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naufrage, le temps étoit doux & ferein; j'y apperçus

» de tous côtés des tournoiemens d'eau, dont le centre Climat de la Chine; » entraînoit au fond les ordures de la riviere, avec des fes montagnes, fes lacs, fes rivieres. » bouillonnemens de fable. Au deffous de ces bouillon» nemens, l'eau étoit rapide, mais fans aucune chute d'eau. » Dans l'autre endroit qui eft plus bas, & où la riviere reprend fa grandeur naturelle, on n'y apperçoit point » de tournoiemens, mais des bouillonnemens de fable, » & la rapidité de la riviere est accompagnée de chutes » d'eau: on y voit des efpeces de petites ifles à quelque » distance les unes des autres. Ce n'est point de la terre qui paroît fur la furface de l'eau, ce font des bran"ches d'arbres, des racines, des rofeaux, des herbes » liées ensemble. Un Chrétien de ce lieu là, qui étoit "fur ma barque, me les fit remarquer, & me dit que » ces branchages fortoient de deffous l'eau, fans qu'on pût favoir d'où ils venoient; & que ces maffes, qui » avoient sept à huit toises de face du côté par où nous » les dépaffàmes, étoient immobiles, & tenoient au fond » de l'eau fans flotter; qu'il étoit dangereux d'en approcher " de trop près, parce que l'eau bouillonnoit tout autour; » que cependant, quand les eaux étoient fort baffes, les » Pêcheurs se hasardoient à aller prendre ce qui furnageoit, pour s'en fervir en guise de bois de chauffage. » Voici ma conjecture. Je juge qu'à l'endroit de la » riviere qui est au dessus de Ché-pai, l'eau entre dans » des gouffres de fable qu'elle fait bouillonner, & qu'elle » coule fous terre jusqu'à l'endroit qui eft huit à neuf lieues » au dessous, d'où elle fort en pouffant avec force les » ordures qu'elle a précipitées avec elle dans le premier

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Climat de la Chine; fes montagnes, fes

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endroit, & forme ainfi ces islots d'herbes & de branchages qu'on y apperçoit. On connoît des rivieres qui lacs, fesrivieres. » se perdent entiérement ou en partie dans la terre, & » vont fortir ailleurs; mais je ne crois pas qu'on ait encore » entendu parler de rivieres dont une partie se perde fous » fon propre lit, pour aller s'y rendre à quelques lieues

23.

» de là «.

Population de la
Chine.

ARTICLE I I..

Population de la Chine..

LES
Es anciennes préventions de l'Europe contre la Chine
ne font pas encore abfolument détruites : quelque multi-
pliées que foient les Relations & les Ecrits qui nous ont
été donnés sur cet Empire, quelque unanimes que foient
les témoignages des Relateurs François, Italiens, Efpa-
gnols, Ruffes, Allemands, nous n'en croyons pas moins
que l'exagération se mêle à la vérité dans tout ce que
ces Voyageurs nous racontent de ce peuple éloigné. Un
des points qui ont trouvé le plus d'incrédules & de con-
tradicteurs en Europe, eft fur-tout la prodigieufe popu
lation de la Chine. Le P. Amiot a cru devoir difcuter

ce fait, qu'on n'avoit examiné jufqu'ici que d'une ma-
niere assez vague. Il réfulte de fes calculs, que la Chine
contient, au moment où nous écrivons, deux cent mil-
lions d'habitans. Cette énorme population peut étonner;
mais elle ceffera de paroître exagérée, lorfqu'on aura pesé

les

preuves & fuivi les raisonnemens qu'emploie cet habile & favant Miffionnaire. Les faits & les dénombremens qui fervent de base à cette intéreffante discussion, sont

tirés d'un Livre Chinois, intitulé Tai-tfing y-toung-tche.

Chine.

- Indication de ce qu'il y a d'effentiel à favoir fur la Chine. Population de la Cet Ouvrage a été fait & rédigé par ordre de l'Empereur actuel KIEN-LONG, & publié la huitieme année de fon regne, en plus de cent tomes renfermés fous vingtquatre tao ou enveloppes. Cet Ecrit Chinois eft un de ceux qui fe trouvent à la Bibliotheque du Roi.

