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commencement du XVIe fiecle. Alors un Sujet ambitieux

Du Tong-king ofa s'annoncer comme iffu de la famille royale Tchin; il parvint à foulever les peuples, fit affaffiner le Prince régnant, & ufurpa l'autorité fouveraine. Cette révolution fut rapidement fuivie d'une autre: un des Grands de la Cour, nommé Mo-teng-yong, attaqua l'ufurpateur, lui livra bataille, défit entiérement fon armée, &, de concert avec les autres Grands de l'Etat, fit proclamer Roi le neveu du Prince affaffiné.

Ce fervice étoit un des plus fignalés qu'un Sujet pût rendre à fon Maître; mais le nouveau Roi pouffa trop loin sa reconnoissance. Il eut l'imprudence d'accorder à Moteng-yong l'autorité la plus entiere & la plus abfolue dans le gouvernement de l'Etat. Cet excès de puissance enfla le cœur du Miniftre, & lui fit naître le défir de devenir le feul Souverain. Bientôt il leva le mafque, & prit ouvertement le titre de Prince. Le foible Roi, accompagné de fa mere, fe retira dans la partie occidentale du Tongking, où il se fortifia; toute la partie orientale se soumit à l'autorité de l'ufurpateur. Le premier foin du Souverain légitime, fut d'envoyer des députés à la Cour de la Chine; mais Mo-teng-yong entretenoit des efpions fur la frontiere, &, par fon activité & fes intrigues, les députés de Ly-ning furent arrêtés en chemin ; quelques-uns même furent mis à mort.

Cependant, en 1537, un de ces députés fut affez heureux pour parvenir jufqu'à la Cour; l'Empereur apprit par la Requête du Prince Ly-ning tous les événemens arrivés au Tong-king. Il nomma fur le champ quelques Grands pour fe rendre fur les frontieres, & s'y informer

de

de la véritable caufe des troubles dont il commençoit à être inftruit. De fon côté, Mo-teng-yong ne reftoit pas dans l'inaction; il envoya auffi des députés à l'Empereur.. & n'épargna rien pour fe procurer des protecteurs dans cette Cour. Il en trouva de fi puissans, qu'ils déterminerent l'Empereur à faire examiner ce qui lui étoit proposé de fa & à le traiter avec douceur.

part,

En 1540, les Commiffaires Chinois arriverent fur les frontieres du Tong-king. Mo-teng-yong leur députa un de fes fils, accompagné de quarante-deux de fes principaux Mandarins. Ils préfenterent l'acte par lequel Moteng-yong & fon fils fe foumettoient aux ordres de l'Empereur, & fe déclaroient fes fideles Sujets. Les Commiffaires lurent à haute voix le refcrit de Sa Majesté, qui leur accordoit l'amnistie & le pouvoir de conferver les Etats qu'ils poffédoient actuellement, à condition de payer, de trois ans en trois ans, un tribut déterminé. Le refcrit portoit, que déformais le Tong-king ne feroit plus appelé Royaume; mais qu'il auroit le titre de Seigneurie héréditaire, dépendante de l'Empereur. On accorda à Mo-teng-yong & à fon fils le titre de Seigneur héréditaire du Tong-king, & un fceau d'argent. Le même titre & les mêmes honneurs furent décernés au Prince Ly-ning, pour les Etats qu'il poffédoit. Les Commiffaires renvoyerent enfuite le fils de Mo-teng-yong & les quarante-d deux Mandarins, qui avoient écouté à genoux les ordres de l'Empereur.

Mo teng yong mourut en 1542. Son petit-fils lui fuccéda, & obtint la Patente Impériale de Gouverneur & Seigneur héréditaire du Tong-king. Mais après la mort de MoB b

Du Tong-king.

teng yong, la division se mit dans la famille de Mo. Ses Du Tong-king. Etats fe partagerent entre plufieurs Chefs, qui se firent

une guerre fi vive, & s'affoiblirent tellement les uns les autres, qu'en 1577 cette famille fe trouva entiérement déchue de fa premiere puissance.

La famille de Ly fut plus heureuse, & fur profiter adroitement de ces divifions. Le chef de cette famille attaqua, en 1591, le plus puiffant Seigneur de Mo, le vainquit dans une bataille, reprit la capitale du Tong-king, & rentra dans les meilleures places, qui avoient été ufurpées fur la famille de Ly. En 1597, il se vit maître de tout le royaume : il paya fon tribut à l'Empereur, offrit une ftatue d'or, & reçut fa Patente de Gouverneur héréditaire. A fa Cour, il vivoit avec la magnificence des Rois. Les Seigneurs de Mo furent obligés, à cette époque, de chercher une retraite fur les frontieres des provinces Chinoifes d'Yunnan, de Quang-fi, de Canton. Là, ils fe trouverent réduits à ne poffèder que la ville de Koa-ping & fon territoire. Cependant, à la Cour de l'Empereur, leur famille avoit le même rang que celle des Ly.

