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Herbes & plantes médicinales de

nuits où ils fe trouvent, foit fur les rochers, foit dans
les bois. Les Mandarins leur envoient de temps en temps
quelques pieces de bœuf ou de gibier, qu'ils dévorent la Chine.
toutes fanglantes & à demi cuites. C'est ainfi
que ces dix
mille hommes paffent les fix mois de l'année que dure
la récolte du Gin-feng..

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» Les Médecins Chinois, dit le P. Jartoux, ont fait » des volumes entiers fur les propriétés de cette racine; » ils la font entrer dans prefque tous les remedes qu'ils » ordonnent aux grands Seigneurs, car elle eft d'un " trop grand prix pour le commun du peuple. Ils pré» tendent que c'est un remede fouverain pour les épui» femens caufés par des travaux exceffifs de corps ou d'efprit, qu'elle diffout les flegmes, qu'elle guérit la pleuréfie & la foibleffe des poumons; qu'elle arrête les » vomissemens, fortifie l'eftomac, aiguise l'appétit, diffipe » les vapeurs, anime les efprits vitaux, & produit de la lymphe dans le fang; enfin, qu'elle eft bonne pour » les vertiges & les éblouiffemens, & qu'elle prolonge „ la vie aux vieillards. On ne peut guere s'imaginer que "les Chinois & les Tartares faffent un fi grand cas de » cette racine, fi elle ne produifoit conftamment de » bons effets. Ceux même qui fe portent bien, en usent » fouvent pour fe rendre plus robuftes «<.

Le Gin-feng, malgré la grande quantité qui s'en tire de la Tartarie, est toujours fort cher à la Chine. L'once de cette racine coute à Pe-king même sept à huit onces d'argent. pefant.

Cependant la Tartarie Chinoise n'est peut-être pas le. feul endroit de l'Univers où croiffe la précieuse plante.

tes médicinales de La Chine.

du Gin-feng. Le P. Jofeph-François Lafiteau, Miffionnaire Herbes & plan- Jéfuite, prétend avoir eu la gloire de la découvrir dans le Canada, vers le commencement de ce fiecle. Ce Mifsionnaire n'avoit jamais entendu parler du Gin-feng, lorsqu'il demeuroit en France; mais des affaires de fa Mission l'ayant attiré à Québec, vers le mois d'Octobre de l'année 1715, il lui tomba entre les mains le dixieme Recueil des Lettres édifiantes, dans lequel se trouve la description que fait de cette plante le P. Jartoux. Comme le P. Lafueau se sentoit un attrait particulier pour l'étude de la Botanique qu'il cultivoit depuis long-temps, il lut avec avidité les détails que lui fourniffoit la Lettre du P. Jartoux sur cette plante inconnue. Il fut fingulièrement frappé de l'endroit où ce Miffionnaire dit, en parlant de la nature du fol où croît le Gin-feng, que s'il s'en trouve dans quelque autre lieu de la Terre, ce doit être fur-tout dans le Canada, dont les forêts & les montagnes ont assez de rapport à celles de la Tartarie. Cette remarque piqua la curiofité du P. Lafiteau, & lui fit naître la pensée de s'appliquer à la recherche de cette plante dans la nouvelle France. L'efpérance de la découvrir, dit-il, étoit cependant affez foible, & fit d'abord peu d'impreffion fur moi. » Je ne retirai même de la Lettre du P. Jartoux qu'une » idée confuse & très-imparfaite de la plante, & les occupations que j'eus pendant l'hiver, acheverent prefque » de l'effacer. Ce ne fut qu'au printemps, qu'étant obligé » de paffer fouvent par les bois, je fentis renaître en moi » le défir de faire cette découverte, à la vue d'une quan» tité prodigieuse de plantes & de fimples dont ces forêts font remplies, & qui attiroient alors plus particulié

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Herbes & plantes medicinales de

» rement mon attention. Je tâchai donc de rappeler les
» idées que je m'étois formées du Gin-feng; j'en parlai
» à plusieurs Sauvages; je leur dépeignis cette plante le la Chine.
» mieux que je pus, & ils me firent efpérer que je pour-
» rois en effet la découvrir.

