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d'or. Le Sacrificateur éprouve les animaux qu'on doit immoler, en répandant du vin chaud dans leurs oreilles; Du Tong-king. fi ces animaux remuent la tête, on les juge propres aux facrifices; mais on les rejette s'ils ne font aucun mouvement. Avant de les immoler, ce qui fe fait la veille, le Sacrificateur fait une profonde inclination; après quoi il les égorge, & conferve pour le lendemain leur fang & le poil de leurs oreilles.

que

Le jour de la cérémonie, le Sacrificateur se rend dès le matin au Temple, où, après plufieurs génuflexions, il invite l'efprit de Confucius à venir recevoir les hommages & les offrandes des Lettrés, tandis que les autres Miniftres allument des bougies & jettent des parfums dans les brafiers qu'on a préparés à la porte du Temple. Lorfle Sacrificateur eft arrivé près de l'Autel, un Maître de cérémonie dit à haute voix : Qu'on offre les poils & le fang des bêtes immolées. Alors le Prêtre éleve avec fes deux mains le vase où ce fang & ces poils font renfermés, & immédiatement après, le Maître de cérémonie dit: Qu'on enfevelifje ces poils & ce fang. A ces mots, tous les affiftans fe levent, & le Prêtre, fuivi de fes Miniftres, porte le vafe avec beaucoup de modestie & de gravité, dans une efpece de cour qui eft devant le Temple, & là ils enterrent le fang & les poils des animaux. Après cette cérémonie, on découvre la chair des victimes, & le Maître de cérémonie dit : Que l'efprit du grand Confucius defcende. Auffi-tôt le Prêtre éleve un vafe plein d'une liqueur forte, & le répand fur une figure humaine faite de paille, & prononce ces paroles: Vos verius font grandes, admirables, excellentes, ô Confucius !

Du Tong-king.

Si les Rois gouvernent leurs Sujets avec équité, ce n'est que par le fecours de vos loix & de votre doctrine incomparable. Nous vous offrons ce facrifice; notre offrande eft pure. Que votre efprit vienne donc vers nous, & nous réjouille par fa préfence.

Après ce discours, le Prêtre prend une piece de foie, l'offre à l'efprit de Confucius, & la brûle enfuite dans une urne de bronze, en disant à haute voix : Depuis que les hommes ont commencé à naître jufqu'à ce jour, quel eft celui d'entre eux qui a pu furpasser ou même égaler les perfections de Confucius! O Confucius! tout ce que nous vous offrons eft peu digne de vous. Le goût & l'odeur de ces mets n'ont rien d'exquis; mais nous vous les offrons afin que votre efprit nous écoute. Ce discours étant fini, le Prêtre boit la liqueur, tandis qu'un de fes Miniftres adreffe cette priere à Confucius: Nous vous avons fair ces offrandes avec plaifir, & nous nous perfuadons que vous nous accorderez toute forte de biens, de graces

& d'honneurs. Alors le Prêtre diftribue aux affiftans les viandes immolées; & ceux qui en mangent croient que Confucius les comblera de bienfaits, & les préfervera de tous maux. Enfin, on termine le facrifice en reconduifant l'efprit du Philofophe au lieu d'où l'on fuppofe qu'il est defcendu.

Chaque premier jour de l'an, les Tong-kinois célebrent une fête folennelle pour honorer les mânes de ceux qui ont fait de belles actions durant leur vie, ou qui se sont distingués par leur courage & leur bravoure, même en combattant contre leur patrie. Plus de quarante mille Soldats fe rangent dans une vafte plaine, où tous les

Princes

Princes & les Mandarins ont ordre de fe trouver, & où
le Roi se rend lui-même. Après les facrifices, on brûle
de l'encens devant quantité d'Autels, où font écrits les
noms des Capitaines & des Grands Hommes dont on
célebre la mémoire. Le Roi, les Princes & tous les
Grands de la Cour s'inclinent enfuite devant chacun
de ces Autels, excepté ceux où font les noms des Capi-
taines rebelles, contre lefquels le Roi décoche cinq
fleches. Toute la cérémonie fe termine par la décharge
du
canon, &
& par trois falves de moufqueterie, pour mettre
en fuite toutes ces ames.

