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De la Corée.

le riz & le gin feng. On y fabrique des pinceaux de poil de queue de loup, fort eftimés à la Chine; on y trouvę de l'or, de l'argent, du fer, du fel foffile, des peaux de martre & de caftor, & un vernis jaune, dont l'éclat imite celui de la dorure. L'arbre duquel distille cette gomme, reffemble au palmier.

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La Chine exporte chaque année une quantité considérable de papier de Corée. Il est fait de coton, eft auffi fort que la toile, & l'on écrit deffus avec le pinceau. Si l'on vouloit écrire fur ce papier avec nos plumes d'Europe, il faudroit y paffer légérement de l'eau d'alun : fans cette précaution, l'écriture feroit baveuse.

C'eft en partie avec ce papier que les Coréens payent le tribut qu'ils doivent à l'Empereur; ils en fournissent chaque année le palais. Les Chinois ne l'achetent point pour écrire, mais pour en faire les châffis de leurs fenêtres, parce qu'étant huilé, il réfifte mieux au vent & à la pluie que le leur. On s'en fert également pour faire de groffes enveloppes. Il eft auffi d'ufage pour les Tailleurs d'habits; ils le manient & le froiffent entre leurs mains, jufqu'à ce qu'il foit auffi doux & auffi flexible que la toile la plus fine. Ils s'en fervent même en guise de coton, pour fourrer les habits. Ce que ce papier a de plus fingulier, c'est que s'il eft trop épais pour l'usage qu'on veut en faire, on peut aifément le divifer en deux ou trois feuilles, & ces feuilles font encore plus fortes & plus difficiles à rompre, que le meilleur papier de la Chine.

Les côtes de la Corée font fort poiffonneufes; on y trouve chaque année, vers le nord - eft, une grande. quantité de baleines, dont plufieurs, dit-on, portent

encore les crocs & les harpons des François & des Hollandois, à qui elles ont échappé aux extrémités feptentrionales de l'Europe: ce qui fembleroit devoir faire préfumer qu'il existe au nord de l'Amérique un paffage pour se rendre dans ces mers.

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Nous avons dit que le Roi de Corée eft non feulement obligé de recevoir de l'Empereur de la Chine l'inveftiture de fes Etats, mais que fon époufe même ne peut prendre le titre de Reine, fans en avoir obtenu l'agrément de la Cour de Pe-king. On trouvera cet ufage & ces droits bien établis dans la Requête fuivante, présentée, en 1694, par le Roi de Corée à l'Empereur Kang-hi. Cette Requête finguliere nous paroît mériter d'être rapportée.

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» Moi, votre Sujet, je fuis un homme dont la deftinée » eft peu fortunée j'ai été long-temps fans avoir de » fucceffeur; enfin j'ai un enfant mâle d'une concubine. Sa » naissance m'a caufé une joie incroyable ; j'ai pris auffi-tôt » la résolution d'élever la mere qui l'a engendré mais je fis en cela une faute, qui a été la fource de plufieurs foupçons. J'obligeai la Reine, mon épouse, de se >> retirer dans une maifon particuliere, & je fis ma » seconde femme Reine en fa place. J'informai alors en » détail Votre Majefté de cette affaire. Maintenant je fais » réflexion que mon époufe a reçu les Patentes de création » de Votre Majefté, qu'elle a gouverné ma maison, qu'elle » m'a aidé aux facrifices, qu'elle a fervi la Reine ma » bifaïeule & la Reine ma mere, qu'elle a porté le » deuil de trois ans avec moi. Suivant les loix de la » Nature & de l'équité, je devois la traiter avec honneur;

De la Corée.

De la Corée.

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» mais je me fuis laiffé emporter à mon imprudence. Après que la chofe fut faite, j'en eus un extrême » regret. Maintenant, pour me conformer aux défirs des Peuples de mon royaume, j'ai deffein de rendre à » mon épouse la dignité de Reine, & de remettre ma » concubine dans fon premier état; par ce moyen-là, le » gouvernement de la famille fera dans l'ordre, & le fondement des bonnes mœurs & de la converfion de » tout un Etat sera rectifié.

