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plus loin fes prétentions, & réfolut d'envoyer des De la Cochinchine. Grands de fa Cour à la Cochinchine, pour y former un Tribunal qui feroit feul chargé du gouvernement de ce Ses volontés furent exécutées; mais deux ans royaume. après, Pouti, fils du Roi, indigné qu'un Tribunal étranger donnât des loix à la Cochinchine, refusa d'en reconnoître l'autorité, & engagea fon pere à faire arrêter les Grands, qui, par ordre de l'Empereur, formoient ce Tribunal.

Dès que l'Empereur eut appris cette nouvelle, il réfolut d'en tirer vengeance. Il fit auffi-tôt équiper, dans les ports de la province de Canton, une flotte considérable, chargée d'un grand nombre de troupes Chinoifes & Tartares, dont Sotou fut nommé Général. La forte mit à la voile, & aborda à la Cochinchine. Sotou fit débarquer fon armée, marcha vers la capitale, & s'en rendit maître en peu de temps. Le Roi & fon fils furent obligés de chercher un afile dans les montagnes. De là, ils envoyerent des ordres secrets pour qu'on assemblât en divers endroits de grands corps de troupes, & ils fe fortifierent euxmêmes dans un bourg dont les portes étoient défendues par quelques bons ouvrages, & par des batteries de canons, nommées batteries de canons Mahométans. Alors ils firent fecrétement mettre à mort les Seigneurs Tartares & Chinois qui compofoient le Tribunal érigé par l'Empereur, & ils ne s'occuperent plus que des moyens d'amufer Sotou & de faire périr fon armée. Dans ce deffein, ils envoyerent à ce Général de riches préfens pour lui & fes troupes, & le firent affurer qu'ils étoient dans la difpofition de fe conformer désormais aux volontés de l'Empereur.

Sotou fe laiffa d'abord tromper par cette apparence de foumiffion; mais bientôt après il apprit par un transfuge le maffacre des Grands Tartares & Chinois, les intrigues du Roi & de fon fils, & la marche d'une armée formidable, commandée pour lui couper le retour. Il comprit alors qu'il n'avoit plus de temps à perdre; il fit avancer les troupes, & attaqua avec vigueur le bourg fortifié. L'attaque & la défense furent également vives; mais la difficulté du terrein & la résistance opiniâtre des affiégés lui ayant fait perdre beaucoup de monde, il crut devoir prendre le parti de fe retirer, pour ne pas voir périr toute fon armée.

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Le Roi de Cochinchine fe flatta qu'un pareil échec rendroit l'Empereur plus traitable; il lui députa quelques Grands de fa Cour, pour l'affurer de fa refpectueuse foumiffion il ne cherchoit qu'à l'adoucir. Mais, contre son attente, le malheureux fuccès de l'expédition n'avoit fait qu'aigrir le Monarque Chinois. Sans vouloir même admettre en fa présence les Ambassadeurs, il donna ordre à fon fils d'affembler une armée & de la conduire luimême contre le Roi de Cochinchine. Sotou reçut en même temps l'ordre de joindre le Prince, afin que leurs forces réunies puffent accabler leur ennemi. Quelque juftes que paruffent ces mefures, elles ne furent fuivies d'aucun fuccès; tous ces préparatifs n'aboutirent qu'à quelques actes d'hostilité, & à quelques ravages que commirent les troupes de Sotou. L'Empereur Chit-fou mourut fans avoir pu tirer vengeance de la Cochinchine; & les Rois de cette contrée furent maintenus dans leur indépendance, moyennant le tribut ordinaire qu'ils continuerent de payer aux Empereurs..

Dela Cochinchine.

De la Cochinchine.

envoya

Les Ming ayant chaffé de la Chine les Tartares Mongous, le nouvel Empereur, Chef de cette Dynastie, fit notifier fon avénement au trône au Roi de Cochinchine, &, ce qui étoit encore fans exemple, fit faire dans ce pays des facrifices pour honorer les Efprits des forêts, des montagnes & des rivieres. Itataha, qui régnoit alors, fon tribut au nouveau Monarque, dont il reçut de magnifiques préfens. En 1373, ayant envoyé une flotte contre des Pirates qui infeftoient les mers, & ayant pris vingt bâtimens de ces Corfaires, il fit encore offrir à l'Empereur foixante & dix mille livres pefant d'un bois précieux qu'on avoit trouvé fur ces vaiffeaux. Mais cette bonne intelligence entre les deux Cours ne dura pas longtemps. Le Roi de Cochinchine, malgré les confeils & les ordres même de l'Empereur, porta le fer & la flamme dans le Tong-king. Cette guerre occupa le reste de fon regne, & fe perpétua fous les regnes fuivans. Il eft peu d'exemples d'une guerre auffi vive & auffi longue; elle ne fut terminée qu'en 1471, par une bataille fanglante & décisive, qui rendit le Roi du Tong-king maître absolu de la Cochinchine. Son ennemi s'étoit trop exposé dans le combat, il fut fait prifonnier, & les Cochinchinois, fans reffources, furent obligés de fubir le joug du vainqueur.