Le Peuple a trois Idoles particulieres, auxquelles il rend les plus fuperftitieux hommages. La premiere eft l'Esprit de la cuifine; la feconde, le Maître-ès-Arts; & la troifieme, le Seigneur du lieu où l'on demeure. L'Esprit de la cuifine tire fon origine d'une histoire que la tradition a confervée dans le pays. Une femme, dit-on, s'étant autrefois féparée de fon mari pour quelque mécontentement, paffa à de fecondes noces. Cette action caufa une douleur fi vive à fon premier époux, que cet infortuné fe jeta dans un brafier ardent, où il termina fes jours. Le bruit ne s'en fut pas plus tôt répandu, que l'épouse infidelle, touchée de repentir, vint expier fa faute dans le même feu qui avoit confumé fon mari. Son fecond époux en ayant été informé, y courut auffi-tôt; mais ayant trouvé fa femme réduite en cendre, il en fut fi pénétré de douleur, qu'il fe précipita dans le même brafier, où il fut confumé en un inftant. Telle est l'origine de cette Idole. Cet Esprit est censé animer trois pierres dont les Tong-kinois forment le foyer de leurs cuisines; D d

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Du Tong-king.

& ce font ces pierres qu'ils adorent le premier jour de Du Tong king. l'an.

L'Idole Maître-ès-Arts eft l'image d'un Lertré, autre que Confucius, que le peuple du Tong-king croit avoir été le plus ingénieux, le plus fage & le plus favant des hommes. Les Marchands l'invoquent avant de vendre & d'acheter; les Pêcheurs, avant de jeter leurs filets dans la mer; les Artisans, avant de commencer leur ouvrage, &c. L'Idole appelée le Seigneur du lieu où l'on demeure, n'eft pas moins révérée que les deux autres. Voici la maniere dont on l'honore. Quand quelqu'un veut faire conftruire une maison, il commence par fe bien perfuader que le terrein fur lequel il bâtit n'eft pas tellement au Roi, qu'il n'ait encore quelque autre maître, lequel, après fa mort, conferve le même droit de propriété dont il a joui pendant sa vie. Ensuite, il fait venir un Magicien qui, au bruit du tambour, invite l'ame du maître défunt à venir demeurer fous un petit toit qu'on lui a préparé, & où on lui préfente du papier doré, des odeurs & de petites tables couvertes de mets. Le motif de cette cérémonie eft d'engager l'ancien propriétaire à fouffrir le nouvel hôte dans fon champ.

On voit des Tong-kinois fi fuperftitieux, qu'avant d'entreprendre un voyage, ils ne manquent jamais de regarder les pieds d'une poule. D'autres, lorsqu'ils fe font mis en route, rebrouffent chemin tout à coup, parce qu'ils ont éternué une fois. S'ils avoient eu le malheur d'éternuer deux fois, ils se croiroient obligés de doubler le pas, & de retourner le plus vîte qu'il leur feroit poffible. Il y en a qui divifent la Terre en dix parties, & qui font de temps en

temps à chacune une profonde révérence; d'autres la partagent en cinq portions égales, dont la cinquieme eft cenfée Du Tong-king. au milieu. Ils prennent des couleurs particulieres, lorfqu'ils adorent quelqu'une de ces parties. Quand ils rendent leur hommage au Septentrion, ils s'habillent en noir, & ne se fervent dans leurs facrifices que d'uftenfiles noirs. Ils se revêtent de rouge lorfqu'ils adorent le Midi; quand ils facrifient à l'Orient, ils portent des habits verts. La couleur blanche eft celle qu'ils adoptent pour invoquer l'Occident; & ils se fervent de vêtemens jaunes lorsqu'ils adorent la partie du milieu.

Lorfqu'un Tong-kinois veut acheter un champ, entreprendre un voyage, ou marier un enfant, il va confulter le Devin. Celui-ci feint d'abord d'être aveugle, pour donner à entendre qu'il ne voit & n'écoute que la vérité. Avant de répondre, il prend un livre; mais il ne l'ouvre qu'à demi, comme s'il craignoit de laiffer entrevoir aux yeux profanes ce qu'il contient. Après avoir demandé l'âge de la perfonne qui le vient confulter, il jette en l'air deux petites pieces de cuivre, fur lesquelles font gravées, d'un côté feulement, certaines lettres ou chiffres mystérieux. Si, lorfque ces pieces retombent à terre, les caracteres fe trouvent dirigés vers elle, c'est un préfage finiftre; fi, au contraire, ils font tournés vers le ciel, l'augure eft favorable. Cette maniere de confulter le fort est très-commune parmi les Tong-kinois.

Il est d'autres Magiciens qu'on ne confulte que pour la guérifon des maladies. Si le fort annonce que la maladie vient des Esprits, ils appellent ces génies malfaisans, & les renferment dans des vafes de terre; fi elle vient

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