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fuient & difparoiffent avec la rapidité de l'éclair; auffi Tartarie Chinoise est-il très-difficile de les environner dans une plaine.

accidentale

On fait d'ailleurs que leur usage est de se retirer par bandes entre des collines : c'est là qu'on va les chercher; & dès qu'on a reconnu le lieu qui les recele, on fe retire promptement, & l'on va former l'enceinte de fort loin. Les Chaffeurs se tiennent d'abord à la distance de vingt ou trente pas les uns des autres; enfuite ils avancent lentement & se rapprochent peu à peu, en chaffant les chevres, avec de grands cris, vers l'endroit où l'on veut les raffembler. Ces enceintes embraffent quelquefois cinq à fix lieues de pays, & l'on y renferme des troupeaux de quatre à cinq cents chevres.

Les mules fauvages, que les Chinois appellent ye-lo-tfe, font très-communes en Tartarie; elles vont par troupes, mais en petit nombre. Quand on confidere cet animat avec quelque attention, il est aifé de s'appercevoir qu'il differe des mules domeftiques, même dans fa configuration extérieure; sa chair eft auffi très-différente, puifqu'elle est d'un affez bon goût, & que les Tartares, qui en mangent fouvent, la jugent auffi faine & auffi nourriffante que celle du fanglier. Quelque foin qu'on ait pris, on n'a jamais pu plier ces mules à la domesticité, ni les accoutumer à porter aucun fardeau.

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Les chameaux & les chevaux, fauvages fe trouvent en grand nombre vers l'oueft de la Tartarie; on en ren contre cependant quelquefois fur les terres des Kalkas dans le voisinage de Ha-mi. Les uns & les autres ont le même port & la même figure que les chevaux & les chameaux domeftiques. Les chameaux fauvages font-si

légers à la course, que les Chaffeurs les mieux montés parviennent rarement à les approcher à la portée de la fleche. Les chevaux fauvages marchent toujours en grandes troupes : on les croiroit animés de l'efprit de profélytisme en faveur de leur genre de vie. Lorfqu'ils rencontrent quelques chevaux domestiques, ils les enveloppent, les placent au milieu d'eux, &, en les ferrant de tout côté, les entraînent dans leurs forêts.

Le han-ta-hau reffemble à l'élan; mais il eft lourd & pareffeux on en tue qui pesent autant que le plus gros boeuf. Les Tartares Solons font les plus exercés à la chasse de ces animaux: on n'en trouve d'ailleurs que dans peu de cantons de la Tartarie; ils se tiennent volontiers dans le voisinage de la montagne Suelki: ce font des terres fangeuses où ils se plaisent. La chasse de ces animaux y est auffi plus aifée, parce qu'étant naturellement pefans, ils ont plus de peine à se dépêtrer de la boue, pour pouvoir s'élancer sur ceux qui les attaquent à coups de fleches.

Le choulon ou chelafon eft une espece de loup cervier: la peau en est très-eftimée; elle coute à Pe-king quinze ou vingt écus, & l'on en fait des furtouts. Cet animal est de la hauteur du plus grand loup; fon poil est long, doux, fourni, & tirant fur le gris-blanc. Liu eft le nom que les Ruffes lui donnent; il s'en trouve une grande quantité fur leurs terres, & ils en vont débiter les peaux à Pe-king.

Les lao-hou, ou tigres, font les plus féroces de tous ces animaux; leur cri feul, quand on n'eft pas accoutumé à l'entendre, inspire une fecrete horreur dont on ne peut fe défendre ils font d'ailleurs, à la Chine & dans la

Tartarie Chinoise

occidentale.

accidentale.

Tartarie, d'une grandeur & d'une agilité qui les rendent Tartarie Chinoife encore plus redoutables. Leur peau eft presque toujours d'un roux fauve, coupé de larges bandes noires; on en trouve cependant quelques-unes dont les zones noires, & même grifâtres, font diftribuées fur un fond affez blanc. Ces peaux, qu'on laiffe entieres, fervent d'ornement dans les cérémonies publiques, & parent les chaises découvertes dans lesquelles les Mandarins de guerre fe font porter; à la Cour, les Princes en couvrent, pendant l'hiver, les carreaux fur lefquels ils s'affeyent

