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Province

de Fo-kien.

Yen-ping-fou s'éleve en amphithéatre, fur la pente d'une montagne que baigne la riviere de Min-ho; elle eft fortifiée par des montagnes inacceffibles qui la couvrent, & toutes les barques de la province doivent paffer au pied de ses murs, pour fe rendre aux différens lieux de leur destination. Elle a sous sa jurisdiction sept villes du troifieme ordre, parmi lefquelles eft Cha-hien, qu'on appelle communément la Ville d'argent, à cause de l'abondance qu'y entretient la fertilité de fes terres.

Ting-tcheou-fou, Hing-hoa-fou & Chao-ou-fou ne présentent rien de curieux pour des Voyageurs. Sept villes du troisieme ordre relevent de la premiere, deux de la feconde, & quatre de la troisieme, qui est une place forte & une des clefs de la province.

Tchang-icheou-fou eft une ville très-considérable par fon commerce avec les ifles d'Emouy, de Pong-hou & de Formofe. Les Miffionnaires y ont trouvé des veftiges de la Religion Chrétienne : le Pere Martini a vu chez un Lettré un vieux livre de parchemin, écrit en caracteres gothiques, où étoit en latin la plus grande partie de l'Écriture Sainte. Ce Jéfuite offrit une fomme d'argent pour l'avoir; mais le Lettré ne voulut jamais s'en deffaifir, parce que c'étoit un livre qu'on confervoit depuis long-temps dans fa famille, & que fes ancêtres l'avoient toujours regardé comme un objet rare & précieux.

Outre ces villes & quantité de forts qui en dépendent, la province de Fo-kien a dans fa jurisdiction un port célebre, appelé communément Hia-men ou Emouy, & les illes de Pong-hou.

Le port d'Emouy n'eft proprement qu'une rade, refferrée

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d'un côté par l'ifle dont il tire fon nom, & de l'autre
la terre ferme; mais son étendue eft fi grande, qu'elle peut
contenir plusieurs milliers de vaiffeaux, & la mer y est si
profonde, que les plus gros navires peuvent s'approcher du
bord avec fûreté.

On y voyoit aborder, au commencement de ce fiecle, beaucoup de vaisseaux Européens; ils y vont très-rarement aujourd'hui, & tout le commerce se fait à Canton. L'Empereur y entretient fix ou fept milles hommes de garnison, que commande un Général Chinois.

En entrant dans la rade, on double une roche qu'on trouve à l'entrée, & qui la divise en deux, comme à peu près le Mingant partage la rade de Breft: la roche est visible, & s'éleve de quelques pieds au dessus de l'eau. A trois lieues de là eft une petite ifle qui a un trou, à travers lequel on voit le jour d'un côté à l'autre : c'eft fans doute cette raifon qu'on la nomme l'Ifle percée.

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L'ifle d'Emouy eft particuliérement célebre par gnificence de fon principal pagode, confacré au Dieu Fo. Ce temple est situé dans une plaine, qui fe termine d'un côté à la mer, & de l'autre à une montagne fort élevée. La mer forme devant ce temple, par différens canaux, une nappe d'eau, bordée d'un gazon toujours verd; la façade de cet édifice a trente toises de largeur; fon portail est grand & orné de figures en relief, qui font les ornemens les plus ordinaires de l'architecture Chinoise. On trouve, en entrant, un vaste portique pavé de grandes pierres carrées & polies, au milieu duquel est un autel, où l'on voit une statue de bronze doré, qui représente le Dieu Fo, fous la figure d'un coloffe affis les jambes croisées. Aux

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de Fo-kien.

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quatre angles de ce portique font placées quatre autres ftatues, qui ont dix-huit pieds de hauteur, quoiqu'elles repréfentent des perfonnes affifes; elles n'ont rien de régulier; mais on ne peut affez en admirer la dorure. Chacun de ces coloffes eft fait d'un feul bloc de pierre; ils portent à la main différens fymboles qui défignent leurs qualités, comme autrefois, dans Athènes & dans Rome, le trident & le caducée défignoient Neptune & Mercure. L'un tient entre fes bras un ferpent qui fait plufieurs replis autour de fon corps; l'autre porte un arc bandé & un carquois; les deux autres présentent, l'un une espece de hache d'armes, l'autre une guitare ou quelque inftrument semblable.

