Province de Pe-tcheli. C'eft dans cette feconde cour que fe trouve la falle Royale, nommée Tai-ho-tien ou Salle de la grande union; elle est bâtie fur une terrasse haute d'environ quinze pieds, revêtue de marbre blanc, & ornée de baluftrades artistement travaillées. C'eft devant cette falle que fe rangent tous les Mandarins, lorfqu'aux jours marqués ils viennent renouveler leurs hommages, & faire les cérémonies déterminées par les Loix de l'Empire. Cette falle, qui eft presque carrée, a environ cent trente pieds de longueur; fon lambris eft fculpté, verniffé en vert, & chargé de dragons dorés; les colonnes qui en foutiennent le faîte en dedans, ont fix à fept pieds de circonférence vers leur base, & font enduites d'une espece de mastic revêtu d'un vernis rouge; le pavé eft en partie couvert de tapis, en façon de turquie, très - médiocres; les murailles font fans aucun ornement, fans tapifferies, fans luftres & fans peintures. Le trône, qui eft au milieu de la falle, confifte en une eftrade affez élevée, fort propre, & fans autre infcription que le caractere Ching, que les Auteurs de Relations ont interprété par le mot Saint. Mais il n'a pas toujours cette fignification, car il répond quelquefois mieux à notre mot latin eximius, ou aux mots françois, excellent, parfait, très-fage. Sur la plate-forme qui eft vis-à-vis cette falle, font de grands vafes de bronze, dans lefquels on brûle des parfums, lorfqu'il fe fait quelque cérémonie ; on y voit aussi des candelabres façonnés en oiseaux, & peints de diverses couleurs, ainsi que les bougies & les torches qu'on y allume. Cette plate-forme fe prolonge vers le Septentrion, & porte deux autres falles un peu moins grandes; l'une est une rotonde percée de beaucoup de fenêtres, & toute brillante de vernis; c'est là que l'Empereur change d'habits avant ou après la cérémonie; l'autre eft un fallon dont la porte est tournée vers le nord, & c'est par là que l'Empereur, fortant de fon appartement, doit paffer pour venir recevoir, fur fon trône, les hommages des Grands de l'Empire; alors il est porté en chaise par des Officiers habillés d'une longue vefte rouge brodée de foie, & couverts d'un bonnet furmonté d'une aigrette. Il feroit difficile de donner une defcription exacte des appartemens intérieurs qui forment proprement le palais de l'Empereur & de fa famille : il n'y a pour l'ordinaire que les femmes & les eunuques qui puiffent y pénétrer. Après Pe-king, Pao-ting-fou eft la ville la plus confidérable de la province, & c'est là que le Vice-Roi fait fon féjour; cette ville en a vingt autres dans fon district, trois du fecond ordre, & dix-fept du troisieme. Son terroir eft agréable, & l'un des plus fertiles de la Chine. Il faut passer néceffairement par cette ville, pour fe rendre de Pe-king dans la province de Chan-fi. Ho-kien-fou vient enfuite; deux villes du fecond ordre & quinze du troifieme en dépendent. On n'y trouve riem de remarquable, que la propreté des rues. Tchin-ting-fou est une grande ville qui a près de quatre mille pas de circuit; fon reffort eft extrêmement étendu, il comprend trente-deux villes, dont cinq font du fecond ordre, & vingt-fept du troifieme. Elle a au nord, des montagnes où les Chinois prétendent trouver quantité de fimples & d'herbes rares on y voit aufli quelques monumens, Province de Pe-tcheli. Province de Pe-tcheli. ou efpeces de temples élevés en l'honneur des Héros : il en est un, entre autres, qui eft confacré à la mémoire du premier Empereur de la dynastie des Han. Chun-te-fou n'a pas un district fort étendu, car elle n'a dans fon reffort que neuf villes du troisieme ordre, mais toutes fort peuplées. La campagne y eft riante & fertile, par la quantité d'étangs & de rivieres qui l'humectent & l'arrofent; fes écreviffes font renommées: on y trouve un fable fin & délié, dont on fe fert pour