Quelque fiers & indomptables que foient ces animaux, lorfqu'ils fe trouvent enfermés dans un cercle de Chaffeurs, partagés en pelotons, comme il arrive dans les grandes chaffes de l'Empereur, ils ne laissent pas de témoigner une forte d'étonnement à la vue d'ennemis auffi nombreux, tous attentifs à diriger vers lui les pointes de leurs lances. Loin d'imiter le cerf & les autres bêtes fauves, qui, placées dans les mêmes circonftances, vont & viennent fans ceffe, & tentent tous les moyens d'échapper, le tigre s'accroupit, & fouffre même affez long-temps, fans s'émouvoir, l'aboiement des chiens qu'on envoie fur lui; mais bientôt, excité ou par un excès de rage, ou par la néceffité de se défendre, il s'élance comme par bonds & avec une rapidité incroyable, vers le peloton de Chaffeurs qu'il a d'abord fixés. Ceux-ci le reçoivent fur les pointes de leurs lances, qu'ils lui enfoncent dans le ventre, au moment où il se dreffe pour retomber fur quelqu'un d'entre eux.

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Le Pere Gerbillon, qui a eu plufieurs fois l'avantage d'accompagner l'Empereur dans les voyages de Tartarie,

raconte

raconte la maniere dont ce Prince fit un jour la chasse

d'un de ces tigres. » On vint, dit-il, avertir l'Empereur Tartarie Chinoife

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qu'on avoit découvert un tigre. C'est un ordre donné

pour toujours, que quand on découvre un de ces animaux, "on poste des gens pour l'observer, tandis que d'autres tandis » vont avertir l'Empereur, qui abandonne ordinairement » toute autre chaffe pour celle-là. Sa Majesté vint auffi-tôt proche du lieu où étoit le tigre: on chercha un poste » commode, d'où on le pût tirer fans danger; car cette » chasse est périlleufe, & il faut prendre bien des pré» cautions pour ne pas expofer les Chaffeurs à être mis » en pieces par cet animal. Voici comment l'on s'y » prend.

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Quand on fait le lieu où il gît, on examine par quel » endroit il est probable qu'il se retirera, lorsqu'on le fera » lever; il ne defcend prefque jamais dans la vallée, mais » il marche le long du penchant des montagnes. S'il y a » un bois voisin, il s'y retire; il ne va jamais loin, tout » au plus il traverse une montagne, & va fe cacher de » l'autre côté. On pofte des Piqueurs avec des demipiques armées d'un fer fort large, dans les endroits par » où l'on croit qu'il prendra fon chemin, & on les place » par pelotons fur le fommet des montagnes. On y pose » auffi des Gardes à cheval, pour observer la remise. Tous » ces gens ont ordre de faire de grands cris, lorsque le tigre s'avance de leur côté, afin de l'obliger à rebrouffer » chemin, & à s'enfuir vers le lieu où l'Empereur s'est

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placé. Ce Prince est environné de trente ou quarante Piqueurs, armés de hallebardes ou de demi-piques,

» dont ils font une efpece de haie, pofant un genou

T

occidentale.

Tartaric Chinoife

occidentale.

» en terre, & préfentant le bout de leurs demi-piques » du côté par où le tigre peut avancer; ils font toujours » en cet état pour le recevoir; car il prend quelquefois » fa course avec tant de rapidité, qu'il ne donneroit pas » le temps de s'oppofer à fes efforts, fi l'on n'étoit » toujours fur fes gardes. L'Empereur eft derriere les Piqueurs, accompagné de quelques-uns de ses domeftiques, qui lui tiennent des fufils & des arquebuses prêtes à tirer.

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» On fit d'abord lever le tigre du lieu où il étoit; il grimpa la montagne, & s'alla placer de l'autre côté, dans un bouquet de bois. Comme il avoit été bien observé, il fut auffi-tôt suivi; & l'Empereur s'en étant approché à la portée du fufil, toujours environné de fes Piqueurs, on tira quantité de fleches vers le lieu » où l'on avoit vu l'animal fe coucher. On lâcha de même plufieurs chiens, qui le firent lever une feconde fois. » Il ne fit que paffer fur le penchant de la montagne " oppofée, où il fe coucha dans des brouffailles, d'où » on eut affez de peine à le faire fortir; il fallut pour cela faire avancer quelques-uns des Cavaliers poftés sur le fommet de cette montagne, afin qu'ils tiraffent » des fleches au hafard vers le lieu où il étoit, tandis que les Piqueurs, qui en étoient plus proche, faifoient » rouler des pierres vers le même endroit : mais il en penfa couter la vie à quelques-uns de ces Cavaliers; » car le tigre fe levant tout-à-coup, jeta un grand cri, & » prit fa courfe vers les Cavaliers, qui n'eurent point d'autre » parti à prendre que de fe fauver à toutes brides vers lé fommet de la montagne. Le tigre étoit déjà près

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