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Menuifiers, Serruriers, Maçons & autres, font obligés de travailler pendant trois mois pour la maison du Roi; & pendant deux autres, pour les Mandarins ou Grands Seigneurs. Ils jouiffent du refte de l'année, & travaillent pour ceux qui les payent. Les mariages ne fe contractent point fans le confentement du Gouverneur ou Juge du lieu. Le lendemain des noces, le mari appelle fa femme, fa fœur ; & la femme appelle fon mari, fon frere. La pluralité des femmes eft permise au Tong-king, mais la plus qualifiée prend feule le titre d'épouse. La loi permet le divorce aux hommes, & le refufe aux femmes; leś enfans reftent au mari qui répudie. Le divertiffement favori des Tong- kinois eft la Comédie, qu'ils jouent ordinairement de nuit, & qu'ils accompagnent de quantité de machines & de décorations. Ils excellent fur-tout dans la représentation des torrens, des rivieres, de la mer, des tempêtes, & des combats de vaiffeaux.

La science, au Tong-king comme à la Chine, confifte principalement dans la connoiffance d'un grand nombre de caracteres, & dans l'étude des principes & des regles de la Morale, qu'ils puifent dans les Livres de Confucius. Les Tong-kinois s'appliquent aux Lettres par ambition, parce quelles leur ouvrent la carriere des honneurs, & que ce n'est que par elles qu'on parvient aux charges & aux premieres places. Les Lettrés paffent par trois degrés, qui font celui de Sinde, celui de Doucum, & celui de Tanfi. Avant que de parvenir au premier degré, les jeunes gens doivent s'appliquer huit ans entiers à s'inftruire de tout ce qui concerne les profeffions de Notaire, de Procureur & d'Avocat.. Au bout des huit ans, ils font:

Du Tong-king.

Du Tong-king.

examinés fur les devoirs de ces charges; & s'ils font trouvés fuffisamment inftruits, le Roi leur permet de prendre le titre de Sindes. Pour obtenir celui de Doucum

faut qu'ils étudient pendant cinq ans l'Aftrologie, la Musique & la Poéfie, & qu'ils apprennent à conftruire tous les inftrumens de Mathématiques. Après ces treize années d'études, il faut en employer encore quatre autres à apprendre à lire & à écrire les caracteres Chinois, & à s'inftruire des Loix & des Coutumes de ce Peuple. Le dernier examen fe fait en présence du Roi, des Princes, des Mandarins d'armes & de Lettres, & de tous les Tanfis. Le nombre des Afpirans monte quelquefois jufqu'à trois mille. On dreffe dans la grande place du palais, neuf échafauds en amphithéatres, dont l'un eft pour le Roi & les Princes, & les huit autres pour les Examinateurs & les Prétendans. Huit jours entiers font employés à ce grand exercice. Le dernier jour, on met les noms de ceux qui ont fatisfait par leurs réponses, entre les mains des seize premiers Mandarins; & après en avoir obtenu l'agrément du Roi, on les revêt d'une robe de fatin violet, & on leur confere le titre de Tanfis. L'Etat affigne à ces Lettrés du premier ordre, des rentes fur un certain nombre de bourgs & de villages; & lorfqu'il s'agit d'envoyer des Ambaffadeurs, c'est toujours parmi eux qu'on les choifit..

Une Lettre manufcrite du P. Horta, que nous avons eue entre les mains (*), fournit des détails intéreffans fur le cérémonial qu'obfervent les Tong-kinois dans leurs vifites & dans leurs feftins. Celui qui rend la vifite, s'arrête à la porte, & donne au Portier un cahier de huit à dix

(*) Elle a été imprimée dans le XXIX Recueil des Lettres édifiantes.

pages, dans lequel il a écrit, en gros caracteres, fon

nom,

fes titres, & le motif de fa vifite. Ce cahier eft Du Tong-king. de papier blanc, & recouvert de papier rouge : les Tongkinois en ont de plufieurs fortes & de différentes couleurs, felon le rang & la qualité des perfonnes qu'ils vifitent. Si le Maître de la maison eft abfent, on laisse & on recommande le cahier au Portier, & la visite est censée faite & reçue. Un Magiftrat, dans les vifites qu'il rend, doit être revêtu de la robe de cérémonie qui est affectée à fon emploi. Ceux qui n'ont aucune charge publique, mais qui jouiffent de quelque confidération parmi le Peuple, ont auffi des habits particuliers pour les vifites, & ils ne peuvent fe se dispenser de les mettre, fans manquer aux regles établies de la civilité.

