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& de la chaux de coquillage. Ces ingrédiens occafionnent une écume considérable, que le Raffineur a foin d'enlever. Du Tong-king. L'action des alkalis hâte la féparation du fel d'avec l'eau; enfin, à force d'ébullitions, on réduit le fue de la canne en consistance de firop; & dès que ce firop commence à perler, on le décante dans un grand vaisseau de terre, où on le laisse se rafraîchir environ pendant une heure. Bientôt le firop fe couvre d'une petite croûte molle de couleur jaunâtre; alors on le verse dans un vase conique.

Aufi-tôt que le firop paroît avoir pris la confistance du fel dans toute la capacité du vase qui le contient, on le terce pour le blanchir & le purifier. Les autres opérations font à peu près les mêmes que dans nos Colonies Américaines.

Les Tong-kinois ont peu de bons fruits; les meilleurs font l'ananas, les oranges, & une espece de figues rouges, qui eft généralement eftimée. Ils ont d'autres figues, affez femblables à celles de Provence pour la forme & pour le goût; mais ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est que ce ne font point les branches qui portent ces figues; elles naiffent au pied de l'arbre, & quelquefois en fi grande quantité, que vingt hommes affamés pourroient aifément s'en rassasier.

On voit au Tong-king de grands arbres dont les branches ne portent ni fuilles ni fruits; ils ne produifent que des fleurs. Il y en a une autre efpece dont les branches fe courbent jufques à terre, où elles jettent des racines, d'où naiffent d'autres arbres : les branches de ces derniers, fe courbant de même, pouffent à leur tour de femblables racines; & ces arbres, au bout d'un certain

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temps, occupent un espace de terrein si étendu, que Du Tong-king. trente mille hommes pourroient aisément se reposer sous leur ombrage.

Les Tong-kinois cultivent le cotonnier, le mûrier, le poivrier, l'arbre de vernis, le thé, l'indigo, & le fafran; ils font peu riches en légumes, & ne paroiffent pas même tentés de s'en procurer; ils négligent la vigne, quoiqu'elle foit une production naturelle de leurs terres: mais ils élevent avec foin une plante, nommée tfai, qui, étant mise en fermentation, fournit une fleur d'une couleur verte, qui donne en teinture un vert d'émeraude très-solide. On croit que cette plante ne se trouve qu'au Tong-king & à la Cochinchine.

Les éléphans font fort communs au Tong-king; on en nourrit plus de cinq cents pour le fervice du Roi. On prétend que leur chair eft bonne, & que le Prince en mange quelquefois. On ne voit dans ce royaume ni lions ni agneaux ; mais on y trouve une quantité prodigieufe de cerfs, d'ours & de tigres. Les finges font remarquables par leur groffeur & leur hardieffe. Il n'est pas rare de les voir, au nombre de deux ou trois mille, entrer en ennemis dans les champs des Laboureurs, s'y raffafier, se rouler enfuite autour du corps de larges ceintures. de paille qu'ils rempliffent de riz, & s'en retourner chargés. de butin à la vue des payfans, fans que ceux-ci ofent les attaquer. On diftingue parmi les oiseaux de ce pays, une efpece de chardonneret, dont le chant eft fi doux & fi mélodieux, qu'on lui a donné le nom d'oifeau célefte. Ses yeux ont l'éclat du rubis le plus étincelant; fon bec eft rond & affilé; un léger cordon d'azur regne autour de

fon cou; & fur fa tête s'éleve une petite aigrette de diverses couleurs, qui lui donne beaucoup de grace. Ses Du Tong-king. ailes, lorsqu'il eft perché, offrent un mélange de nuances jaunes, bleues & vertes; mais quand il vole, elles perdent tout leur éclat. Cet oiseau fait fon nid dans les buiffons les plus épais, & multiplie fon efpece deux fois par an; il se tient caché pendant les pluies, & dès que les premiers rayons du soleil viennent à percer les nuages, il fort incontinent de sa retraite, va voltiger fur les haies, &, par fon ramage, annonce aux Laboureurs le retour du beau temps. On dit que cer oifeau eft ennemi mortel du Ho-kien (autre oiseau fingulier qui n'habite que rais). Lorfqu'il l'apperçoit, le duvet de fon cou se hériffe, fes ailes s'étendent & tremblent, fon bec s'ouvre, & il en fort un bruit femblable au fifflement du ferpent. Son attitude est celle d'un oiseau qui va fondre sur sa proie : en un mot, tout fon corps annonce une espece d'épouvante mêlée de fureur; mais foit qu'il fente l'infériorité de fes forces, ou que tel foit fon instinct, il se contente de regarder son ennemi d'un œil fixe & troublé, & ne l'attaque jamais.