Après avoir traverfé ce portique, on entre dans une avant-cour carrée & pavée de longues pierres grises, dont la moindre a dix pieds de longueur & quatre de largeur. Aux quatre côtés de cette cour s'élevent quatre pavillons qui se terminent en dômes, & qui fe communiquent par un corridor qui regne tout autour. L'un renferme une cloche qui a dix pieds de diametre; on ne peut trop admirer la charpente qui fert de fupport à cette lourde maffe. Dans l'autre on voit un tambour d'une grandeur démesurée, & qui fert aux Bonzes pour annoncer les jours de la nouvelle & pleine lune; il faut remarquer que le battant des cloches Chinoises eft en dehors, & qu'il est fait de bois en forme de marteau. Les deux autres pavillons renferment les ornemens du temple, & fervent souvent de retraite aux Voyageurs, que les Bonzes font obligés de recevoir & de loger.

Au milieu de cette cour est bâtie une grande tour isolée, qui se termine auffi en dôme; on y monte par un escalier conftruit de belles pierres, lequel regne tout autour. Le

dôme contient un temple où l'on admire une grande propreté; la voûte eft ornée de mofaïques, & les murailles font revêtues de figures de pierre en relief, qui représentent des animaux & des monftres. Les colonnes qui foutiennent le toit de cet édifice font de bois verniffé, & aux jours folennels on les orne de banderoles de diverfes couleurs. Le temple est pavé de petits coquillages, dont les compartimens offrent des oiseaux, des papillons, des fleurs, &c.

Les Bonzes brûlent continuellement des parfums fur l'autel, & entretiennent le feu des lampes qui font fufpendues à la voûte du temple. A l'une des extrémités de l'autel, on voit une urne de bronze fur laquelle ils frappent, & qui rend un fon lugubre. L'extrémité oppofée eft occupée par une machine de bois creufe & faite en ovale, qui fert au même usage, c'est-à-dire que le fon de l'un & de l'autre inftrument accompagne leurs voix, lorfqu'ils chantent les louanges de l'idole tutélaire du pagode.

Le Dieu Poussa est placé au milieu de cet autel; il a pour base une fleur de bronze doré, & tient un jeune enfant entre ses bras; plusieurs idoles ( qui font fans doute des Dieux fubalternes) font rangées autour de lui, & marquent par leurs attitudes leur refpect & leur vénération.

Les Bonzes ont tracé fur les murs de ce temple plufieurs caracteres hiéroglyphiques à la louange de Pouffa. On y voit un tableau historique ou allégorique, peint à frefque, qui repréfente un étang de feu où femblent nager plufieurs hommes, les uns portés fur des monftres, les autres environnés de toutes parts de dragons & de ferpens ailés. On apperçoit au milieu du gouffre un rocher escarpé, au haut duquel le Dieu eft affis, tenant un enfant entre ses bras,

Province de Fo-kien.

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qui semble appeler tous ceux qui font dans les flammes de l'étang; mais un vieillard, dont les oreilles font pendantes, & qui a des cornes à la tête, les empêche de s'élever jufqu'à la cime du rocher, & paroît vouloir les écarter à coups de maffue. Au refte, les Bonzes ne favent que répondre aux questions qu'on leur fait fur ce tableau. On trouve derriere l'autel une espece de bibliotheque, dont les livres traitent du culte des idoles.

Lorsqu'on eft defcendu de ce dôme, on traverse la cour, & l'on entre dans une espece de galerie dont les murs font lambriffés: on y compte vingt-quatre statues de bronze doré, qui représentent vingt-quatre Philofophes, anciens disciples de Confucius. Au bout de cette galerie, on trouve une grande falle qui eft le réfectoire des Bonzes; on traverse ensuite un affez vafte appartement, & l'on entre enfin dans le temple de Fo, où l'on monte par un grand escalier de pierre. Il est orné de vases de fleurs artificielles, ouvrage dans lequel les Chinois excellent, & l'on y trouve les mêmes instrumens de mufique dont on a déjà fait mention. On ne voit la statue du Dieu qu'à travers une gaze noire, qui forme une espece de voile ou rideau devant l'autel. Le refte du pagode consiste en plusieurs grandes chambres fort propres, mais mal percées; les jardins & les bofquets font pratiqués fur le côteau de la montagne, & l'on a taillé dans le roc des grottes charmantes, où l'on peut se mettre à l'abri des chaleurs exceffives du climat.

Il y a plusieurs autres pagodes dans l'ifle d'Emouy; il en est un, entre autres, qu'on appelle pagode des dix mille pierres, parce qu'il est bâti sur le penchant d'une montagne, où l'on a compté un pareil nombre de petits rochers, fous

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