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lui est destinée. Les convives, avant de s'affeoir, paffent plus

Du Tong-king. d'une heure à fe faire des complimens; & le Maître de la maison n'a pas plus tôt fini avec l'un, qu'il recommence avec l'autre. S'agit-il de boire? nouveaux complimens. Le convive le plus diftingué boit le premier; les autres boivent enfuite, & tous faluent le Maître de la maison. Quoique leurs taffes foient fort petites, & qu'elles n'aient pas plus de profondeur que la coquille d'une noix, cependant ils boivent beaucoup, mais lentement & à plufieurs reprises. Lorsque leurs fronts font déridés, ils agitent différentes queftions. Ils ont auffi de petits jeux, où celui qui perd est condamné à boire.

Il arrive fouvent qu'on joue de petites Comédies durant le repas; ce divertissement est mêlé de la plus effroyable mufique qu'on puiffe entendre. Les inftrumens font des baffins d'airain ou d'acier, dont le fon eft dur & perçant; un tambour, fait de peaux de buffle, qu'ils battent tantôt avec le pied, tantôt avec des bâtons; & enfin des flûtes dont le fon est plus lugubre que touchant. Les voix des Musiciens ont à peu près la même harmonie. Les Acteurs de ces Comédies domeftiques, font de jeunes garçons depuis l'âge de douze à quinze ans. Leurs conducteursles menent de provinces en provinces, & on les regarde par-tout comme la lie du peuple. La mémoire de ces enfans est surprenante; ils favent par cœur jusqu'à quarante & cinquante Comédies, dont la plus courte dure ordinairement cinq heures. Ils traînent leur théatre par-tout où ils font appelés; ils préfentent le volume de leurs Comédies, & auffi-tôt qu'on a choifi la Piece qu'on veut voir, ils la jouent fur le champ fans autre préparation.

Vers le milieu du feftin, un des Comédiens fait le tour

des tables, & demande à chacun quelque petite récom- Du Tong-king.

pense. Les valets de la maison font la même chose, & portent au Maître de la maison l'argent qu'ils ont reçu. On étale enfuite aux yeux des conviés un nouveau repas qui eft destiné pour leurs domeftiques.

La fin de ces fortes de feftins répond au commencement. Les convives louent en détail l'excellence des mets, la politeffe & la générofité de leur hôte; celui-ci s'humilie, & leur demande pardon, en s'inclinant profondément, de ne les avoir pas traités felon leur mérite.

Les Médecins Tong - kinois prétendent découvrir les causes de la plupart des maladies par le feul battement du pouls, qu'ils tâtent en trois endroits de chaque côté du corps. Par le pouls du poignet droit, ils connoiffent ce qui regarde le poumon; par celui des veines où nous nous faifons faigner, ils jugent de l'état du bas-ventre, & par celui de la tempe, ce qui concerne les reins. Le pouls du poignet gauche leur marque la difpofition du cœur; celui du milieu du bras, ce qui se passe au foie; enfin celui de la tempe gauche leur donne encore de nouvelles indications fur les maladies des reins.

Ces Médecins n'emploient ordinairement que des fimples & des racines pour la compofition de leurs remedes. Cependant, quand il est question de migraines, de fievre chaude, de dyffenterie, ils ordonnent communément le fuc d'un certain fruit, qu'on dit être d'une efficacité admirable dans le traitement de ces fortes de maladies. Ce fruit reffemble à une grenade, & s'appelle Miengou; l'arbre qui le porte croît communément dans les haies, & s'éleve à la hauteur du

figuier, dont il a la figure. Son bois eft tendre & moelleux, Du Tong-king fes branches flexibles & déliées, les feuilles prefque rondes

& d'un vert naissant. Pendant les temps humides, il en découle un fuc âcre & laiteux, que les paysans recueillent avec beaucoup de foin dans de petits vafes de porcelaine, où il fe durcit à la longue. Quant au fruit, il reffemble, comme on l'a dit, à une grenade; cependant il s'amincit & s'alonge vers fa queue, qui eft longue, dure, & difficile à rompre. Lorfqu'il eft parvenu à un certain degré de maturité, on le cueille, & l'on en fait une espece de cidre, fans aucun mélange d'eau. Cette liqueur fe conserve parfaitement bien, & l'on en ufe avec fuccès dans les maladies caufées par une trop grande chaleur.

