfportent les cendres fur des hauteurs où ils les enterrent; ils couvrent la foffe d'un monceau de pierres, fur, lefquelles ils plantent un grand pombre de petits étendards. L'ufage de la monnoie leur eft inconnu, ils ne commercent que par échange.

occidentale.

Quoique les Mongous puiffent s'approprier les dépouilles d'un grand nombre d'efpeces d'animaux, cependant les Tartarie Chinoife fourrures dont ils s'habillent prefque tous, font celles de leurs moutons & de leurs brebis. Ils portent la laine en dedans, & la peau en dehors; ils favent affez bien préparer & blanchir ces peaux. Quelques-uns des plus riches d'entre eux font quelquefois usage de peaux de cerfs, de daims, de chevres fauvages: ils s'en font des habits de printemps. Quelque foin qu'ils prennent pour préparer ces peaux, elles exhalent toujours une odeur forte & défagréable, qui leur a fait donner par les Chinois le nom de Tfao ta-ife, Tartares puans. Leurs tentes même ont prefque toujours, une odeur de brebis, à laquelle on ne s'accoutume que difficilement.

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Ces tentes font toutefois plus commodes que les tentes ordinaires des Mantcheoux, qui ne font que d'une fimple ou double toile, à peu près comme celles de nos troupes. Celles des Mongous font rondes, en forme de cônes tronqués, & couvertes d'un gros feutre gris ou blanc. Une ouverture ronde, pratiquée à l'extrémité fuperieure, donne paffage à la fumée d'un brafier placé au milieu de la tente. Tandis que le feu dure, ces huttes portatives font affez chaudes; mais elles fe refroidiffent auffi aifément qu'elles s'échauffent, & fi l'on n'y prend garde, il arrive que pendant la nuit on fe trouve gelé dans fon lit. Ces tentes, pendant l'été, ne font pas plus supportables, à cause de l'extrême chaleur qui s'y concentre, ou de l'humidité qu'on ne peut empêcher d'y pénétrer; humidité qui résulte des pluies & de la fange dont ces cases sont environnées. Telle est cependant la force de l'habitude & de l'éducation, que ces peuples préferent

ces miférables huttes à l'agrément & aux commodités des Tartarie Chinoife maifons Chinoifes, uniquement pour jouir du plaisir de changer de demeure à chaque faison.

occidentale.

La Religion des Tartares Mongous fe réduit au culte de Fo. Ils ont la plus fuperftitieuse vénération pour leurs Lamas, Prêtres groffiers, ignorans & libertins, auxquels ils attribuent la puiffance de faire tomber de la grêle & de la pluie. Ils payent de ce qu'ils ont de plus précieux les Oraisons que ces Lamas vont réciter de tente en tente. Ces peuples font fort dévots, & portent continuellement au cou une efpece de chapelet, fur lequel ils difent leurs prieres.

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Tous les Mongous font gouvernés par des Kans, ou Princes particuliers, indépendans les uns des autres, mais tous foumis à l'autorité de l'Empereur de la Chine, qu'ils regardent comme le Grand Kan des Tartares. Lorfque les Mantcheoux eurent fubjugué la Chine, ils conférerent aux plus puiffans d'entre les Princes Mongous, les titres de Vang, de Péilé, de Peizé, de Cong, qui répondent à nos titres de Rois, de Ducs, de Comtes & de Marquis. Chacun d'eux eut un revenu afligné, mais fort inférieur aux appointemens des Seigneurs Mantcheoux de Pe-king. L'Empereur détermina les limites respectives de leurs terres, & leur donna des Loix, felon lefquelles ils font encore aujourd'hui gouvernés. Ces Kans, tributaires n'ont point le droit de condamner leurs fujets à mort, ni de les dépouiller de leurs biens. Ces deux cas de mort & de confifcation font réservés au Tribunal fuprême, établi à Pe-king pour les affaires des Mongous. Chaque particulier peut y appeler de la fentence du Prince, qui eft obligé d'y comparoître lui-même lorfqu'il est cité,

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