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quelque événement funefte: il fuffiroit même qu'un proche parent fût emprifonné; mais on peut paffer outre, s'il veut bien y consentir.

5o. Deux freres ne peuvent pas épouser les deux fœurs; un homme veuf n'a point la liberté de marier fon fils avec la fille de la veuve qu'il épouse, ni un parent celle d'époufer fa parente, quelque éloigné que foit entre eux le degré de confanguinité.

Cette regle de politique est encore plus nécessaire que par-tout ailleurs, dans un Empire auffi prodigieufement peuplé que l'est la Chine; & par-tout ailleurs on doit la regarder comme fagement établie.

Autre Loi. Tout pere de famille est responsable de la conduite de ses enfans; il répond même de ses domeftiques. On lui impute les torts qu'il avoit le droit de prévenir. Loi fort fage, fur-tout à la Chine, vu l'autorité que tout pere, ou tout Maître, y exerce fur fes enfans ou fur fes efclaves.

Nulle mere à la Chine n'a le droit de tester.

pere a

L'adoption y eft autorisée par la Loi. L'enfant adoptif entre dès-lors dans tous les droits d'un véritable fils; il prend le nom de celui qui l'adopte; il en porte le deuil, fi la mort le lui enleve; il devient fon héritier; il partage avec les autres enfans, s'il en existe. Le feulement le droit de faire quelques dispositions en leur faveur. Tout enfant, même adoptif, fuccede aux biens de fon pere, mais non à fes dignités. C'est l'Empereur seul qui peut les lui conferver & l'en revêtir. Il doit s'en démettre auffi-tôt qu'il eft devenu feptuagénaire. Mais ce dernier article eft plutôt un confeil qu'une Loi.

Loix Civiles.

Loix Civiles.

Tout pere a le droit de vendre fon fils, attendu, dit la Loi, que le fils a le droit de se vendre lui-même, & qu'il ne doit pas avoir fur fon individu un pouvoir fupérieur à celui de fon pere.

L'usage a rectifié cette Loi chez les citoyens dè la haute & moyenne claffe; cette vente eft même à préfent plutôt tolérée que permise pour les gens du peuple; & il est défendu à tous, fous peine de punition, de vendre leurs enfans à des Comédiens, & à des gens avilis par leur état ou par leur conduite.

Un fils eft mineur durant toute la vie de fon pere. Celui-ci eft le maître abfolu des biens dont il a hé rité de fes ancêtres, ou qu'il a acquis par lui-même. Son fils eft caution de toutes les dettes qu'il contracte; la Loi en excepte feulement celles du jeu.

Le testament d'un pere eft irréfragable; nul défaut de forme ne peut y faire porter atteinte.

L'esclavage eft autorifé à la Chine; mais le pouvoir du Maître se borne uniquement à ce qui concerne fon service. Il feroit puni de mort, s'il étoit prouvé qu'il eût usé de ce pouvoir pour abufer de la femme de fon esclave:

Le Laboureur ne peut pas être inquiété pour le paye÷ ment des impôts, depuis l'instant où l'on commence à cultiver la terre, c'est-à-dire vers le milieu du printemps, jufqu'au moment de la récolte.

Telles font, en général, les Loix pofitives de la Chine, en matiere civile. Quant à certains Edits de circonstance, publiés par différens Empereurs, nous allons en citer un des plus célèbres. Nous le transcrirons d'après le P. du Halde: Il pourra donner au Lecteur une idée de la forme &

du style employés dans ces fortes d'écrits. C'eft Hoeitchang, autrement Tfong, un des anciens Empereurs de la Dynaftie Tang, qui va s'exprimer.