Le Livre Y-toung-tche n'indique que le nombre des contribuables de chaque province de l'Empire; mais en connoiffant ce nombre, on peut établir à peu près celui de tous les individus qui compofent la nation.

Etat des Contribuables exiftans dans les différentes provinces de la Chine, la huitieme année du regne de Kien-long, c'est-à-dire, en 1743.

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Chine.

Mais il faut obferver que par le mot Contribuables, que Population de la le Code politique des Chinois exprime par celui de Jin-ting, on n'entend que les feuls chefs des familles. Quand il s'agit de défigner le nombre des individus, les Chinois fe fervent du terme de bouches, & difent, par exemple, cette ville, ce bourg, ce hameau renferment tant de bouches. Qu'une famille foit compofée de dix bouches, qu'elle n'en contienne que cinq ou que deux, le nom du Chef est le seul qui foit infcrit, parce que c'eft le chef feul qu'on affigne pour la contribution. On ne compte ni les femmes, ni les enfans, ni les domestiques, & encore moins les efclaves. Les Chinois ne croient pas s'écarter d'une juste estimation, en affignant le nombre de fix bouches pour chaque famille. D'ailleurs une longue expérience a convaincu les Mandarins, chargés de faire le dénombrement du peuple, foit dans les grandes, foit dans les petites villes, qu'il faut s'en tenir à cette évaluation, qui est la plus exacte pour la Chine. Mais contentons-nous d'une évaluation moindre, & ne fuppofons que cinq bouches dans chaque famille Chinoise. En multipliant par cinq le nombre des contribuables ou chefs de famille dont le Tribunal des Subfides fournit l'état à l'Empereur en 1743, nous aurons pour le total des bouches qui compofent les familles contribuables, cent quarante-deux millions cinq cent quatre-vingt-deux mille quatre cent quarante 142,582,440.

Le P. Amiot affure qu'il n'exagéreroit certainement pas en difant que ce nombre n'eft tout au plus que la moitié de celui qui comprend tous les habitans de la Chine. Pour fe mettre à portée d'en juger, il eft nécessaire d'entrer dans des détails & de faire les obfervations fuivantes.

Chine.

Parmi les contribuables on ne compte point les Mandarins; & ces Mandarins, dans une auffi grande étendue de Population de la pays que celle que comprend la Chine, doivent être & font en effet en très-grand nombre. Nous ne nommerons que les principaux, c'est-à-dire, ceux qui tiennent un rang dans l'Etat, & qui ont fous leurs ordres une foule de fubalternes, lefquels jouiffent comme eux du privilége de l'exemption. Ces principaux Mandarins font les Gouverneurs généraux des provinces, dont onze portent le titre de Tfong-tou, & quinze celui de Hiun-fou. Après eux font les Tréforiers généraux, au nombre de dix-neuf; viennent enfuite les dix-huit Lieutenans généraux du Tribunal des crimes; les dix-fept Infpecteurs-Juges de ce qui concerne les Lettrés; les quatre-vingt-treize Commiffaires ambulans, chargés de veiller fur la conduite des Gouverneurs particuliers des villes, &c. Tous ces grands Mandarins ont fous eux des Mandarins de différens titres, qui font comme leurs Affeffeurs ou Confeillers, & qui les aident dans l'administration des affaires de leurs refforts respectifs. Les Tréforiers généraux ont fous eux vingt-trois Mandarins. Les Lieutenans généraux du Tribunal des crimes. ont quatorze Affeffeurs les affaires générales, pour dix-huit pour vifiter les prifons, & vingt-fept pour faire les informations juridiques. Les Commiffaires ambulans commandent à onze Mandarins, qui doivent leur rendre compte de l'état où se trouvent les magasins publics qu'ils doivent vifiter.

Après tous ces Officiers, qui ont une inspection générale fur toutes les provinces de l'Empire, viennent les Gouverneurs des villes du premier, du fecond & du troisieme ordre.

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