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pulvérisé, & dans d'autres, on y trouvoit une trèspetite noisette parfaitement feche, & à demi-couverte » de fa premiere pellicule. Parmi ces fruits, on en voit » un grand nombre qui n'ont point de germe, & qu'on appelle fruits femelles. Ceux qui ont un germe peu» vent fe femer, & il en naît des arbres; mais les » Chinois fe fervent ordinairement de greffes, & en » font des plants. Pour mieux connoître la nature de » cet arbre, j'eus la curiofité de goûter l'écorce du » tronc & des branches; je mâchai auffi du bois & des » fibres; l'un & l'autre me parurent fans aucune amer» tume, & même, fur la fin, j'y trouvai un goût de réglisse assez agréable, mais très-peu sensible «.

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Les Chinois diftinguent plusieurs efpeces de thé qu'on peut réduire à quatre favoir, le Song-lo Tcha, le Vou-y Tcha, le Lou-ngan Tcha, & le Pou-eul Tcha.

Le premier tire fon nom de la montagne Song-lo, fituée dans la province de Kiang-nan, à la latitude de 30 degrés. Cette montagne n'est pas fort étendue, mais elle est entiérement couverte de ces arbriffeaux, qu'on cultive pareillement au pied des montagnes voisines. Le thé Song-lo est le même que nous appelons thé verd. On le cultive à peu près comme les vignes, & on le coupe à une certaine hauteur pour l'empêcher de croître. Il faut renouveler l'arbriffeau tous les quatre ou cinq ans, parce que, paffé ce terme, fa feuille fe durcit & devient âcre. La fleur qu'il porte eft blanche, & a la forme d'une petite rose compofée de cinq feuilles. Le Song lo Tcha, confervé pendant plusieurs années, s'emploie utilement comme remede dans plufieurs maladies.

Arbres, arbriffeaux, plantes de

la Chine

feaux, plantes de la Chine

Les Chinois de la province de Kiang-nan font les feuls Arbres, arbrif qui coupent les arbriffeaux de thé; car par-tout ailleurs on les laiffe s'élever à leur hauteur naturelle, qui va souvent jusqu'à dix ou douze pieds. Auffi, lorsque l'arbre eft encore jeune, a-t-on foin d'incliner & de faire pencher ses branches, pour pouvoir dans la fuite en cueillir plus aifément les feuilles. Cet arbriffeau croît fouvent fur le revers des montagnes, & dans des lieux efcarpés, dont l'abord eft communément dangereux, & quelquefois impraticable. Les Chinois, pour parvenir à en cueillir les feuilles, fe fervent d'un stratagême affez fingulier. Ces endroits efcarpés font ordinairement habités par une grande quantité de finges; ils agacent, ils irritent ces animaux, qui, pour fe venger, brifent les branches, & les font pleuvoir fur ceux qui les infultent. Les Chinois raffemblent auffi-tôt ces branches, & les dépouillent de leurs. feuilles.

Le Vou-y Tcha, que nous connoiffons sous le nom de Bohé, croît dans le Fo-kien, & prend auffi fon nom 'de la montagne Vou-y, fituée dans le district de Kienning-fou. Cette montagne eft une des plus célebres de la province; on y voit des maisons de plaisance, des temples & des ermitages de Bonzes de la Secte de Tao-kia, dont la résidence y attire un grand concours de peuple. Ces Prêtres adroits, pour faire croire à la multitude que cette montagne eft le féjour des Immortels, ont eu l'art de placer dans des fentes de rochers, & fur des hauteurs inacceffibles, des barques, des chariots, & autres pieces femblables: : ces ornemens, auffi bizarres qu'extraordinaires, frappent l'esprit du peuple crédule, qui s'imagine qu'une

pareille décoration ne peut être l'ouvrage que d'une puiffance furnaturelle.

Arbres, arbrif

la Chine.

Le Vou-y Tcha eft le thé le plus univerfellement eftimé feaux, plantes de dans tout l'Empire. Il est plus léger, plus ami de l'estomac, plus fuave & plus délicat au goût que le Song-lo. On lui attribue même les propriétés de purifier le fang, & de rétablir les forces épuifées. Il differe du Song-lo Tcha par la forme & la couleur de fes feuilles qui font plus courtes, mieux arrondies, noirâtres, & qui communiquent à l'eau une couleur jaune fans aucune âpreté. Les feuilles de l'autre font plus longues & plus pointues; leur décoction rend l'eau verte, & l'on s'apperçoit aifément par l'usage, que leur nature eft corrofive.

