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bons foldats, braves, endurcis à la fatigue, & très-adroits

dans tous les exercices du corps; mais ils font inconftans, Dupays de Ha-mi prennent feu aisément, & deviennent féroces & fanguinaires dans leur colere.

CES

ARTICLE V I.

Des Iles de Lieou-kieou.

Es isles, peu connues jufqu'ici de nos Géographes, qui

kieou

fe font contentés d'en marquer l'existence & la latitude dans Des ifles de Licou-leurs Cartes, forment un Empire puissant, étendu, civilifé, dont on ne doit point confondre les Peuples avec la plupart des Nations fauvages répandues dans les ifles de l'Inde. Un Mémoire du P. Gaubil, Jéfuite, va nous fournir, fur ces Infulaires, quelques détails intéreffans, qu'il a lui-même puifés dans une Relation Chinoise, publiée en 1721, à la fuite d'un voyage, dont voici l'occafion. L'Empereur Kang-hi ayant réfolu, en 1719, d'envoyer un Ambassadeur au Roi de Lieou-kieou, fixa fon choix pour cette commission sur l'un des grands Docteurs de l'Empire, nommé Supao-koang. Ce Lettré partit de la Chine en 1719, & revint en 1720 à Peking, où, l'année fuivante, il fit imprimer en deux volumes la Relation de fon voyage. Il est le premier qui ait donné une connoiffance exacte & détaillée de ces ifles; & ce qu'il en rapporte paroît mériter d'autant plus de foi, qu'étant lui-même fur les lieux, il a, dit-il, examiné avec foin, ainfi que le portoient les ordres de l'Empereur, tout ce qu'il a trouvé de curieux & d'inté

reffant fur le nombre, la fituation, l'Hiftoire natuDes ifles de Licou- relle des ifles de Lieou-kieou, & fur les Annales, la Religion, la Langue, les mœurs & les usages des Peuples qui les habitent.

kieou.

Ces ifles, placées entre la Corée, l'ifle Formofe & le Japon, font au nombre de trente-fix. L'ifle capitale ou la grande ifle s'appelle Lieou-kieou; les autres ont chacune un nom particulier. La grande ifle a du midi au nord près de 440 lys (*), & 120.0u 130 lys d'orient en occident; mais du côté du fud, cette étendue d'occident en orient n'eft pas de 100 lys. La partie occidentale & australe de l'ifle, où réfide la Cour, s'appelle Cheouli: c'est là qu'eft bâtie la ville royale, nommée Kint-ching. Sur une montagne voifine, s'éleve le palais du Roi, auquel on donne quatre lys de tour. Il a quatre grandes portes qui correfpondent aux quatre points cardinaux du Monde; celle de l'occident forme la grande entrée. La vue dont on jouit du haut de ce palais, est des plus vastes & des plus agréables; elle s'étend fur le port de Napakiang, distant de dix lys, fur la ville de Kint-ching, fur un grand nombre d'autres villes, de bourgs, villages, palais, temples, bonzeries, jardins, maisons de plaifance, &c. La longitude de ce palais eft de 146° 26', & fa latitude de 26° 2.

Si l'on en croit les Infulaires de Lieou-kieou, l'origine de leur Empire fe perd dans l'antiquité la plus reculée. Ils comptent ving-cinq Dynafties fucceffives, dont la

(*) Le lys, comme nous l'avons déjà dit, eft la mesure itinéraire des Chinois. Deux cents lys font vingt licues marines, ou un degré de grand cercle. durée

kieou.

durée forme un période de plus de dix-huit mille ans. Il est inutile de s'arrêter à montrer le ridicule de ces pré- Des illes de Licoutentions. Ce qu'il y a de certain, c'eft qu'on ne connoît à la Chine l'exiftence, d'un pays appelé Licou-kieou que depuis l'an 605 de l'Ere chrétienne. Ce fut dans le cours de cette année qu'un des Empereurs de la Dynastie Souï, ayant entendu parler de ces ifles, voulut en connoître la fituation. Ce Prince y envoya d'abord des Chinois; mais cette premiere démarche fut inutile', le défaut d'Interpretes ne leur ayant point permis d'y acquérir les connoiffances qui étoient l'objet de leur voyage. Ils amenerent seulement avec eux quelques Infulaires à Sigan-fou, capitale de la province de Chen-fi, & résidence ordinaire des Empereurs, fous la Dynastie Souï. Il arriva, par un hafard heureux, qu'il fe trouva alors à la Cour un Ambassadeur du Roi du Japon. Cer Ambaffadeur & fes gens connurent d'abord que ces Etrangers, nouvellement arrivés, étoient des Infulaires de Lieoukieou; mais ils ne parlerent de ces ifles que comme d'un pays pauvre, miférable, & dont les habitans étoient encore barbares. L'Empereur Chinois apprit enfuite que l'ifle principale étoit à l'orient de la ville qu'on appelle aujourd'hui Fou-tcheou-fou, capitale de la province de Fo-kien, & que dans un trajet à peu près de cinq jours, on pouvoit se rendre à la grande isle, où le Roi tenoit fa Cour.

