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très-recherchée des Chinois : on prétend que le thé, préparé dans ces vases, en reçoit une qualité fupérieure: on préfere cette fimple poterie à la plus brillante porcelaine.

Tchin-kiang-fou est une clef de l'Empire du côté de la mer, & en même temps une place forte où il y a toujours une nombreuse garnison. Sa fituation, fon commerce & la beauté de ses murailles la diftinguent avantageusement des autres villes de la province; mais sa jurisdiction est très-bornée, car elle n'a d'autorité que fur trois villes du troisieme ordre.

Hoai-ngan-fou eft fituée dans un lieu marécageux, & fermée d'un triple mur: comme le fol de la ville est plus bas que celui du canal, on y vit dans la crainte continuelle que quelque crue d'eau extraordinaire ne submerge

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pays. Le fauxbourg s'étend & s'avance des deux côtés du canal, jusqu'à la distance d'une grande lieue, & forme à fon extrémité une espece de port fur le fleuve Hoang-ho. Ce lieu est très-peuplé, & tout y annonce le tumulte & l'activité d'un grand commerce: c'est là que réfide un de ces grands Mandarins qui ont l'infpection fur les eaux & la navigation, & qui font chargés de faire parvenir à la Cour les provifions qui lui font néceffaires. Cette ville en contient onze autres dans fon reffort, dont deux font du fecond ordre & neuf du troifieme.

Yang-tcheou jouit d'un air doux & tempéré ; les campagnes en font riantes & fertiles. Cette ville est très-peuplée, & a deux lieues de circuit; comme elle est toute entrecoupée de canaux, on y compte vingt-quatre ponts de pierres à plusieurs arches. La foule eft en tout temps fi grande fur le pont qui communique au fauxbourg oriental, qu'il

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de Kiang-nan.

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s'eft trouvé trop étroit, & l'on a été obligé d'établir un bac à trente pas plus loin, qui fuffit à peine à l'affluence des paffagers, quoique cette traversée ne foit que de vingt pas.

Les habitans de cette ville paffent pour très-voluptueux; ils font le commerce de femmes ; ils élevent avec soin un certain nombre de jeunes filles, auxquelles ils font apprendre à chanter, à peindre, à jouer des inftrumens, & tous les exercices propres à leur fexe; ils les vendent enfuite fort cher à de grands Seigneurs, qui les mettent au rang de leurs concubines (*).

Ngan-king-fou eft la capitale de la partie occidentale de la province; la fituation en eft charmante; elle a un Vice-Roi particulier, qui y tient une grosse garnison dans un fort bâti fur les bords du fleuve Yang-tfe-kiang. Cette ville eft très-considérable par fon commerce & par fes richesses; c'est le paffage de tout ce qui vient du midi de la Chine à Nan-king: tout le pays qui en dépend est uni,

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(*) Yang-tcheou où nous paffâmes, dit le même Miffionnaire que nous avons cité en parlant de Nan-king, » eft auffi une des plus belles & des plus grandes » villes que nous ayons vues. Les Fermiers du fel y ont bâti pour l'Empereur une maifon de plaifance qui furprend d'autant plus, que jufqu'alors on n'a rien vu qui la vaille; c'eft la copie de Hai-tien, autre maison de campagne à deux lieues » de Pe-king, où l'Empereur demeure ordinairement. La maison de plaisance d'Yang-tcheou occupe plus de terrein que la ville de Rennes; c'eft un amas de » monticules & de rochers qu'on a élevés à la main; de vallons, de canaux, tantôt » larges, tantôt étroits, tantôt bordés de pierres de taille, tantôt de roches ruftiques femées au hafard; d'une foule de bâtimens, tous différens les uns des » autres, de falles, de cours, de galeries ouvertes & fermées, de jardins, de » parterres, de cafcades, de ponts bien faits, de pavillons, de bofquets, d'arcs de triomphe. Chaque morceau n'eft que joli & de bon goût; mais c'est la » multiplicité des objets qui frappe, & qui fait dire à la fin: Voilà une demeure » pour un bien grand Maître! d§.

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agréable & fertile. Elle n'a dans son reffort que fix villes du troifieme ordre.

Hoei-tcheou eft la ville la plus méridionale de la province, & l'une des plus riches de l'Empire; le peuple y est économe & se contente de peu, mais il est hardi & entreprenant dans le commerce: on vante fon thé, fon vernis, fon encre & fes gravures, qui font en effet les plus recherchées à la Chine. Elle a fous fa dépendance fix villes du troisieme ordre; les montagnes qui entourent ce canton renferment des mines d'or, d'argent & de cuivre.

Ning-koue-fou n'a de remarquable que ses manufactures de papier, qu'on fabrique de la substance d'une espece de rofeaux. Elle a fous fa jurisdiction fix villes du troisieme ordre.

