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Arbres, arbrif feaux, plantes de

vent point d'eux-mêmes fur ces arbres; il faut les y appli-
quer. Mais cette opération n'eft pas difficile, & dès qu'un
arbre en est garni, il les conferve toujours. Vers le com- la Chine.
mencement de l'hiver, on voit fur les Kan-la-chu, qui
ont déjà porté de la cire, croître de petites tumeurs qui
augmentent toujours jusqu'à ce qu'elles foient de la grof-
feur d'une petite noisette : ce font autant de nids remplis
d'œufs de ces petits infectes, appelés dans le pays, Pe-
la-tchong ou La-tchong. Quand la chaleur, au printemps,
eft
parvenue au point de faire épanouir les fleurs de
l'arbre, elle fait pareillement éclore les petits infectes.
C'est le temps propre où l'on doit appliquer des nids
aux arbres qui n'en ont pas. On fait de petits paquets ou
faisceaux de paille, fur chacun defquels on place fept ou
huit nids; on attache enfuite ces paquets aux branches,
en observant de placer les nids immédiatement fur l'écorce.
Si l'arbriffeau a cinq pieds de haut, il peut fupporter un
ou deux paquets fur chacune de fes tiges; & ainfi des
autres, à proportion de leur force & de leur vigueur.
Dès que ces infectes font éclos, ils courent fur les
branches, se répandent fur les feuilles, & cherchent à
percer l'écorce fous laquelle ils fe retirent volontiers,
mais d'où ils fortent au temps marqué pour fabriquer
leur cire.

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C'eft vers le milieu de Juin que cette cire commence à fe déclarer fur les Kan-la-chu. On n'y apperçoit d'abord que quelques filamens d'une laine fine & déliée, qui s'éleve fur l'écorce tout autour de l'infecte. Peu à peu ces filamens forment un duvet qui s'épaiffit, & dont le volume augmente de plus en plus pendant les chaleurs de l'été.

Cette croûte couvre entiérement le corps des La tchong, Arbres, arbrif- & les défend tout à la fois du chaud, de la pluie & des feaux, plantes de fourmis. Les Chinois affurent que fi on laiffoit trop longla Chine.. temps la cire fur l'arbre, les insectes ne feroient point leurs nids. Il faut avoir foin de la recueillir avant les premieres gelées blanches de Septembre.

*

Cette cire est blanche, luifante, & conferve fa transparence jufqu'à l'épaiffeur d'un pouce. On la porte à la Cour, où elle est réservée pour l'ufage de l'Empereur, des Princes & des premiers Mandarins. Si on en mêle une once avec une livre d'huile, ce mélange prend de la confistance, & forme une cire peu inférieure à la cire d'abeilles. Les Médecins même l'emploient dans le traitement de plufieurs maladies: appliquée fur les plaies, elle en fait renaître les chairs en très-peu de temps. On affure encore qu'un grand nombre de Chinois, lorfqu'ils doivent parler en public, ou fe trouver dans des occafions où ils ont befoin d'affurance & de fermeté, mangent une once de cette cire, pour prévenir les défaillances & les palpitations de cœur.

Le Tfi-chu, ou l'arbre du vernis.

Nous avons cru long-temps en Europe que le célebre vernis des Chinois n'étoit qu'une compofition particuliere, dont ces peuples avoient le fecret. Nous favons aujourd'hui qu'ils ne doivent qu'à la Nature & à leur climat cette liqueur précieuse qui donne tant de luftre & d'éclat à leurs petits ouvrages. Le vernis de la Chine n'est autre chofe en effet qu'une gomme roufsâtre, qui découle de certains arbres, appelés Tfi-chu. Ces arbres croiffent dans

les

les provinces de Kiang-fi & de Se-tchuen: ceux qui se trouvent dans le territoire de Kan--tcheou, l'une des villes les plus méridionales du Kiang-fi, donnent le vernis le plus eftimé.