Sur ces premieres connoiffances, l'Empereur Yang-ti envoya aux ifles de Licou-kicou des gens habiles, fuivis d'Interpretes, pour fommer le Prince de faire hommage à l'Empereur de la Chine, & de lui payer le tribut. Cette

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kicou.

fit

propofition fut fort mal reçue. Le Roi de Licou-kieou Des ifles de Licou- renvoya les Chinois, en leur répondant, avec fierté, qu'il ne reconnoiffoit aucun Prince au deffus de lui. Cette réponse irrita l'Empereur, qui, pour s'en venger, auffi-tôt équiper une flotte dans le Fo-kien, für laquelle il fit embarquer dix mille hommes de troupes. Cette flotte mit à la voile, & fe rendit heureufement au port. de Napa-kiang. L'armée, malgré les efforts des Infulaires, fit la defcente dans l'ifle; & le Roi, qui s'étoit mis à la tête de fes troupes pour repouffer l'ennemi, ayant été tué dans le combat, les Chinois pillerent, faccagerent & brûlerent la ville royale, firent plus de cinq mille efclaves, & reprirent la route de la Chine..

Les Empereurs de la Dynaftie des Tang, ceux des cinq petites Dynafties suivantes, & ceux de la Dynastie des Song, quoique pleinement inftruits de tout ce qui regardoit les ifles Lieou kieou, ne firent aucune tentative pour se les rendre tributaires. En 1291, Chi-tfou, Empereur de la Dynaftie des Yven, voulut faire revivre fes prétentions. Il fit équiper une flotte pour aller fubjuguer ces ifles; mais ces projets de conquêtes n'étoient plus du goût des Chinois, depuis le défaftre de leur armée dans leur expédition contre le Japon. La flotte de Chi-tfou n'alla que jufqu'aux ifles de Pong-hou, & à la côte occidentale de Formofe, d'où, fous divers prétextes, elle revint dans les ports de Fo-kien.

Ce ne fut qu'en 1372, fous le regne de Hong-vou, Fondateur de la Dynastie des Ming, que ces ifles fe foumirent volontairement à la domination Chinoife. Hong-vou avoit envoyé un des Grands de fa Cour à

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Tfay-tou, qui régnoit alors à Lieou-kieou, pour lui faire part de fon avénement à l'Empire. Le Seigneur Chinois Des ifles de Liegu avoir reçu des inftructions particulieres fur fa commiffion; il s'en acquitta avec toute l'adreffe & l'intelligence d'un Miniftre habile. Dans une audience particuliere qu'il eut de Tfay-tou, il exhorta ce Prince à fe déclarer tributaire de la Chine, en lui exaltant les avantages qu'il devoit retirer de cette démarche. Ses raisons, foutenues d'une éloquence naturelle, firent une telle impreffion fur l'efprit de Tsay-tou, qu'il accepta la proposition, & fit fur le champ demander à l'Empereur l'inveftiture de ses Etats.

Hong-vou reçut ces Envoyés avec magnificence, & les combla de préfens, tant pour eux-mêmes que pour leur Maître. Il déclara folennellement Tsay-tou tributaire de la Chine, & après avoir reçu fon premier tribut, qui consistoit en plusieurs chevaux de prix, en bois de fenteur, foufre, cuivre, étain, &c. il envoya lui-même à ce Prince un sceau d'or, & confirma le choix qu'il avoit fait de l'un de fes fils pour fon fucceffeur à la couronne. L'Empereur fit paffer enfuite à Lieou-kieou trente-fix familles Chinoises, prefque toutes de la province de Fo-kien. Tfay-tou les reçut, leur diftribua des terres à Kieou-mi, près du port de Napa-kiang, & leur affigna des revenus, en même temps que Hong-vou leur faifoit paffer des appointemens confidérables. Ce font ces familles qui introduifirent les premieres à Licou-kieoù la Langue favante des Chinois, l'ufage de leurs caracteres, & les cérémonies ufitées à la Chine en l'honneur de Confucius. D'un autre côté, les fils de plufieurs Grands

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