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Quoique la néceffité ait rendu tous les Sauvages » Herboriftes & très-habiles dans la connoiffance des fimples, toutes leurs recherches furent cependant » inutiles. Je défefpérois de trouver le Gin feng, après » trois mois de peines & de fatigues, lorfque le hasard » me le fit rencontrer affez près d'une maison que je "faifois bâtir. Il étoit alors dans fa maturité ; la couleur » vermeille de fon fruit arrêta ma vue. Je ne le confi» dérai pas long-temps, fans foupçonner que cette plante pouvoit être celle que je cherchois. L'ayant arrachée » avec empressement, je la portai, plein de joie, à une Sauvageffe, que j'occupois à la chercher de fon côté. » Elle la reconnut d'abord pour l'un de leurs remedes » ordinaires, & m'expliqua fur le champ l'ufage que les Sauvages en faifoient. Quelque préfomption que j'euffe » que cette plante étoit le Gin-feng, je n'ofois cependant » l'affurer avec certitude, n'ayant que des idées con» fufes de la Lettre du P. Jartoux, que je n'avois pas » entre les mains, & dont l'exemplaire étoit à Québec. Je pris donc le parti de faire une description exacte de » la plante que j'avois trouvée, & je l'envoyai à Qué» bec à un Botaniste de mes amis, pour qu'il la con» frontât avec la Lettre & avec la planche gravée qui repréfente le Gin-feng de la Chine.

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» Cet ami n'eut pas plus tôt reçu ma Lettre, qu'il partic

"

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» pour Montréal, & fe rendit à ma Miffion des IroHerbes & planquois, qui n'en eft diftante que de trois lieues. Nous tes médicinales de » nous mîmes fur le champ à parcourir les bois, où je la Chine. » laiffai à mon compagnon le plaifir de découvrir lui» même le Gin-feng. Nos recherches ne furent pas lon» gues; quand nous en eûmes ramaffé divers pieds, » nous nous retirâmes pour les confronter avec le Livre, » dans une cabane voisine. A la feule inspection de la planche, les Sauvages reconnurent leur plante de Canada, qu'ils nomment Garent-oguen. Nous eûmes la » fatisfaction de trouver le rapport le plus parfait, & la » conformité la plus exacte entre nos plantes & la figure gravée : forme, couleur, proportions, feuilles, fruits, » nœuds, filamens, toutes les indications, en un mot, "> que donne le P. Jartoux fe trouvoient vérifiées fous » nos yeux. Mais quelle fut ma furprise, lorfque, fur la » fin de la Lettre de ce Miffionnaire, trouvant l'expli»cation du mot Gin-feng, qui fignifie en Chinois refSemblance de l'homme ou cuiffes de l'homme, je m'ap» perçus que le mot Iroquois Garent-oguen avoit la même fignification! En effet, Garent-oguen est un mot compofé d'Orenta, qui fignifie les cuiffes & les jambes, & d'Oguen, qui veut dire deux chofes féparées. Faifant » alors la même réflexion que le P. Jartoux fur la bizar» rerie de ce nom, qui n'a été donné que fur une ref» femblance fort imparfaite, qui même ne fe trouve point » dans plufieurs plantes de cette efpece, tandis qu'elle » se rencontre dans plufieurs autres d'efpece fort diffé." rente, je ne pus m'empêcher de conclure que la même fignification n'avoit pu être appliquée au mot Chinois

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&

Herbes & plan

tes médicinales de

» & au mot Iroquois, fans une communication d'idées,
» & par conféquent de perfonnes. Cette obfervation
» acheva de me confirmer dans l'opinion que j'avois déjà, la Chine.
» que l'Amérique ne fait qu'un même continent avec
Afie, à laquelle elle doit s'unir par la Tartarie, au

"

» nord de la Chine «

Quoique le P. Jartoux ait donné dans fa Lettre une defcription fort détaillée du Gin-feng, nous croyons devoir ajouter ici celle qu'en fait le P. Lafiteau; ces nouveaux traits mettront nos Lecteurs plus à portée de connoître cette célebre plante, & de prononcer fur la refsemblance & l'identité du Gin-feng Chinois avec celui du Canada.

On distingue deux choses dans la racine: une espece de navet qui en forme le corps, & le collet du navet même.

Le corps de la racine est peu différent de nos navets ordinaires; quand on l'a lavé, il paroît blanchâtre en dehors, & un peu raboteux. Quand on le coupe horizontalement, on apperçoit un cercle formé par la premiere écorce, qui est assez épaisse, & un corps ligneux fort blanc, qui représente un foleil par plusieurs lignes droites qui partent du centre. La racine, en féchant, jaunit un peu à l'extérieur, mais le dedans conferve toujours parfaitement fa blancheur,

Ces racines different entre elles pour la forme : il y en a qui ont beaucoup de fibres, & d'autres qui n'en ont point, ou prefque point. Quelques-unes font fimples, longues & unies; d'autres au contraire fe divisent en deux ou trois racines; alors elles ne repréfentent pas

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