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Fertilité de la Chine; caufes des famines fréquentes qu'on y éprouve.

dans la capitale quantité de gibier & de poiffons glacés, ou habillés de glace, felon l'expreffion Chinoise.

La Corée ne fournit point de grains à la Chine. Les provinces de Kiang-nan & de Tche-kiang font bornées à l'orient par les mers du Japon; & quoique ces ifles ne foient éloignées du continent que de trois ou quatre journées, jamais aucun vaisseau Chinois ne s'est hasardé jusqu'ici à y aller chercher des vivres, foit que le Japon, déjà trop peuplé, n'en ait point de fuperflus, ou que, depuis qu'il a fermé fes ports, les Marchands étrangers y foient expofés à trop d'infultes.

La mer baigne au fud la province de Fo-kien, qui a vis-à-vis d'elle l'ifle Formofe. Lorsque la difette regne dans celle-ci, c'est encore à la Chine à lui fournir de grains.

La province de Quang-tong eft également terminée par la mer, & n'a rien au fud que des ifles & des terres éloignées. Une année que le riz y étoit fort cher, l'Empereur fit appeler le P. Parennin, Miffionnaire Jéfuite, & lui demanda fi la ville de Macao ne pourro: pas fournir du riz à celle de Canton, jufqu'à ce que celui qu'il y faifoit conduire des autres provinces y fût arrivé. Mais il fut fort furpris d'apprendre que Macao n'avoit de fon fonds ni riz, ni blé, ni fruits, ni herbes, ni troupeaux, & qu'elle tiroit généralement de la Chine tout ce qui lui étoit néceffaire pour sa subsistance. fa

Après avoir ainfi parcouru toutes les frontieres de ce vaste Empire, on voit que, dans les temps difficiles, il est fans aucune reffource du côté de fes voifins. Ce qui empêche la famine de régner en Europe, eft la libre

Fertilité de la Chine; caufes des famines fréquentes

circulation du commerce, & la facilité qu'a chaque province de tirer des grains de l'Etranger. Cet avantage manque à la Chine: ifolée à l'extrémité de l'Afie, ou entourée de peuples barbares, il faut qu'elle fe nourriffe elle-même, qu'on y éprouve. & qu'elle tire de fon propre fol de quoi faire subsister cette foule innombrable d'habitans que renferment fes provinces. C'est ce qui a fait auffi dans tous les temps l'objet des foins du Miniftere public. La Chine a toujours eu des greniers & des magafins établis dans les provinces & dans prefque toutes les villes un peu confidérables, pour le foulagement des peuples dans les temps de difette. On lit encore les Ordonnances & les Déclarations des anciens Empereurs, remplies des expreffions les plus tendres pour leurs fujets qui fouffrent : ils ne peuvent, difent-ils, ni boire, ni manger, ni prendre de repos, qu'ils n'aient foulagé la mifere publique.

Ces expreffions paternelles devoient être prifes à la lettre, du temps que les Chinois étoient gouvernés par des Empereurs de leur nation, qui regardoient leurs fujets comme leurs propres enfans. Aujourd'hui la théorie eft encore la même, les ordres fe donnent de la même maniere, & ils en impofent aifément dans les provinces à ceux qui les entendent publier. Mais à la Cour, on réduit à leur juste valeur tous ces termes brillans auxquels la pratique ne répond qu'à demi. C'est peut-être encore dans l'Empereur la même affection pour fes peuples; mais ce n'est plus le même zele dans les Officiers, dépofitaires de fes ordres & de fa volonté. Les délais & les lenteurs qu'on affecte dans l'envoi des fecours, empêchent prefque toujours qu'ils ne parviennent à propos. Quand la

famines fréquentes qu'on y éprouve.

récolte a manqué dans une province, avant que les ManFertilité de la darins, qui en ont le gouvernement, aient envoyé leurs Chire; caufes des mémoriaux à la Cour, qu'ils aient paffé par toutes les mains qui doivent les faire parvenir à l'Empereur, que le Prince ait fait assembler les Grands & les Tribunaux, qu'on ait nommé des Commiffaires, & que ceux-ci foient partis, les peuples qui fouffrent se consument, & mille infortunés périffent avant que les secours arrivent.