Le pourpre est une maladie très-dangereuse en Europe; au Tong-king peu de personnes en meurent. Voici la maniere dont les Tong-kinois la traitent. Ils prennent une moëlle de jonc, la trempent dans l'huile, l'allument & l'appliquent fucceffivement fur toutes les marques du pourpre; la chair fe fend alors avec un bruit pareil à celui d'une petite fufée; auffi-tôt on en exprime le fang corrompu, & l'on finit par frotter les plaies avec un peu de gingembre. Ce remede doit être fort douloureux mais on affure que fon efficacité est certaine.

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Les morfures de ferpens font fort communes au Tongking; mais il eft facile d'en guérir. On y trouve une petite pierre, semblable à une châtaigne, dont la vertu tient prefque du miracle; on la nomme pierre de ferpent. Quand on a été mordu de quelque reptile venimeux on exprime le fang de la plaie, & l'on y applique cette pierre bienfaifante. Elle s'attache d'abord à la blessure; peu à peu elle en attire le poison. Lorsqu'elle en eft im

prégnée, elle tombe, & on la lave dans du lait ou dans de l'eau, où l'on a soin de délayer de la chaux; puis on l'applique de nouveau fur la plaie, d'où elle fe détache encore d'elle-même, après en avoir afpiré tout le venin. En moins d'une heure, le malade fe trouve fans fievre & fans douleur.

Les faignées ne font prefque point en usage au Tong-king; elles y font la derniere reffource de l'Art, & l'on n'y a jamais recours qu'après s'être bien affuré de l'inefficacité des autres remedes. Peut-être les Tong-kinois ne doiventils pas avoir un besoin si fréquent de la faignée, que les Européens; leur fang eft naturellement plus pur, leur nourriture plus faine, leurs exercices plus violens & plus multipliés; ils font en même temps un fi grand usage d'herbes & de racines, qu'ils font beaucoup moins fujets aux maladies qu'occafionnent en Europe l'abondance & la corruption des humeurs. D'ailleurs, quand les Tongkinois se sentent oppreffés ou engourdis, ils fe fervent d'un remede dont l'effet eft auffi prompt que falutaire. Voici en quoi il confifte. Il fe trouve dans la mer qui baigne l'ifle de Hai-nan, voifine du Tong-king, une efpece de cancres qui ont la propriété de purifier la maffe du fang. Cet animal étant jeté par les flots fur le rivage, s'y pétrifie à la longue, fans rien perdre de fa forme naturelle lorfqu'il eft parvenu à ce degré de dureté qu'ont les pierres ordinaires, on le réduit en poudre, & on le fait prendre au malade dans de l'eau, du vin ou de l'huile, felon les circonftances & les cas plus ou moins presfans où il fe trouve. On use encore avec fuccès du même remede pour les bleffures dangereufes, les fievres & les dyffenteries.

Du Tong-king.

La Religion des Tong-kinois est un mélange du culte Du Tong-king. Chinois & de quelques autres fuperftitions. Les uns foutiennent l'immortalité de l'ame, les autres reftreignent ce privilége aux feules ames des Juftes. Ils honorent les Efprits, dont ils croient l'air rempli; ils admettent le dogme de la Métempfycofe, croient le Monde éternel, & reconnoiffent un Dieu fouverain. Les Savans & les Lettrés fuivent la doctrine de Confucius, & fe conforment au peuple pour les autres cérémonies religieuses. Il est peu de villes au Tong-king, où l'on ne trouve au moins un Temple élevé à Confucius. On y voit dans l'endroit le plus honorable, la ftatue de ce Philofophe, environnée de celles de fes Difciples, qu'on regarde comme autant de Demi - Dieux; elles font placées autour de l'Autel, dans une attitude qui marque le respect & la vénération qu'ils ont eus pour leur Maître. Tous les Magiftrats de la ville s'y affemblent aux jours de la nouvelle & pleine lune, & ils y font un petit facrifice, qui confifte à offrir des préfens fur l'Autel, à brûler des parfums, & à faire quantité de génuflexions.

Mais chaque année, aux deux équinoxes, on fait des facrifices plus folennels, auxquels tous les Lettrés font obligés d'affister. Le Sacrificateur, qui eft ordinairement un Mandarin de Lettres, fe difpofe à cette cérémonie par le jeûne & l'abstinence; il prépare, la veille du facrifice, le riz & les fruits qui doivent être offerts, & il arrange, fur les tables du Temple, tout ce qu'on doit brûler en l'honneur de Confucius. On orne fon Autel des plus riches étoffes de foie, & l'on y place sa statue & plufieurs tablettes fur lesquelles fon nom eft gravé en caracteres

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