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Province

de Kiang-nan.

cette province; mais des raisons d'État les ayant obligés de s'approcher de la Tartarie, ils choifirent Pe-king pour le lieu de leur féjour. Cette province eft fort vaste, elle compte quatorze villes du premier ordre, & quatre-vingttreize du fecond & du troifieme; ces villes font très-peuplées, & il n'en eft prefque aucune qui ne puiffe paffer pour une place de commerce. Les groffes barques peuvent y arriver de toutes parts, parce que le pays eft tout coupé de lacs, de rivieres & de canaux qui communiquent avec le grand fleuve Yang-tfe-kiang, lequel traverse la pros vince. Les étoffes de foie, les ouvrages de vernis, l'encre, le papier, & généralement tout ce qui vient, tant de Nan-king que des autres villes de la province, eft beaucoup plus eftimé & plus cher que ce qu'on tire des provinces voifines. Dans la feule ville de Chang-hai & les bourgs qui en dépendent, on compte plus de deux cent mille Tifferands de fimples toiles de coton : la fabrication de ces toiles occupe la plupart des femmes.

On trouve en plufieurs endroits, fur les bords de la mer, quantité de falines, & le fel qu'on en tire se distribue prefque dans tout l'Empire. Enfin, cette province eft fi abondante & fi riche, qu'elle porte chaque année dans les coffres de l'Empereur, environ trente-deux millions de taëls (*), fans y comprendre les droits de tout ce qui entre & fort de la province.

Les peuples de cette contrée font polis & cultivés; ils ont de l'efprit & de grandes difpofitions pour les sciences;

(*) Un taël vaut une once d'argent; cette once, à la Chine, répond à 7 liv. 10 fous de notre monnoie.

auffi en voit-on fortir un grand nombre de Docteurs, qui ne doivent qu'à leurs talens les places qu'ils occupent.

Cette province se partage en deux parties, dont chacune a fon Gouverneur; celui de la partie orientale réside à Sou-tcheou-fou, & celui de la partie occidentale à Nganking-fou chaque gouvernement a fous fa dépendance fept fou ou villes du premier ordre.

Kiang-ning-fou ou Nan-king eft la capitale de cette province : cette ville, dit-on, étoit autrefois la plus belle ▾ & la plus florissante du Monde; quand les Chinois parlent de fa grandeur, il difent que fi deux hommes à cheval fortent dès le matin par la même porte, & qu'on leur ordonne d'en faire le tour au galop, en tour au galop, en prenant des directions oppofées, ils ne fe rejoindront que le foir. On fent que tout cela eft exagéré; mais il eft certain que Nan-king furpaffe en étendue toutes les autres villes de la Chine. On affure que fes murailles ont de circuit cinq grandes lieues & demie & quatre cent foixante-fix toifes (*)."

(*) Voici comment un Missionnaire François, réceminent arrivé à la Chine, parle de cette cité célebre : » Nous arrivâmes à Nan-king le 2 Juin; je voulus »voir cette ville, qu'on regarde comme la plus grande qui foit au Monde. Let » fauxbourg par lequel nous paffàmes eft très-long, mais il n'eft pas peuplé; fes » maisons sont éloignées les unes des autres, ayant entre elles des rofeaux, des » mares d'eau, & des plantations de bambous........... Ce fut du cinquieme étage: de la tour de porcelaine que nous confidérâmes la ville de Nan-king; nous la » dominions magnifiquement; nous eûmes beau faire, nous ne pûmes jamais » l'eftimer les deux tiers de Paris. Nous ne favions comment concilier ce qu'on » dit de fa grandeur immenfe, avec ce que nous voyions de nos propres yeux. » Le lendemain nous tira d'affaire; nous avions déjà fait une bonne lieue au delà » de Nan-king, lorfque nous apperçûmes tout-à-coup les murs d'une ville accolés » à des montagnes & à des rochers: c'étoient les murailles mêmes de Nan-king, qui, laiffant la ville où elle eft, s'en vont bien loin lui former une enceinte de quinze à feize licues, dont douze ou treize ne font point habitées «..

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Province de Kiang-nan.

Province

de Kiang-nan.

Cette ville eft fituée à une lieue du fleuve Yang-tsekiang; elle est de figure irréguliere; les montagnes qui se trouvent dans fon enceinte, n'ont pas permis de fuivre un autre plan. C'étoit autrefois la ville Impériale, & c'est la raifon pour laquelle on lui a donné le nom de Nan-king, qui fignifie Cour du Midi; mais depuis que les fix grands Tribunaux qui y réfidoient ont été transférés à Pe-king, on la nomme Kiang-ning dans les actes publics.