Depuis cette révolution, les Hiftoriens Chinois difent peu de chofes de la Cochinchine. On fait cependant qu'elle parvint à recouvrer fon indépendance, & qu'elle continua dans la fuite à être gouvernée, comme elle l'est encore aujourd'hui, par fes Rois particuliers. En 1671, les Tong-kinois tenterent encore une expédition contre la Cochinchine. Les grands préparatifs qu'ils avoient faits,

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& quatre-vingt mille hommes effectifs, fembloient leur pro

mettre une conquête & des fuccès faciles. Les Cochinchi- Dela Cochinchige. nois'n'avoient pas vingt-cinq mille hommes. Les deux armées s'attaquerent, & le combat dura trois jours : les Tongkinois y perdirent dix-fept mille hommes, & les Cochinchinois remporterent une victoire complette. Depuis ce temps, le Tong-king s'eft paifiblement contenų dans fes limites; la Cochinchine, au contraire, s'eft agrandie en réduifant les Peuples des montagnes, & même les Rois de Thiampa & de Camboye, qu'elle a forcés de lui payer tribut.

Nous n'entrerons dans aucun détail fur les Peuples de la Cochinchine. Comme ils ont avec les Tong-kinois une origihe commune, ils different très-peu pour leur culte, leurs loix, leurs ufages, qu'ils ont en grande partie empruntés des Chinois.

C'est dans quatre ifles fituées près des côtes de la Cochinchine, que fe trouvent ces nids célebres & fi recherchés, qu'on fait fervir à l'assaisonnement des ragoûts. Les oifeaux qui les font, font à peu près de la groffeur d'une hirondelle; ils dimentent leurs nids d'une espece de gomme, dont les différentes couches fe détachent comme les pelures de l'oignon. Lorsqu'on a fait délayer cette gomme dans de l'eau tiede, on en affaifonne les viandes & le poisson; elle communique aux fauces un goût exquis. A l'orient de ces quatre ifles, on en voit auffi cinq autres plus petites, où l'on trouve une quantité prodigieufe de tortues, dont la chair est si délicate, que les Tong-kinois & les Cochinchinois fe livrent fouvent des combats fort vifs, pour se les enlever.

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Les principales marchandises qu'on peut transporter à Dela Cochinchine la Cochinchine, font le falpêtre, le foufre, le plomb, les toiles fines, les chittes carrées, les chittes longues à fleurs. Les perles, l'ambre & le corail y étoient autrefois d'un grand débit; préfentement il n'y a que les deux derniers qui foient de vente, encore faut-il que les grains du corail foient ronds, bien polis & d'un beau rouge. Pour l'ambre, il doit être extrêmement clair, les grains égaux, & n'excéder pas la groffeur d'une noifette ordinaire. Quant aux marchandifes qu'on peut tirer de Cochinchine les principales font le poivre, les foies, les fucreries, les bois de calamba & d'ébene, les nids d'oifeaux, l'or en poudre ou fondu, qui ne se vend que dix poids d'argent; & enfin le cuivre & les porce laines qu'on y transporte de la Chine & du Japon,

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On ne fait pourquoi les Marchands Européens fe plaignent des droits d'entrée, de fortie & d'ancrage. Ces droits font peu de chofe à la Cochinchine; ceux de la Douane ne montent qu'à trois ou quatre pour cent. Il est vrai qu'à l'arrivée d'un navire, on ne peut rien en tranfporter que la vifite du vaiffeau n'ait été faite; les Officiers de la Douane le font décharger, pefent & comptent jufqu'aux moindres pieces, & s'emparent ordinairement de ce qu'ils y trouvent de plus précieux pour l'envoyer au Roi, qui en retient ce qu'il juge à propos, en payant. Si le Roi feul en ufoit ainfi, le mal ne feroit pas bien considérable; mais on prétend que les Grands de la Cour fuivent fon exemple, & ne payent pas; que les plus belles marchandises du vaiffeau venant ainfi à fe diffiper, il n'y refte plus que des denrées communes, qui, étant seules,

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