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Tartarie Chinoife

Toute la Nation Mongole, foumife à la domination Chinoife, peut fe diviser en quatre peuples principaux, occidentale, qui font les Mongous proprement dits, les Kalkas, les Ortous, & les Tartares de Kokonor.

Mongous.

SUIVANT la Carte de la Tartarie Chinoife, dreffée fur les Mémoires des Miffionnaires Jéfuites, qui les premiers nous en ont donné une connoiffance exacte & détaillée, le pays des Mongous s'étend, d'occident en orient, dans l'efpace de plus de trois cents lieues communes de France, & de deux cents du fud au nord. Il fe trouve renfermé entre les terres des Ortous, la grande muraille, la Tartarie orientale, & le pays des Kalkas. Ce peuple compose quarante-neuf Ki ou étendards: chaque étendard comprend un nombre indéterminé de compagnies, compofées cha→ cune de cent cinquante chefs de famille; & comme ces familles Tartares font ordinairement nombreuses, on peut compter mille individus par compagnie. Outre ces quarante-neuf étendards, il y en a cinq autres immédiatement foumis à l'Empereur de la Chine, & gouvernés par les Officiers qu'il y envoie.

Le canton le plus cultivé de toutes les terres des Mongous, eft le diftrict de Cartching, voifin de la grande muraille, où l'Empereur va prendre chaque année le divertiffement de la chaffe, & où il paffe ordinairement tout l'été. Il y a fait bâtir pour cet ufage plufieurs belles maifons de plaifance, dont la principale eft à Geho. Ce Prince poffede de grands domaines dans le pays de Cartching & le long de la grande muraille ces terres font de fes ancêtres, auxquels elles

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occidentalé.

font échues dans le partage qui fut fait au temps de la Tartarie Chinoife conquête de la Chine. L'Empereur fait valoir ces biens patrimoniaux par ses Fermiers, & le produit en est consacré à l'entretien de fa maison; car il ne touche point aux revenus de l'État, qui font dépofés dans le Tréfor public, pour le payement des Troupes & des Officiers de l'Empire. La quantité de beftiaux entretenus dans ces fermes royales est prodigieufe: les Miffionnaires apprirent de quelques Officiers des Pâtres, qu'on y comptoit cent quatre-vingt-dix mille moutons, partagés en deux cent vingt-cinq troupeaux & presque autant de bêtes à cornes, divifées en haires, dont chacune en contient cent. Le nombre des étalons est encore plus confidérable. Cette richeffe en fermes, en haras & en troupeaux, fait plus d'impreffion fur l'efprit des Tartares & des Princes Mongous, & leur rend beaucoup plus fenfible la majesté de l'Empereur, que toute la magnificence de fa Cour de Pe-king.

Kalkas.

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LES Tartares Kalkas, qui formoient autrefois une Tribu nombreuse, compofée de plus de fix cent mille familles, habitent au nord des Tartares Mongous dont nous venons de parler. Leur pays, qui fe prolonge jufqu'au Royaume des Eluths, a près de trois cents lieues d'étendue d'orient en occident. C'est dans cette région qu'étoit autrefois située, vers le 45 degré de latitude, la ville de Kara-kun, le fiége de l'Empire de Zinghiskan & de fes fucceffeurs.

Les Kalkas demeurent fous des tentes le long des rivieres qui arrofent leur pays. Celle de Kalka-pira, quoique l'une des plus petites, & aujourd'hui l'une des moins fréquentées,

occidentale.

fréquentées, a donné son nom à toute la nation. Les plus confidérables de ces rivieres font, le Kerlon, le Toula, le Tartarie Chinoise Touy, le Selingué. Leurs bords font très-habités; elles baignent des campagnes vastes & fertiles en fourrages; leurs eaux font faines, & abondent en excellens poiffons, furtout en truites. Le Kerlon coule de l'ouest à l'est, & va se jeter dans le lac de Coulon-nor, dont les eaux fe déchargent dans le fleuve Saghalien par la riviere d'Ergoné. Le Kerlon n'eft pas profond, il eft guéable prefque par-tout, & fa largeur n'excede pas foixante pieds. Ses bords offrent les meilleurs pâturages de la Tartarie. On voit encore fur sa rive feptentrionale les débris d'une grande ville, bâtie par les fucceffeurs Mongous du fameux Coblai-han. Cette ville étoit carrée, & avoit deux lieues de circuit. Il en fubfifte encore des fondemens, de grands pans de murailles, & deux pyramides à demi-ruinées. Son nom étoit Para-hotun, c'est-à-dire, la ville du Tigre.

