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Cafpienne, entre Aftracan, Saratoc, & la riviere Jauk.
Elle étoit accompagnée de fon fils. Environnée de gens
de guerre, expofée à toutes leurs infultes, elle crut,
dans une position auffi embarrassante, devoir recourir à
l'Empereur: ce Prince lui affigna, pour fa fubfiftance, les
revenus de quelques terres en Tartarie; & dans la fuite, ayant
obtenu pour elle la liberté du paffage par la Sibérie, il la fit
reconduire par Les
propres Officiers jufque dans fon pays.
Cette profonde vénération, qui attire tant de peuples
aux pieds du Dalaï-Lama, est fondée fur la haute idée
qu'ils ont de fon pouvoir & de fa fainteté. Ils font
fuadés que toute la divinité de Fo réfide en lui, qu'il
fait
tout, qu'il voit tout, qu'il lit dans le fond de tous
les cœurs,
fans qu'il ait befoin, pour être instruit, de
faire des questions ou d'ordonner des informations. Ils
croient qu'il eft immortel, & que quand il paroît
mourir, fon ame & fa divinité ne font que changer de
demeure, en s'établissant dans un nouveau corps. Il ne
s'agit plus alors que de découvrir le lieu où il lui a plu
de renaître : on a vu des Princes. Tartares faire eux-mêmes
cette importante recherche; mais ils font obligés de:
s'en rapporter à certains Lamas, qui font feuls inftruits
des caracteres auxquels on peut reconnoître le Dieu re-
naissant, ou, pour mieux dire, qui favent feuls quel eft
l'enfant que le précédent Dalaï-Lama a défigné pour être

fon fucceffeur.

On rencontre, dans beaucoup d'endroits du Thibet, de grands Pagodes où demeurent les Lamas les plus diftingués. Ils prennent différens titres d'honneur; celui de Houtouctou eft un des plus révérés, & il ne s'accorde

Du Thibet.

Du Thibet.

qu'à ceux qui paffent pour être des Fo vivans. Ces Houtouctous ne font cependant pas fixés pour toujours dans les mêmes endroits; ils ont la liberté d'habiter où ils veulent, & de choisir les lieux dont le féjour leur paroît le plus agréable. Ils ne fe bornent pas même au Thibet; on en trouve dans les Etats voifins, & fur-tout en Tartarie.

Les habitans du Thibet ne font pas les feuls qui puiffent parvenir à la dignité de Lama; on voit des Tartares & même des Chinois qui afpirent à ce facerdoce, & qui se rendent à Lafa dans l'efpérance d'y être élevés. S'ils peuvent être admis parmi les Difciples du Grand Lama, dont le nombre eft fixé à deux cents, ils regardent cette admiffion comme le commencement & le gage d'une fortune brillante : c'est parmi ces Difciples qu'on choisit tous les Grands Lamas fubalternes. Les Houtouctous même, quels que foient les fignes qu'ils croient découvrir en eux de la présence du Dieu Fo, ne font reconnus pour tels, qu'après avoir paffé un certain temps dans l'école du Grand Lama. Dès qu'ils font parvenus à cette dignité, ils vivent dans l'éclat & l'opulence, & font fans ceffe environnés d'une foule d'adorateurs qui les comblent de préfens. Les plus riches & les plus confidérables des Tartares Lamas qui habitent le Thibet, font ceux que les Chinois appellent Mong fan. Ils poffedent de grands domaines au nord de la province d'Yunnan, entre les belles rivieres de Kinche-kiang & de Vou leang ho. Ce fut Oufan-guei qui, devenu maître d'Yunnan, lorsque les Tartares Mantcheoux s'emparerent de la Chine, leur céda ces terres pour les attirer dans son parti, & s'attacher par eux tous les Lamas du Thibet.