De ces deux premieres efpeces de thé, on en compofe trois autres fortes, qui résultent du choix des feuilles, & du temps où elles font cueillies. Celui qui ne contient que les feuilles tendres & nouvelles de jeunes arbriffeaux, s'appelle Mao Tcha ou thé impérial. C'est le plus délicat, & celui qu'on tranfporte à la Cour pour l'ufage de l'Empereur. Quoiqu'on ne le diftribue ordinairement qu'en préfens, on en trouve cependant fur les lieux mêmes qui ne coute que 40 à 50 fous la livre.

La feconde forte eft compofée de feuilles plus avancées; c'est le thé qu'on vend fous le nom de bon Vou-y Tcha. Les autres feuilles qu'on laisse ensuite groffir fur les arbriffeaux, forment la troifieme efpece, que le peuple achete à très-bon marché.

Les fleurs de l'arbriffeau fourniffent encore une autre efpece de thé; mais il faut le commander, & le payer un prix exceffif. L'ufage n'en eft point répandu, parce que

Arbres, arbriffeaux, plantes de la Chine.

ces fleurs ne donnent qu'un thé foible, fans couleur, fans goût & fans vertu.

Le Lou-ngan Tcha, qui eft la troisieme des especes de thé que nous avons d'abord diftinguées, croît dans le voisinage de la ville Lou-ngan-tcheou. Il ne differe en rien du Song-lo, ni pour la configuration des feuilles, ni pour la maniere dont on le cultive; mais il n'en a point les qualités mal-faisantes. Il est moins échauffant, moins âpre, moins corrofif: effets qui réfultent fans doute de la diverfité des terroirs où il croît.

La quatrieme efpece se tire d'un village qu'on nomme Pou-eul, fitué dans la province d'Yun-nan, fur la frontiere des royaumes de Pégu, d'Ava, de Laos & de Tongking. Ce village est devenu considérable par fon commerce: on s'y rend de toutes parts; mais l'entrée en est défendue aux étrangers, à qui on ne permet que d'approcher du pied des montagnes pour y recevoir la quantité de thé qu'ils demandent. Les arbres qui portent ce thé font hauts, touffus, plantés fans ordre, & croiffent sans culture. Les feuilles en font plus longues & plus épaiffes que celles du Song-lo Tcha & du Vou-y Tcha; on les roule de la même maniere que nous roulons nos feuilles de tabac, & l'on en forme une maffe qui se vend à bon marché. Cette espece de thé est d'un usage fort commun dans les provinces d'Yun-nan & de Koei-icheou. Il n'a rien d'âpre au goût; mais il n'a point auffi ce parfum & cette faveur agréable qui diftinguent les autres thés. Sa décoction rend l'eau rougeâtre.

Je ne parle pas du Kaiel Tcha, dont ufent les Tartares Mongous, & qui n'eft que le rebut des feuilles de

Arbres, arbrif feaux, plantes de

différens thés, qu'on a laiffé durcir & qu'on mêle fans
choix. Ces peuples, qui ne fe nourriffent que de chair
crue, font fujets à de continuelles indigeftions dès qu'ils la Chine.
ceffent de faire usage du thé; ils en tirent confidérable-
ment de la Chine, & fourniffent en échange à l'Em-
pereur presque tous les chevaux qui fervent à remonter
fa cavalerie.

On ne doit pas confondre avec le véritable thé tout ce que les Chinois appellent du nom de Tcha. Ce qu'on vend, par exemple, dans la province de Chan-tong comme un thé délicat, n'est proprement qu'une mouffe qui croît fur des rochers, aux environs de la petite ville de Manging-hien. On diftribue dans quelques autres provinces boréales un thé semblable, qui n'est point compofé de véritables feuilles, quoique les Marchands le débitent fous le nom de Tcha-yé, feuilles de thé. Si cette délicieuse denrée fe falfifie à la Chine même, devons-nous préfumer que nous n'ayons en Europe qu'un thé pur & fans mélange? Peut-être ne favourons-nous, comme bien des Chinois, que la mousse des rochers de Meng-ing-hien.

Dès qu'on a fait la récolte des feuilles du thé, on les expose à la fumée d'une eau bouillante. On les passe enfuite fur des plaques de cuivre qu'on tient fur le feu, & qui les fechent peu à peu, jusqu'à ce qu'elles fe riffolent & se recoquillent, telles que nous les voyons lorfqu'on nous les apporte en Europe.

D'après le témoignage de Kampfer, la préparation qu'on donne au thé eft à peu près la même dans les ifles du Japon. On y trouve, dit ce Voyageur, des bâtimens publics, uniquement conftruits pour apprêter le thé nou

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