Depuis la révolution qui mit, en 1644, les Tartares fur le trône de la Chine, on fait qu'un Seigneur de Mo préfenta fon hommage & fon tribut au nouvel Empereur, & qu'on lui fit expédier la Patente de Gouverneur héréditaire, laquelle, n'étant arrivée qu'après fa mort, fut remise. à fon fils. Mais on ignore s'il existe encore aujourd'hui à Koa-ping des descendans de cette famille, & s'ils continuent de jouir des priviléges & des honneurs accordés à leurs ancêtres.

La famille de Ly s'eft foutenu, au contraire, dans tout

fon éclat. En 1661, le Vice - Roi de la province de Quang-fi affura la Cour de Pe-king, que Ly-ouei-ki, chef Du Tong-king. & héritier de cette famille, se comportoit en fidele Sujet de l'Empire; & cinq ans après, le Tribunal des Rits représenta à l'Empereur Kang-hi, que la famille de Ly étoit digne des graces de Sa Majesté. Cet Empereur resta quelques années fans rien faire à cet égard; mais en 1683, il envoya un Grand à la Cour de Tong-king, chargé d'un Diplome qui déclaroit Roi le Prince Ly-ouei-tching. A ce Diplome, l'Empereur ajouta des caracteres Chinois, écrits de fa main, à la louange du Prince. En 1725, l'Empereur Yong-tching, fils de Kang-hi, écrivit auffi quatre caracteres Chinois à la louange du Roi Ly-ouei-tao, qui avoit demandé l'investiture & envoyé fon tribut. La même famille de Ly occupe encore aujourd'hui le trône du Tongking.

Ce royaume s'étend entre le 17 & le 23° degré de latitude. Il est borné au nord par les provinces Chinoises d'Yun-nan & de Quang-fi; à l'orient, par la province de Canton & la mer; au fud, par la mer & la Cochinchine; & à l'occident, par les terres de Laos. Tongtou eft fa capitale. Le Tong king fe divife en huit provinces, chacune defquelles a fon Gouverneur & ses Magistrats; mais on peut appeler de leurs Sentences à la Cour, où font entretenus cent Confeillers d'Etat, pour juger de toutes les appellations du royaume, outre les trente-deux Confeillers du Confeil Royal, qui accompagnent le Roi dans fes audiences publiques. Les aînés ne fuccedent pas toujours au trône; le Roi nomme celui de fes fils qu'il a choifi pour être fon fucceffeur. Les

autres freres du Prince défigné demeurent enfermés dans Du Tong-king. le palais, d'où ils ne fortent que quatre fois l'an. Chaque fois qu'ils ont cette liberté, on leur accorde fix jours pour prendre le divertissement de la chaffe ou de la promenade. La garde du Roi de Tong-king est ordinairement compofée de deux mille foldats, & il en entretient environ vingt mille fur les frontieres, avec cinquante éléphans armés pour la guerre. Sur toutes les rivieres du royaume, par où l'ennemi pourroit faire quelque invasion, il tient toujours cent groffes galeres, avec une grande quantité de petites galiotes, dont les Rameurs rament debout, & le visage tourné vers la proue, d'où le Capitaine regle leurs mouvemens par ceux d'une baguette qu'il tient à la main.

Les Tong-kinois font adroits, robuftes, & bien faits; leur naturel est affez franc, quoique parmi eux une tromperie, faite avec adreffe, paffe ordinairement pour un trait de prudence & d'habileté. Ils font généreux, mais leur générofité ne fe regle que fur leur intérêt; & quand ils n'ont rien à espérer, ils ne fe déterminent que difficilement à donner : dans ces fortes d'occafions, ils ont un grand foin de cacher ce qu'ils ont, pour n'être pas importunés. En général, ils font prodigues dans les dépenfes d'éclat, comme dans leurs fêtes, leurs alliances, leurs enterremens. Ils n'aiment point les Européens, & leur plus grande fatisfaction eft de pouvoir en faire des dupes. Les Tong-kinois ont le nez moins épaté, & le vifage moins plat que les Chinois; leur teint eft olivâtre; ils. noirciffent leurs dents, laiffent croître leurs ongles, &. portent leurs cheveux auffi longs qu'ils peuvent le devenir. Le Peuple eft efclave une partie de l'année; car, à la réferve des Bourgeois de la capitale, tous les gens de métier,

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