Le Tong-kineis qui eft l'objet de la visite, va recevoir à la porte celui qui la rend. Ils joignent tous deux les mains en s'abordant, & fe font quantité de politeffes muettes. Le Maître de la maison invite l'autre à entrer, en lui montrant la porte. S'il fe rencontre plufieurs perfonnes dans la falle, celle qui eft la plus diftinguée, ou par fon âge, ou par fa dignité, occupe la place d'honneur, mais elle la cede toujours au nouveau venu. La premiere place eft celle qui fe trouve la plus voifine de la porte; ce qui eft directement oppofé à nos usages. Dès que chacun eft affis, celui qui rend la vifite expofe de nouveau le motif, qui l'amene le Maître de la maison l'écoute gravement, & s'incline de temps en temps, felon qu'il eft marqué dans le cérémonial. Enfuite les domestiques, vêtus d'un habit de cérémonie, apportent une table triangulaire, fur laquelle ils fervent deux fois autant de taffes de thé qu'il

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y a de personnes; au milieu fe trouvent deux boîtes de Du Tong-king. bétel, des pipes, & du tabac.

Lorsque la vifite eft finie, le Maître de la maison reconduit fon Hôte jufqu'au milieu de la rue; & là recommencent les révérences, les inclinations, les élévations de mains, & les complimens. Enfin, quand l'étranger eft parti, & qu'il eft déjà un peu loin, le Maître de la maifon lui envoie un valet pour lui faire un nouveau compliment de fa part; & quelque temps après, celui-ci en envoie un à son tour pour le remercier: ainfi se termine la vifite.

Ce n'est pas feulement dans les visites qu'on affiche cette politeffe gênante, elle éclate encore dans toutes les actions qui ont quelque rapport à la fociété. Les Tong-kinois mangent fort fouvent ensemble, & c'est pendant ces repas qu'ils traitent ordinairement de leurs affaires. Ils fe fervent, au lieu de fourchettes, de certains petits bâtons d'ivoire ou d'ébene, dont les extrémités font garnies d'or ou d'argent. Ils ne touchent jamais rien avec les doigts, & de là vient qu'ils ne fe lavent jamais les mains, ni avant ni après les repas. On ne peut mieux comparer les Tong-kinois à table, qu'aux Muficiens d'un orchestre: il femble qu'ils mangent en cadence & à temps mesurés, & que le mouvement de leurs mains & de leurs mâchoires dépende de quelques regles particulieres.

Ils ne fe fervent point de ferviettes; leurs tables font nues & fans napes; elles font feulement entourées de longs tapis brodés, qui pendent jusqu'à terre. Chacun a sa table, à moins que le grand nombre de convives ne les oblige à s'affeoir deux à la même. On les fert toutes

également

également & en même temps, & on les couvre de petits plats; car les Tong-kinois préferent la variété des mets à une abondance faftidieuse & fuperflue.

Voici le cérémonial ufité dans ces feftins. Celui qui veut inviter quelqu'un, lui envoie la veille un petit cahier d'invitation, où fe trouve l'ordonnance du repas. Le P. Horta dit en avoir vu un qui étoit conçu en ces termes : Chaoting a préparé un repas de quelques herbes, a nettoyé fes verres, & rendu fa maison propre, afin que Se-tong viennent le récréer par les charmes de fa converfation & par l'éloquence de fa doctrine; & il le prie de lui accorder cette divine fatisfaction. Sur la premiere feuille du papier on écrit, en forme d'adresse, le nom le plus honorable de celui qu'on invite, & on lui donne les titres convenables au rang qu'il occupe. On observe les mêmes formalités avec tous les convives qu'on a dessein d'inviter.

Le jour marqué pour le feftin, le Maître de la maison envoie dès le matin un cahier semblable au premier, pour rappeler aux convives la priere qu'il leur a faite. Vers l'heure du repas, repas, il leur envoie un troisieme cahier, & un ferviteur chargé de les accompagner, & de leur marquer l'impatience qu'il a de les voir. Lorfque les convives font arrivés, & qu'on eft fur le point de fe mettre à table, le Maître de la maifon prend une coupe d'or ou d'argent, & l'élevant avec les deux mains, il falue celui des conviés qui tient le premier rang par fon emploi ; il fort enfuite de la falle, & va dans la cour, où, après s'être tourné vers le midi, & avoir offert le vin aux Esprits tutélaires de la maison, il le verse en forme de libation. Après cette cérémonie, chacun s'approche de la table qui

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Du Tong-king.

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