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» Moi, votre Sujet, quoique je déshonore, par mon ignorance & ma stupidité, le titre que j'ai hérité de » mes ancêtres, il y a pourtant vingt ans que je sers » Votre Majesté suprême ; & je dois tout ce que je suis » à fes bienfaits, qui me couvrent & me protégent » comme le Ciel. Il n'y a aucune affaire, foit domestique » ou publique, de quelque nature qu'elle foit, que j'ose » lui cacher : c'est ce qui me donne la hardiesse d'impor» tuner deux ou trois fois Votre Majesté sur cette affaire. » A la vérité, je fuis honteux de passer ainsi les bornes » du devoir; mais comme c'est une affaire qui touche » l'ordre qui doit se garder dans la famille, & qu'il s'agit » de faire entendre les défirs du Peuple, la raison veut » que je le fasse savoir avec respect à Votre Majesté.

L'Empereur répondit à cette Requête par cet Edit: Que la Cour, à qui il appartient, délibere & m'avertiffe.

L'examen de cette affaire appartenoit à la Cour des Rits elle conclut que la demande du Roi de Corée devoit être accordée, & ce jugement fut ratifié par l'Empereur. En conféquence, plufieurs de fes Officiers porterent à la Reine des habits magnifiques, fes Lettres de réhabilitation

réhabilitation, & tout ce qui étoit néceffaire pour la
rétablir dans fon premier rang,
ordinaires.

avec les formalités

L'année fuivante, ce même Roi de Corée envoya un autre Mémorial à Kang-hi, qui, après l'avoir lu, porta cet Edit:

» J'ai vu le compliment du Roi je le fais; que la » Cour à qui il appartient le fache. Les termes de ce » Placet ne font pas convenables, on y manque au respect : j'ordonne qu'on examine, qu'on délibere, & » qu'on m'avertisse «.

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D'après cet ordre, le Li-pou, ou Tribunal des Rits, condamna le Roi de Corée à une amende de dix mille onces Chinoises d'argent, & à être privé pendant trois ans des préfens qu'on lui accorde chaque année, lorsqu'il envoie payer fon tribut.

Je terminerai cet article par une obfervation qui tient à l'Histoire naturelle de la Chine, & qui femble fournir une nouvelle preuve des révolutions qu'a fucceffivement éprouvées la furface de notre globe. On lit dans un Livre Chinois, intitulé Quang-yu-ki, que l'ancienne ville où Kipé, Roi de Corée, avoit établi fa Cour, étoit bâtie dans un lieu qui fait aujourd'hui partie du territoire de Yong-ping-fou, ville du premier ordre de la province de Pe-tche-li. Si l'on admet ce fait comme certain, il femble qu'on doit en conclure que ce territoire étoit alors de la dépendance de la Corée, & que le golfe de Leao - tong, qui fépare aujourd'hui ce royaume de la province de Pe-tche-li, n'exiftoit pas encore, & ne s'eft formé que dans la fuite; car il n'eft pas probable qu'un Souverain eût voulu placer fa Cour hors de fes

A a

De la Corée.

De la Corée,

Etats, ni dans un lieu où il en eût été féparé par une mer d'un trajet étendu.

Cette conjecture ne paroîtra point deftituée de vraifemblance, fi on l'appuie de quelques autres faits qui paffent pour conftans parmi les Chinois. Lorfque Yu, furnommé le Grand, entreprit de conduire & de diriger les eaux qui avoient inondé le plat pays de plufieurs provinces, fous les regnes de Chun & de Yao, il commença par la riviere de Hoang-ho, dont les débordemens caufoient plus de ravages. Il alla la rechercher jufque dans le fond de la Tartarie, d'où il dirigea fon cours à travers les provinces de Chan-fi, de Chen-fi, de Ho-nan & de Pe-tche-li. Vers fon embouchure, pour affaiblir la rapidité de fes eaux, il les partagea en neuf canaux canaux, par lefquels il contraignit ce fleuve de se jeter dans la mer orientale, près du mont Kie-che-chan, qui formoit alors un pro

montoire.

Depuis l'u jufqu'à nos jours, c'est-à-dire, dans l'espace d'environ 3950 ans, le fleuve Hoang-ho s'eft tellement écarté de fon ancien cours, que fon embouchure se trouve aujourd'hui de fix degrés plus avancée vers le midi. Ilfe déchargeoit autrefois dans la mer, fous le 40° degré de latitude; il s'y jette aujourd'hui à la hauteur d'environ 34 degrés. On doit remarquer encore que la montagne Kie-che-chan, qui tenoit autrefois à la terre ferme de Yong-ping-fou, fe trouve actuellement à cinq cents lys, ou cinquante lieues en mer, au midi de cette ville. Si la mer a pu couvrir de fes eaux cette étendue de terrein, qui fait aujourd'hui partie du golfe de Leao-tong, ne nous eft-il pas permis de conjecturer que de pareils déborde

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