les ma

Le Ho-kien a les ailes, le dos & la queue d'une blancheur éblouiffante; fa tête eft couverte d'un duvet rougeâtre, & fon ventre est ordinairement d'un jaune clair, semé de taches grifes & noires. Cet oiseau, qui est à peu près de la groffeur d'une caille, ne fait son nid que dans les roseaux, & ne multiplie qu'une fois par an.

Le pays abonde en gibier de toute espece, comme cerfs, gafelles, chevres fauvages, paons, lievres, faisans, &c. La chaffe eft libre, mais dangereuse, à cause de la

grande quantité de tigres, d'éléphans, de rhinocéros, & Du Tong-king. d'autres animaux carnaciers qui peuplent les forêts. Les animaux domestiques qu'on y éleve, font le cheval pour les voyages, le buffle pour les labours, le bœuf, le cochon, la chevre, la poule, l'oie, & le canard.

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Nous avons déjà vu, dans l'Article précédent, que les Dela Cochinchine, premieres révolutions du Tong king avoient été communes à la Cochinchine; que, foumis d'abord à la domination Chinoife, puis engagés dans la révolte & livrés à différens ufurpateurs, ces deux Etats avoient été forcés de rentrer dans leur premiere dépendance, après l'heureuse expédition du Général May-ven, vers l'an 5o de JésusChrist. Le rétablissement de l'autorité impériale se soutint à la Cochinchine jufqu'en 263. Alors un Seigneur Cochinchinois, nommé Kulien, entreprit de délivrer fon pays de toute domination étrangere; il fit maffacrer le Gouverneur Chinois, & refta paifible poffeffeur de cette couronne ufurpée. Son petit-fils Fan-y eut l'imprudence d'adopter, pendant fon regne, un esclave appelé Ouen, né à Kouang-nan, dans le Tong - king, auquel il fir prendre le nom de Fan-ouen. Ce vil étranger, admis dans la Famille Royale, parvint bientôt, par cette adoption & par fes intrigues, à une puiffance fans bornes. Après la mort de fon bienfaiteur, il ne lui fut pas difficile de s'emparer du trône. Pour fignaler le commen

cement de fon regne, & s'attirer l'eftime de fes Sujets par quelque exploit éclatant, il entra dans le Tong- Dela Cochinchine king à la tête d'une armée, s'empara de Kouang-nan, sa patrie, & ravagea tout le territoire de Tfin-hoa. Cette expédition eft de l'an 347 de notre Ere.

Les defcendans de cet heureux ufurpateur occuperent long-temps le trône de la Cochinchine. Cette race royale, appelée Fan, ne finit qu'en 653. On a peu de détails fur les regnes de ces différens Princes; on fait feulement qu'ils furent exacts à payer leur tribut aux Empereurs. L'Hiftoire Chinoife donne pareillement peu de lumieres fur les Rois qui ont fuivi. Celui qui occupoit le trône en 1179, tourna fes armes vers le royaume de Camboye; il y entra à la tête d'une armée, y commit de grands ravages, mais n'y fit aucune conquête. Le Roi de Camboye diffimula long-temps fon vif reffentiment, pour se mettre en état d'obtenir une vengeance plus sûre & plus éclatante. Dix-huit années s'écoulerent fans qu'il se permît aucune hoftilité; mais en 1197 il vint fondre fur le Roi de Cochinchine, le détrôna, le fit prifonnier, faccagea ses Etats, & en fe retirant, mit fur le trône un Seigneur Camboyen. Mais ce changement de domination ne dura que peu de temps.

Le Roi de Cochinchine ayant appris, en 1280, la révolution qui avoit rendu les Tartares Mongous maîtres de toute la Chine, s'empreffa d'envoyer au nouvel Empereur, qui avoit pris le nom de Chit-fou, des Députés chargés de préfens, & qui avoient ordre de lui rendre hommage en fon nom. Ces Députés furent traités avec diftinction: mais l'Empereur ne fe contenta pas du tribut; il pouffa

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