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foumis à la domi

L'ennemi, pour l'attirer avec plus de confiance, ne déAutres Peuples fendit que mollement le premier paffage. Après l'avoir nation Chinoife. franchi, le Général & fes troupes fe trouverent dans une gorge où ils n'avoient en face que d'autres rochers efcarpés: alors les Miao-tfé fe montrerent en force, fermerent les retours & tous les paffages; & quand les Chinois furent exténués par la 'faim, ils firent main-basse sur eux : il n'en échappa pas un feul; & ce ne fut qu'après plufieurs années, qu'on apprit comment ils avoient traité le Général Ouen-fou. Des deux autres Généraux qui ne l'avoient point fecouru, l'un fut étranglé, l'autre envoyé en exil.

L'Empereur nomma enfin Akoui Généraliffime de toutes 'fes troupes; il ne pouvoit faire un choix plus éclairé. Akoui étoit un homme d'un fang froid & d'une constance inébranlables, ne fe rebutant de rien, & ne craignant pas même de mécontenter l'Empereur, s'il arrivoit quelquefois que le bien de son service l'exigeât. Le nouveau Général pénétra dans les montagnes par la même route que fon prédéceffeur; mais il eut foin de s'emparer de tous les rochers voifins, en y faifant grimper des troupes, & de conferver toujours fes derrieres libres. Les Miao-tfé fentirent, à ce début, à qui ils avoient à faire. Akoui ne précipitoit rien; il reftoit deux ou trois mois autour d'un rocher; & s'il découvroit enfin un endroit tant foit peu acceffible, il profitoit de la nuit ou d'un grand brouillard, pour y faire monter un nombre fuffifant de foldats. Jamais il ne reculoit; chaque pas qu'il faifoit en avant, étoit une portion de terrein perdu pour l'ennemi. C'est en s'attachant avec conftance à fuivre ce plan d'opérations, que ce Général est enfin parvenu à dompter

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ces Sauvages montagnards, après les avoir forcés jusque dans leurs retraites les plus profondes. Des deux Princes qui les gouvernoient, l'un périt dans le cours de cette nasion Chinoife. guerre, l'autre fut pris & conduit à Pe-king avec toute fa famille. Cette conquête fut terminée en 1776 (*).

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Les Miao-fé, pour défendre leur pays & leur liberté, montrerent tout ce qu'on peut attendre de la valeur humaine: les femmes elles-mêmes combattirent avec acharnement. On raconte le trait fuivant d'une de ces courageufes patriotes. Depuis plus de deux mois, on employoit la force & la ruse pour s'emparer d'un petit fort, bâti fur un roc très-élevé mais toutes les tentatives des affiégeans reftoient fans fuccès. Un jour, de grand matin, quelques foldats qui étoient de garde, ayant entendu quelque bruit, tel que feroit celui que fait une perfonne qui s'obferve en marchant, s'approcherent doucement. Ils crurent appercevoir quelque chofe en mouvement. Deux ou trois des plus leftes, à l'aide de crampons de fer attachés à leurs fouliers, grimperent de ce côté-là: ils découvrirent une femme qui puifoit de l'eau; ils l'arrêterent. Elle fut fommée de déclarer quels étoient ceux qui s'obstinoient depuis fi long-temps à défendre le fort; elle répondit: C'est moi; je manquois d'eau, je fuis venue en chercher ici avant le jour, & je ne comptois nullement vous y rencontrer. Elle leur découvrit alors un fentier caché, par lequel elle les conduifit jufque dans le fort où elle étoit reftée feule, & dont elle

(*) Il n'est pas de notre objet de faire ici l'Hiftoire de cette guerre: ceux qui voudront en connoître les détails, peuvent recourir au tome XIe de l'Histoire générale de la Chine, page 588, & aux nouveaux Mémoires fur les Chinois,

tome V.

compofoit réellement toute la garnison, tantôt tirant Autres Peuples quelques coups de fufil, tantôt détachant des morceaux de rochers, qu'elle précipitoit fur les troupes qui s'efforçoient inutilement de grimper.

foumis à la domination Chinoife.

L'ifle Taï-ouan ou Formofe.

IL eft affez étonnant que les Chinois aient connu fi tard l'ifle Formofe, qui eft, pour ainfi dire, à leurs portes, n'étant éloignée des côtes de la province de Fo-kien, que d'environ trente lieues : ce n'eft que depuis l'an 1430 qu'ils favent qu'elle exifte. Cette ifle, fituée entre le 22° degré 8', & le 25° 20' de latitude feptentrionale, peut avoir quatre-vingt-cinq lieues communes de long, fur vingtcinq de large. Une longue chaîne de montagnes la divise du nord au fud en deux parties, l'une orientale, l'autre occidentale. Les Hollandois formerent un établissement dans la partie occidentale, en 1634, & bâtirent le fort de Zélande, qui leur affuroit le principal port de l'isle ; mais ils en furent chaffés, en 1659 ou 1661, par un fameux Pirate Chinois, qui fe rendit maître de toute la partie occidentale, laquelle fe foumit enfin, en 1682, à l'autorité de Kang-hi, Empereur de la Chine.