2o. Une autre cause de la difette des grains à la Chine, eft la prodigieufe confommation qu'il s'en fait tous les jours pour la compofition des vins du pays, & d'une espece d'eau-de-vie que les Chinois appellent raque. C'est une des grandes fources du mal, tant dans les provinces du fud que dans celles du nord : le Gouvernement ne l'ignore point, mais il n'emploie que de foibles moyens pour l'empêcher. On a fouvent, par exemple, publié des défenfes de fabriquer de la raque. L'ordre de la Cour est affiché par-tout, & annoncé dans les villes par les Gouverneurs. Des Officiers prépofés pour faire les visites, parcourent les laboratoires, détruisent les fournaux, fi l'on n'a rien à leur donner; mais fi le maître leur gliffe quelques pieces d'argent, ils ferment les yeux, & vont faire ailleurs le même manége. Le Mandarin fait quelquefois la vifite lui-même; on faifit les Ouvriers, on les met en prison; on les condamne au fouet, à porter la cangue (*); mais jamais à la mort. Ainfi les faiseurs de vin changent de demeure, fe cachent pendant quelque temps, & recommencent bientôt après leurs opérations.

(*) Efpece de fupplice, dont nous parlerons dans la fuite.

Fertilité de la Chine; caufes des famines fréquentes

Ce qui paroîtra fans doute de la derniere inconféquence, c'eft qu'on ne défend dans aucun endroit la vente de la raque & de ces vins factices. Il 'entre tous les jours à Pe-king une grande quantité de charrettes remplies de qu'ony éprouve. cette marchandife; on en paye le droit d'entrée à la porte, & elle se vend publiquement dans plus de mille boutiques, répandues dans la ville & dans les fauxbourgs. Si l'on vouloit efficacement l'exécution des loix qu'on porte contre ces liqueurs, ne feroit-on pas fermer les boutiques où l'on vend cette raque ? n'en défendroit-on pas le débit fous quelque peine févere, telle l'exil ou que une amende confidérable? Mais il faudroit que les Grands s'interdiffent les premiers l'ufage de ces boiffons, & il leur en couteroit trop pour donner cet exemple au peuple.

ARTICLE IV.

Mines de la Chine; métaux, pierres, terres, argiles, &c. LES Les montagnes de la Chine font en fi grand nombre & fituées fous des climats fi variés, qu'elles doivent renfermer des minéraux de toute efpece. On y trouve, en effet, d'abondantes mines d'or, d'argent, de fer, de cuivre, d'étain, de plomb, de mercure; des marbres, des cristaux, du cinabre, des pierres d'azur, &c. L'or & l'argent feroient beaucoup plus communs dans cet Empire, fi la politique Chinoife permettoit l'exploitation de toutes les mines qui recelent ces métaux; mais les Empereurs ont toujours craint, en offrant au peuple l'appât de ces richeffes fictives, de les détourner des travaux plus

Mines de la Chine, métaux, pierres, terres, argiles, &c.

métaux, pierres,

utiles de l'agriculture. Une grande partie de l'or qui exifte Mines de la Chine, à la Chine, fe recueille dans le fable des rivieres & des terres, argiles, &c. torrens qui defcendent des montagnes, fituées fur les limites occidentales des provinces de Se-tchuen & d'Yun-nan. Cette derniere province eft fur tout très-riche en mines d'argent. Les peuples Lo-los, dont nous avons déjà fait mention, & qui habitent la partie la plus voifine des royaumes d'Ava & du Pégou, doivent tirer beaucoup d'or de leurs montagnes, puifque leur ufage eft de renfermer une grande quantité de lames d'or dans les bieres des perfonnes illuftres qu'ils veulent honorer. Leur or n'est pas beau à la vue, peut-être parce qu'il n'est pas fuffifamment purifié. Il paroît que les Lo-los ne font pas plus habiles à fondre l'argent, qui est encore plus mêlé & plus noir, mais qui devient pur & auffi brillant que tout autre, lorfqu'il a paffé par le creufet des Ouvriers Chinois. Le meilleur or de la Chine & le plus cher, eft celui qu'on trouve dans les diftricts de Li-kiang-fou & de Yangtchang-fou. Comme l'or n'est pas monnoyé, on l'emploie dans le commerce, & il devient marchandise. La confommation de ce métal eft peu confidérable : il n'eft guere mis en œuvre que par les Doreurs ou pour de légers ornemens; il n'y a que l'Empereur feul qui ait une grande quantité de vaisselle d'or.

Les mines de fer, de plomb, d'étain, doivent être trèscommunes & très-abondantes, puifque ces métaux fe donnent à bas prix dans toute l'étendue de l'Empire. M. Dortous de Mairan avoit demandé au P. Parennin s'il existoit quelques monumens qui puffent déterminer l'époque où l'ufage du fer avoit été introduit à la Chine. Ce célebre Miffion

naire

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