» Sous nos trois fameuses Dynafties, jamais on n'entendit parler de Foë; c'est depuis la Dynastie des Han & des Hoë que cette Secte, qui a introduit les statues, a commencé à se répandre à la Chine. Depuis ce tempslà, ces coutumes étrangeres s'y font infenfiblement établies, fans qu'on y ait affez pris garde. Tous les jours elles gagnent encore. Les Peuples en font malheureusement imbus, & l'Etat en fouffre. Dans les deux Cours, dans toutes les villes, dans les montagnes, ce n'est que Bonzes des deux fexes. Le nombre & la magnificence des Bonzeries croît chaque jour. Bien des Ouvriers font occupés à faire leurs ftatues de toute matiere. Il se consume quantité d'or à les orner; nombre de gens oublient leur Prince & leurs parens, pour fe ranger fous un Maître Bonze. Il y a même des fcélérats qui abandonnent femme & enfans, & vont chercher parmi les Bonzes un afile contre les Loix. Peut-on rien voir de plus pernicieux? Nos Anciens tenoient pour maxime, que, s'il y avoit un homme qui ne labourât point, & une femme qui ne s'occupât point aux foieries, quelqu'un s'en reffentiroit dans l'Etat. Que fera-ce donc aujourd'hui qu'un nombre infini de Bonzes, hommes & femmes, vivent & s'habillent des fueurs d'autrui, & occupent une infinité d'Ouvriers à bâtir de tous côtés, & à orner à grands frais de fuperbes édifices? Faut-il chercher d'autres caufes de l'épuisement où étoit l'Empire fous les quatre Dynafties, Tfin, Song, Tfi, Leang, & de la fourberie qui régnoit alors ?

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Loix Civiles.

Loix Civiles.

Quant à notre Dynastie Tang, les Princes qui en ont été les Fondateurs, après avoir employé heureusement la force des armes pour rendre à l'Etat fon ancienne tranquillité, s'occuperent à le régler par de fages Loix; & pour en venir là, bien loin de rien emprunter de cette vile Secte étrangere, dès la premiere des années nommées Tchin-koan, Tai-tsong fe déclara contre elle; mais il alla trop mollement, & le mal n'a fait qu'augmenter. Pour moi, après avoir lu, & pefé tout ce qu'on m'a représenté sur ce point, après en avoir délibéré mûrement avec gens fages, ma résolution est prise. C'est un mal, il y faut remédier. Tout ce que j'ai d'Officiers éclairés dans les provinces, me preffent de mettre la main à l'œuvre. Selon eux, c'eft tarir la fource des erreurs qui inondent tout l'Empire, c'eft le moyen de rétablir le Gouvernement de nos Anciens, c'est l'intérêt commun, c'est la vie des Peuples. Le moyen après cela de m'en difpenfer?

Voici donc ce que j'annonce: 1°. Que plus de quatre mille fix cents Bonzeries, qui font répandues de côté & d'autre dans tout l'Empire, foient absolument détruites. Conféquemment, que les Bonzes, hommes ou femmes (*), qui habitoient ces Bonzeries, & qui montent, de compte fait, à vingt-fix Ouan (**), retournent au fiecle, & payent leur contingent des droits ordinaires. En fecond lieu, qu'on détruise auffi quatre Ouan de Bonzeries moins confidérables, qui font répandus dans les campagnes ;

(*) Il y avoit des Bonzeries pour chaque fexe.

· (**) Quan signifie dix mille.

conféquemment, que les revenus qui y étoient attachés, qui montent à quelques mille Ouan de Tfing, foient réunis à notre domaine, & que quinze Ouan d'efclaves qu'avoient les Bonzes, foient mis fur le rôle des Magistrats, & foient cenfès être du Peuple. Quant aux Bonzes étrangers, venus ici pour faire connoître la Loi qui a cours dans leurs royaumes, ils font environ trois mille, tant du Ta-ifin (**) que du Mou-hou-pa. Mon ordre eft auffi qu'ils retournent au fiecle, afin que dans les coutumes de notre Empire il n'y ait point de mélange. Hélas! il n'y a que trop long-temps qu'on differe à remettre les chofes fur l'ancien pied : pourquoi différer encore? C'est chose conclue & arrêtée. Vue la présente Ordonnance, qu'on procede à l'exécution. Telle eft notre volonté «.

Cette volonté eut fon effet. Il resta peu de Bonzeries dans toute l'étendue de la Chine: on en conferva deux grandes à chaque Cour du Nord & du Midi, & une dans chaque Gouvernement. Trente Bonzes deffervoient les plus grandes; les plus petites l'étoient par un moindre nombre.

(*) Monnoie Chinoise, qui eft la dixieme partie d'une once d'argent.

(**) Le P. du Halde croit que Ta-tfin eft la Palestine, & que Mou-hou-pa défigne des Chrétiens; mais il n'ofe décider s'ils étoient Neftoriens ou Grecs.

Loix Civiles.

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