Cette partie occidentale de Formofe fe partage en trois Gouvernemens particuliers, fubordonnés au Gouverneur de Taï-ouan, capitale de l'ifle. Ce dernier Gouverneur est foumis lui-même au Vice-Roi de la province de Fo-kien. La ville capitale eft grande, fort peuplée, & très-commerçante. Elle peut être comparée aux cités du premier ordre de la Chine. On y trouve abondamment tout ce qu'on peut défirer, foit des productions naturelles de l'ifle, comme le riz, le fucre, le tabac, le fel, la viande de cerf

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boucanée, des fruits de toute efpece; quantité d'herbes médicinales; des toiles de coton, de chanvre, d'écorce foumis à la domide certains arbres; foit des marchandifes étrangeres qu'on nation Chinoise. y apporte, comme toiles de la Chine & des Indes, foieries, vernis, porcelaine, différens ouvrages d'Europe, &c. La plupart des rues font tirées au cordeau, & toutes font couvertes pendant fept à huit mois de l'année, pour tempérer la trop grande ardeur du foleil. Ces rues font larges de trente ou quarante pieds, & plufieurs ont près d'une lieue de longueur. Elles font prefque toutes bordées de maisons marchandes, & de boutiques ornées de foieries, de porcelaines, d'ouvrages en vernis, & autres marchandises, toutes rangées avec beaucoup d'ordre & de fimétrie; on les prendroit pour autant de galeries également décorées, & l'on s'y promeneroit avec plaisir, fi la foule y étoit moins grande, & le pavé moins défectueux. La plus grande partie des maisons font conftruites de terre & de bambous, & n'ont qu'une fimple toiture de paille; mais les toiles dont les rues font couvertes, ne laiffent ne laiffent appercevoir que les boutiques. On n'y voit qu'une feule belle maison; c'est celle que les Hollandois y bâtirent, lorfqu'ils étoient maîtres de l'ifle: elle confifte en un grand corps de logis à trois étages, défendu par quatre demi-baftions. Cette capitale n'a ni murs ni fortifications: fon port eft affez bon, & met les vaiffeaux à l'abri de tous les vents; mais l'entrée en devient de jour en jour plus difficile. Ce port avoit autrefois deux entrées; l'une appelée Ta-kiang, où les plus gros vaiffeaux fe trouvoient à flot; l'autre, qu'on nomme Loulh-men, dont le fond eft de roche, & qui n'a que neuf à dix pieds d'eau dans les plus hautes marées. Le

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premier de ces paffages eft devenu impraticable; on n'y Autres Peuples trouve quelquefois que quatre à cinq pieds d'eau, & nation Chinoife. jamais au delà de fept à huit pieds. Les fables que la mer y charie, acheveront de le combler. C'est à l'entrée de cette paffe que les Hollandois avoient bâti le fort de Zélande, qui devient inutile depuis que les gros vaiffeaux ne peuvent plus y aborder.

La partie de Formofe que poffedent les Chinois, offre de vaftes & de fertiles campagnes, arrofées par un grand nombre de petites rivieres qui tombent des montagnes de l'eft. L'air en eft pur & fain, & la terre y produit en abondance le blé, le riz, & la plupart des autres grains,

On y trouve prefque tous les fruits des Indes, des oranges, des bananes, des ananas, de goyaves, des papayas, des cocos; & une partie de ceux d'Europe, tels que des pêches, des abricots, des figues, des raisins, des châtaignes, des grenades, des melons d'eau, &c. On y recueille du tabac, du sucre, du poivre, du camphre & du cinnamome. Mais les chevaux, les moutons & les chevres font très-rares dans cette ifle; on y trouve même peu de cochons, quoique ces animaux foient très-communs à la Chine. Les volailles domestiques, telles que les poules, les oies, les canards, y font en grand nombre; on y voit quelques faifans; les finges & les cerfs s'y font tellement multipliés, qu'ils errent par troupeaux dans les campagnes, Les habitans de Formofe nourriffent une grande quantité de bœufs, dont ils fe fervent comme de monture, faute de chevaux & de mulets; on les dreffe de bonne heure à ce genre de service, & l'on parvient à leur faire aller le pas auffi bien & auffi vîte qu'aux meilleurs chevaux. Ces

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