Nan-king est bien déchue de fon ancienne splendeur; elle avoit autrefois un palais magnifique, dont il ne reste aucun vestige; un obfervatoire qui eft maintenant abandonné, des temples, des tombeaux d'Empereurs, & d'autres monumens fuperbes dont il n'eft refté que le fouvenir. Un tiers de la ville est désert, mais le reste est fort habité: voit des quartiers fi marchands & fi peuplés, qu'on a peine à croire qu'on puiffe voir dans aucune autre ville plus de mouvement & de fermentation. Les rues y font moins larges qu'à Pe-king; cependant elles font affez belles, bien pavées & bordées de boutiques richement fournies.

on y

C'eft dans cette ville que réfide un de ces grands Mandarins nommés Tfong-tou, devant lequel on évoque les affaires importantes, non feulement de l'un & de l'autre gouvernement de la province, mais encore de ceux de la province de Kiang-fi. Les Tartares y ont une nombreuse garnison, sous un Général de leur nation, & ils y occupent un quartier féparé du refte de la ville par une fimple muraille,

que

Les palais des Mandarins, foit Tartares, foit Chinois, ne font ni plus spacieux, ni mieux bâtis ne le font ceux des autres Capitales de provinces. On n'y trouve point d'édifices

d'édifices publics, qui répondent à la réputation d'une ville fi célèbre, fi l'on en excepte fes portes qui font d'une grande beauté, & quelques temples: tel eft celui où eft la fameuse tour de porcelaine; elle est haute de vingt toises Chinoises, c'est-à-dire, de deux cents pieds de Roi, & divisée en neuf étages par de fimples planchers en dedans, & en dehors par des corniches & de petits toits couverts de tuiles enduites d'un vernis vert; de l'un à l'autre étage on compte vingt- une marches, le premier en a quarante.

La largeur & la profondeur du fleuve Yang-tfe-kiang rendoient autrefois le port de Nan-king fort commode; mais aujourd'hui les grandes barques ou plutôt les fommes chinoises n'y entrent plus, foit que la barre se soit fermée d'elle-même, foit qu'on ait défendu d'en faire usage, pour en ôter infenfiblement la connoiffance aux Navigateurs.

Aux mois d'Avril & de Mai il fe fait dans le fleuve, affez près de la ville, une pêche d'excellens poiffons qu'on envoie à la Cour; on les couvre de glace, & on les transporte ainsi sur des barques uniquement destinées à cet ufage. Quoique de cet endroit à Pe-king il y ait plus de deux cents lieues, ces bateaux font tant de diligence, qu'ils y arrivent en huit ou neuf jours.

Quoique cette ville foit la capitale de la province, elle n'a fous fa jurisdiction particuliere que huit villes du troifieme ordre.

Sou-tcheou-fou eft la feconde ville; c'est une des plus belles & des plus agréables cités qu'il y ait à la Chine; les Européens qui l'ont vue la comparent à Venise, avec cette différence que cette derniere eft affife au milieu de

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de Kiang-nan.

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de Kiang-nan.

la mer, & que Sou-tcheou eft coupée de canaux d'eau douce.

Il n'eft peut-être point dans l'Univers de pays plus riant, tant par l'agrément de fa fituation, que par la douceur du climat; l'air eft fi tempéré, les chofes néceffaires à la vie y font fi abondantes, la terre y eft fi féconde, les mœurs y font fi douces, qu'on regarde cette ville comme le Paradis de la Chine. En haut, difent les Auteurs Chinois, eft le Paradis, & en bas c'eft Sou-tcheou. A voir le mouvement continuel du peuple immenfe qui l'habite, & l'embarras que causent de tous côtés & ceux qui vendent & ceux qui achetent, on feroit tenté de croire que toutes les provinces viennent y négocier. Les broderies & les brocards qu'on y travaille font recherchés de tout l'Empire; elle est la demeure du Vice-Roi de la partie orientale de la province. Sa jurifdiction ne s'étend que fur huit villes, dont une est du fecond ordre & les fept autres du troifieme; mais toutes ces villes font belles, & ont environ une ou deux lieues de circuit.

Song-kiang-fou est bâtie sur l'eau; la quantité prodigieuse de toiles de coton dont elle fournit non feulement l'Empire, mais encore les pays étrangers, la rendent fort célebre & d'un très-grand abord. Cette ville n'a que quatre cités dans fon reffort.

Tchin-tcheou-fou eft fituée près du canal par où doivent paffer toutes les barques qui fe rendent de Sou-tcheou dans le Kiang; elle eft célebre par fon commerce & fes eaux, qui donnent au thé un goût fuave & agréable; elle a dans fa dépendance cinq villes du troifieme ordre, dans l'une defquelles fe fabriquent des vafes d'une poterie particuliere,

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