La riviere Toula a fon cours de l'eft à l'ouest: elle est fouvent plus large, plus rapide, plus profonde que le Kerlon; fes bords font environnés de bois & de belles prairies. Les montagnes qui la dominent au nord, font couvertes d'antiques forêts de fapins, & produisent à l'œil l'effet d'un immenfe amphitéatre. Cette riviere, après avoir les eaux du Selingué, va se perdre dans le Pai-cal, le plus grand lac de toute la Tartarie. Ce lac eft dans le territoire des Mofcovites. Le Selingué même n'appartient pas entierement aux Kalkas; les Ruffes font maîtres du bas de la riviere, où ils ont conftruit une petite ville qu'ils nomment Selingeskoi. Le Touy roule des eaux également claires & faines; il arrose des plaines auffi fertiles

reçu

R

:

que le Toula, & après avoir prolongé fon cours à travers Tartarie Chinoife plufieurs cantons affez étendus, il fe perd tout à coup dans le fein de la terre, & ne reparoît plus.

occidentale.

Le vafte défert, que les Chinois appellent Cha-mo, & les Tartares Cobi, occupe prefque toute la partie méridionale du pays des Kalkas. On donne à ce défert plus de cent lieues de longueur de l'eft à l'oueft, fur une largeur à peu près égale du nord au fud, & même plus grande vers fa partie occidentale. Il n'offre qu'une fuite de plaines immenfes d'un fable tantôt mouvant, tantôt folide. Ces plaines ne font interrompues que par quelques collines rares, fur lefquelles croiffent quelques buiffons, mais jamais aucun arbre. Ce défert eft en général aride, fans pâturages & fans eau, à l'exception d'un petit nombre d'endroits où l'on trouve quelques mares où les eaux de pluie fe raffemblent, & d'affez měchans puits qu'on ne rencontre pas même fréquemment. Le fol de ces plaines eft fort élevé, & l'on s'apperçoit, en fortant de la Chine, qu'il faut confidérablement monter pour les traverfer;` auffi le froid eft-il vif & très-long. La grande quantité de falpêtre dont ces fables font pénétrés, doit contribuer beaucoup à cette température. Il fuffit de creufer la terre à quelques pieds de profondeur, pour la trouver glacée en toute faifon. Ces fables font très-incommodes pour les voyageurs, & trèsdangereux pour les chevaux, dont il arrive toujours que plufieurs périffent. Les Tartares de ces cantons fe fervent plus ordinairement de chameaux, parce que ces animaux vivent de peu, & peuvent fe paffer de boiffon pendant

cinq ou fix jours.

y

La guerre que le Roi des Eleuthes fit en 1688 aux Kalkas,

a prefque détruit cette derniere nation. Ceux-ci, pour échapper aux pourfuites d'un ennemi fupérieur, réclamerent le fecours des armes Chinoifes, & offrirent de fe foumettre à l'Empire. Kang-hi prit leur défense, vainquit le Monarque Eleuthe, & retint les Tartares Kalkas fous fa domination, après avoir accordé à leurs Princes différens titres d'honneur.

Ces peuples ont parmi eux un de ces grands Lamas qu'ils appellent Hou-touctou, & qu'ils regardent comme des Fo vivans. Il loge fous une grande tente, & fe montre au public, couché fur une espece d'autel, où il reçoit nonchalamment les adorations de tous les Tartares. Il ne rend le falut à perfonne, pas même aux Princes dont il reçoit les hommages avec toute la morgue d'une Divinité. L'engouement & la stupide vénération des Tartares pour ce Lama, produisent un concours prodigieux d'étrangers à Iben-Pira où il réside. On y voit des Bonzes de l'Indostan, du Pégu, de la Chine, & de beaucoup d'autres pays plus éloignés encore. Le grand nombre de tentes qu'on dresse autour de la fienne, forment une espece de ville ou de foire, où les Marchands Moscovites viennent quelquefois

commercer.

Ce Lama Hou-touctou n'eft cependant que du fecond ordre; car on reconnoît pour son supérieur celui qui réfide fur la riviere de Lafa dans le Thibet: celui-ci eft généralement regardé comme le premier Pontife, & le Chef fuprême de la Religion Tartare.

Ortous.

Le pays des Ortous, qui habitent au nord de la grande LE muraille, & au couchant des Mongous proprement dits,

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