polir les pierres précieuses, & qui fe débite dans tout l'Empire; fon territoire abonde auffi en pierres de touche, & l'on prétend que ce font les meilleures de la Chine. Quang-ping-fou est situé dans la partie méridionale du Pe-tcheli, entre les provinces de Chan-tong & de Ho-nan. Elle a dans fa dépendance neuf villes du troifieme ordre ; toutes fes campagnes font arrofées de rivieres; parmi fes temples, elle en a un confacré à ces hommes que les Chinois prétendent avoir trouvé le fecret de se rendre immortels. Tai-ming-fou a fous fa jurisdiction une ville du fecond ordre, & dix-huit du troisieme: on n'y voit rien de remarquable. Yung-ping-fou eft fitué fort avantageufement dans le voisinage de la mer; on tire beaucoup d'étain des montagnes qui l'environnent; on y fabrique auffi le papier. Non loin de cette ville est un fort nommé Chan-hai, qui est comme la clef de la province de Leao-tong; ce fort est près de la grande muraille. Yung-ping-fou ne compte dans fon reffort qu'une ville du fecond ordre, & cinq du troisieme. Fuen-hoa-fou est une ville confidérable par fa grandeur, par CLIMAT de la province du Pe-tcheli. La température de l'air de cette province ne paroît pas trop s'accorder avec l'élévation du pôle. Quoique le Pe-tcheli ne s'étende point vers le nord, au delà du quarante-deuxieme degré, cependant toutes les rivieres y font tellement glacées pendant quatre mois de l'année, que les chevaux & les chariots, chargés des plus lourds fardeaux, peuvent impunément les traverfer. On observe auffi que la totalité de cette glace fe forme presque en un feul jour, & qu'il en faut plufieurs pour en dégeler feulement la fuperficie. Ce qui ne paroîtra pas moins extraordinaire, c'est que durant ces fortes gelées on n'éprouve point ces froidures vives & piquantes qui accompagnent en Europe la production des glaces. On ne peut guere expliquer ces phénomenes, qu'en les attribuant à la grande quantité de nitre existante & répandue dans cette province, & à la férénité du ciel, qui, pendant l'hiver même, n'est prefque jamais obfcurci d'aucun nuage. L'explication physiqué Province de Pe-tcheli. Province de Pe-tcheli. que nous donnons de cette finguliere température, fe trouve pleinement confirmée par les expériences que le célebre Pere Amiot a faites récemment à Pe-king (*); elles l'ont convaincu que dans cette capitale & dans fon voisinage, jusqu'à sept ou huit lieues à la ronde, l'eau, l'air & la terre abondent également en nitre. 1o. Quant à l'eau, la facilité avec laquelle elle fe congele, la confiftance de cette congélation & fa durée annoncent évidemment la présence du nitre. Un baquet plein d'eau, placé à côté du thermometre à liqueur de Réaumur, est déjà gelé fur toute sa surface, lorfque le thermometre ne marque encore qu'un degré au dessus du terme de la glace; & quand le thermometre est descendu jusqu'à trois degrés au deffous de la congélation, l'eau fe trouve prife jufqu'au fond, fi fa profondeur n'est que de quatre à cinq pouces, fous une furface dont le diametre foit à peu près d'un pied & demi. Cette eau, pendant un temps ferein, se soutient dans le même état de congélation, tant que le thermometre ne monte pas plus haut que le troifieme degré au deffus de zéro; alors elle commence à fondre, mais fi lentement que deux ou trois jours fuffifent à peine pour lui rendre fa premiere fluidité. A cette expérience, faite depuis longtemps, le Pere Amiot en ajoute une autre qui a eu lieu pendant l'été de 1777, & qu'il a fuivie avec toute l'exactitude dont il eft capable. Avant que nous la rapportions, il eft à propos d'observer que pendant l'année 1777, les chaleurs ont été plus conftantes à Pe-king qu'elles ne le font ordinairement. Dans le cours des mois de Juin & Juillet, le thermometre eft perfévéramment monté depuis (*) La latitude de Pe-king eft de 39° 52′ 55", le |