On affure que le Tfi-chu, dont la feuille & l'écorce reffemblent affez à celles du frêne, ne porte ni fleurs ni fruits. Il s'éleve rarement à plus de quinze pieds de haut, & la groffeur de fon tronc eft alors d'environ deux pieds & demi de circonférence. Voici la maniere dont s'y prennent les Chinois pour multiplier cette efpece d'arbres. Ils choififfent au printemps un rejeton vigoureux, qui forte immédiatement du tronc, & qui soit & qui foit à peu près de la longueur d'un pied. Ils enduisent sa partie la plus inférieure, par laquelle il tient à l'arbre, d'une forte de terre jaune qui doit avoir au moins trois pouces d'épaiffeur. On couvre avec foin cet enduit, & on l'enveloppe d'une natte pour le défendre de la pluie & des intempéries de l'air. Vers l'équinoxe d'automne, on découvre un peu de cette terre, pour observer en quel état font les petites racines qu'a pouffées le rejeton. Si l'on trouve que les filamens qui compofent ces racines foient de couleur rouffâtre, on juge qu'il eft temps de faire l'amputation; mais on la differe s'ils font blancs, parce que cette couleur indique qu'ils font encore trop tendres. Il faut alors refermer l'enduit, & attendre jusqu'au printemps fuivant. On met en terre le rejeton, dès qu'il eft féparé du tronc de l'arbre; mais dans quelque faifon qu'on le plante, foit au printemps, foit en automne, il faut observer de mettre beaucoup de cendre dans le trou qu'on a préparé, parce que, fans cette précaution, les fourmis dévoreroient les

Tt

Arbres, arbriffeaux, plantes de

la Chine.

Arbres, arbriffeaux, plantes de la Chine.

racines encore tendres, ou du moins en exprimeroient tout le fuc, & les feroient fécher.

Les Chinois ne tirent point le vernis du Tfi chu avant que fon tronc n'ait à peu près cinq pouces de diametre, groffeur qu'il n'acquiert qu'à l'âge de fept à huit ans. Le vernis qu'on tireroit d'un arbre plus foible ou plus jeune, n'auroit ni le même éclat ni la même folidité. Cette liqueur ne distille que pendant la nuit, & durant la feule faifon de l'été; elle ne coule point pendant l'hiver, & le vernis que l'arbre donne au printemps & dans l'automne, est toujours mêlé de beaucoup d'eau.

Pour faire couler cette gomme, on pratique autour du tronc plufieurs rangs d'incisions, dont on proportionne le nombre à la vigueur de l'arbre. Le premier rang est à fept pouces de terre, & les fuivans à la même distance les uns des autres, en continuant jufqu'au haut du tronc, & même jufque fur les fortes branches qui font d'une groffeur fuffifante. Les Chinois fe fervent d'un fer recourbé pour ouvrir ces incisions, qui doivent être un peu obliques, & auffi profondes que l'écorce eft épaiffe; ils les font d'une feule main, & tiennent de l'autre une coquille dont ils inferent auffi-tôt les bords dans l'entaille faite à l'arbre: cette coquille s'y foutient fans aucun autre appui. Ces incifions fe font vers le foir, & le lendemain matin on va recueillir le vernis qui a coulé dans les coquilles; le foir on les infere de nouveau, & l'on continue de la même maniere jufqu'à la fin de l'été. Mille arbres donnent à peu près par nuit vingt livres de vernis.

Ce ne font point ordinairement les propriétaires de ces arbres qui en font tirer le vernis, mais des Mar-.

chands qui traitent dans la saison avec ces propriétaires,

feaux, plantes de

à raison de cinq fous par pied. Ces Marchands louent Arbres, arbrifenfuite des Ouvriers, auxquels ils donnent mois une la Chine. par once d'argent, tant pour leur travail que pour leur nourriture: un de ces Ouvriers fuffit pour cinquante pieds d'arbre.

Le vernis, lorfqu'il coule, exhale des vapeurs malignes, dont les Ouvriers ne fe garantiffent qu'en usant de préservatifs & de beaucoup de précautions. Le Marchand qui les emploie eft obligé de tenir toujours chez lui un grand vase rempli d'huile de rabette, dans laquelle on a fait bouillir une certaine quantité de ces filamens charnus qui fe trouvent mêlés dans la graiffe de porc, & qui ne fondent point avec le fain-doux. Lorsque les Ouvriers vont adapter les coquilles aux arbres, ils emportent avec eux un peu de cette huile, dont ils se frotrent le visage & les mains; ce qu'ils pratiquent avec plus d'exactitude encore quand ils ont recueilli le matin le vernis qui a découlé pendant la nuit. Après le repas, ils se lavent tout le corps d'une eau chaude, dans laquelle on a fait bouillir des écorces de châtaignes & de bois de fapin, du falpêtre criftallifé, & quelques autres drogues. Lorfqu'ils font occupés autour des arbres, ils s'enveloppent la tête d'un petit fac de toile, auquel on a pratiqué deux trous, & fe couvrent le devant du corps d'une espece de tablier, fait de peau de daim paffée, qu'ils suspendent au cou par des cordons, & qu'ils affujettissent avec une ceinture. Ils chauffent des bottines, & portent aux bras des gants faits de la même peau. Les plus funestes effets puniroient bientôt l'Ouvrier téméraire qui oferoit

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