Les Lamas ont eu beaucoup de pouvoir à la Chine, pendant tout le temps que la famille Tartare des Yven en a occupé le trône. On voit encore à Pe-king des monumens de ce temps-là, érigés en faveur de ces Lamas. Mais les Chinois étant redevenus les maîtres fous la Dynaftie des Ming, les Lamas furent chaffés avec le reste des Tartares. Leur crédit s'eft rétabli fous la famille régnante. Quoique la nation des Tartares Mantcheoux n'ait jamais eu de Lamas, elle n'eut pas plus tôt entrepris la conquête de la Chine, que, par politique, elle les protégea ouvertement : bientôt après, le Gouvernement leur fit conftruire de magnifiques Pagodes. Cet exemple fur fuivi par un grand nombre de Princes, de Princeffes & d'autres personnes opulentes, qui s'emprefferent de leur bâtir des Temples; & il n'eft pas étonnant que, pour occuper tant de Pagodes, les Lamas fe foient fi fort multipliés à la Chine: il faut même qu'ils y foient riches, car la plupart de ces Lamas paroissent en public, revêtus d'habillemens de fatin jaune & rouge, & portent les fourrures les plus rares. Ils montent tous de bons chevaux, & font fuivis d'un nombre de valets plus ou moins grand, felon le degré de leur Mandarinat; car l'Empereur leur permet de porter le couffin & les autres marques d'honneur attachées à la qualité de Mandarin.

Les Lamas du Thibet portent des vêtemens moins fomptueux; la plupart s'habillent d'une étoffe de laine à poil frifé, qu'on nomme à la Chine Pou-lou, & dont on fe fert pour couvrir les felles, parce qu'elle eft ordinairement de durée & d'un teint folide. Le Grand Lama fut

Du Thibet.

Du Thibet.

vu à Lasa, en 1717, vêtu d'un habit rouge de cette étoffe, & portant le chapeau jaune doré.

Outre le chapeau, les Lamas ont plufieurs bonnets ou thiares, qui font les marques diftinctives des différens degrés d'honneurs auxquels ils font parvenus. Celui de ces bonnets qui frappe le plus les yeux Européens, reffemble beaucoup à la mitre de nos Evêques; ils le portent en allant à cheval comme à pied; mais la fente de cette efpece de mitre leur defcend directement au milieu du front. Les obligations qu'impofe l'état de Lama, ne font ni légeres ni en petit nombre; mais il n'en eft aucun parmi eux qui s'engage à les remplir toutes. Ils partagent & divifent le fardeau : l'un fe charge de l'observation d'un tel précepte; celui-là s'oblige d'en pratiquer un autre ; & ainfi du refte. Ils ont cependant certaines prieres communes, qu'ils chantent d'une maniere affez agréable; & tous font obligés de renoncer aux frivolités du fiecle, de vivre dans le célibat, & de s'interdire toute efpece de négoce.

La Langue qu'on parle au Thibet differe entiérement de celle des Tartares, foit Mongous, foit Mantcheoux. Elle eft prefque la même que celle des Peuples appelés Si-fan, & elle ne s'en éloigne que dans l'acception de certains mots, & par quelques manieres de prononcer. On trouve d'affez habiles Médecins au Thibet; on y rencontre auffi quelques Aftronomes qui favent calculer les mouvemens des Aftres, & prédire les éclipses: maic les Lamas y font la plupart très-ignorans. Il est rare d'en trouver parmi eux qui entendent leurs anciens Livres, ou qui fachent même

les

les lire. La difficulté vient de ce que les caracteres de ces livres font fort différens de ceux qu'on emploie au Thibet & dans la Tartarie, & que la Langue dans laquelle ces anciens monumens font écrits, est une Langue absolument morte, dont on ne peut faire aucun usage, foit en écrivant, soit en parlant. Les Thibétains n'ont point de villes fortifiées & qui foient en état de défense. Ces villes font en général fort petites: Lafa même, où le Dalaï-Lama tient fa Cour, eft plutôt un Temple célebre, qu'une ville.

Du Thibet.

ARTICLE V.

Du pays de Ha-mi.

LE pays de Ha-mi eft fitué au nord-ouest de la Chine,

à l'extrémité du défert que les Chinois appellent Cha-mo, Dupays de Ha-mi. & les Tartares Cobi. Il n'eft éloigné que de quatre-vingtdix lieues de la pointe la plus occidentale de la province de Chen-fi. Ce pays fut habité dans les premiers âges par des Peuples errans, nommés Jong. Vers l'an 950 avant notre Ere, ils envoyerent rendre hommage à l'Empereur de la Chine, & offrirent des fabres pour tribut. Les guerres civiles qui agitoient la Chine, vers la fin de la Dynaftie des Tcheou, ayant empêché qu'on ne portât du secours à ces Peuples, il pafferent fous la domination des Hiong-nou, qui paroiffent avoir été les Huns, & qui formoient alors une puiffance formidable. Les Chinois perdirent & reprirent plufieurs fois le pays de Ha-mi. En 131, fixieme année du regne de Chun-ty,

Hh

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