Tchi-tcheou-fou n'offre qu'un fol montueux; fa principale ressource est dans fa fituation fur le bord du Kiang. Elle a dans fon district fix villes du troifieme ordre.

Tai-ping-fou eft pareillement bâtie fur le Kiang, & ses campagnes font arrofées de quantité de rivieres navigables, ce qui la rend très-opulente. Son reffort ne contient que trois villes, dont Vou-hou-hien est la plus confidérable par fes richesses.

Fong-Yang-fou est située sur une montagne qui domine le fleuve Jaune, & renferme plusieurs côteaux fertiles dans l'enceinte de fes murailles. Son reffort est fort étendu, car il comprend dix-huit villes, dont cinq font du fecond ordre & treize du troifieme. Comme c'étoit le lieu de la naissance de l'Empereur Hong-vou, Chef de la dynastie précédente, ce Prince conçut le deffein de la rendre célebre, & d'en faire une ville fuperbe, pour y établir le fiége de

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de Kiang-nan.

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fon Empire. Après avoir chaffé de la Chine les Tartares Occidentaux qui s'en étoient emparés, il vint Y établir fa Cour, & nomma la ville Fong-yang, c'est-à-dire, lieu de la fplendeur de l'aigle. Son deffein, comme nous l'avons dit, étoit de l'embellir & de l'étendre; mais l'inégalité du terrein, la difette d'eau douce, & encore plus la proximité du tombeau de fon pere, lui firent changer de résolution. De l'avis unanime de ses principaux Officiers, ce Prince transféra sa Cour à Nan-king, lieu plus commode & plus beau. Dès qu'il eut pris fon parti, tous les ouvrages cefferent; le palais Impérial qui devoit avoir une triple enceinte, les murs auxquels on vouloit donner neuf lieues de circuit, les canaux qu'on creusoit, tout fut abandonné, excepté trois monumens qui furent achevés & qui fubfiftent encore: leur magnificence & leur grandeur donnent assez à connoître quelle eût été la beauté de cette ville, fi cet Empereur eût fuivi fon premier projet.

Le premier de ces monumens eft le tombeau du pere de Hong-vou; rien ne fut épargné pour fa décoration : on le nomme Hoang-lin, ou tombeau Royal.

Le second est un donjon bâti au milieu de la ville, en forme de carré long, & qui a cent pieds de hauteur; c'est, dit-on, le plus élevé qui foit à la Chine.

Le troisieme est un temple superbe, érigé au Dieu Fo. Ce n'étoit d'abord qu'une pagode où Hong-vou, après avoir perdu fes parens, se retira, & où il fut admis en qualité de valet de cuifine; mais s'étant bientôt ennuyé de ce genre de vie, il s'enrôla fous l'étendard d'un Chef de bandits révoltés contre les Tartares. Comme il avoit du courage & de l'intrépidité, le Général le choifit fon gendre;

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peu après il fut déclaré fon fucceffeur, par les fuffrages unanimes des troupes. Ce nouveau Chef, se voyant à la tête d'un gros parti, ofa porter ses vûes jufqu'au trône. Les Tartares, informés du progrès de ses armes, mirent une armée nombreuse en campagne; mais il les prévint & les attaqua fi brusquement, qu'il les obligea de prendre la fuite: ceux-ci étant revenus plusieurs fois à la charge, il les défit toujours, & ne ceffa de les poursuivre que quand il les eut entiérement chaffés de la Chine.

Auffi-tôt qu'il fut parvenu à l'Empire, il fit élever, par reconnoiffance pour les Bonzes qui l'avoient accueilli dans fa mifere, le temple superbe dont nous parlons; il leur affigna des revenus pour entretenir commodément jusqu'à trois cents perfonnes, fous un Chef de leur Secte qu'il conftitua Mandarin, avec pouvoir de les gouverner indépendamment des Officiers de la ville.

Ce pagode s'eft foutenu tant qu'a duré la dynastie précédente; celle des Tartares Orientaux qui lui a fuccédé, l'a laiffè dépérir, & l'on n'y voit plus actuellement qu'une vingtaine de ces Prêtres d'idoles,-prefque réduits à la mendicité.

Lin-tcheou-fou, qui eft la derniere ville du premier ordre, n'est distinguée des autres que par la bonté de fes fruits, qui font en très-grande abondance. Son reffort eft compofé de huit villes, dont deux font du fecond ordre & fix du troisieme.

L'ifle de Tfong-ming appartient aussi à la province de Kiang-nan, dont elle n'eft féparée que par un bras de mer qui n'a pas plus de cinq ou fix lieues.

C'étoit anciennement un pays désert & sablonneux, où l'on reléguoit les bandits & les fcélérats. Les premiers qu'on

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