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ils avoient fait d'abord. Une feconde reprise deviendroit fuperflue.

ment par

Dans certains cantons de la Chine, la même opération s'exécute avec une efpece d'arc. Le criminel est à genoux; on lui paffe autour du cou la corde de cet instrument; on tire à foi l'arc, qui ferroit déjà fortefa détente. Le patient eft promptement étouffé. Un fupplice qui ne déshonore point parmi nous, celui d'avoir la tête tranchée, eft regardé chez les Chinois comme le plus honteux des châtimens. On le réserve pour les affaffins proprement dits, & pour ceux qui ont commis quelque crime de la même énormité. Voici, difent les Chinois, pourquoi cette mort est la plus ignominieuse de toutes : c'est que la tête eft la plus noble partie de l'homme, & que s'il la perd quand il expire, il ne conferve pas fon corps auffi entier qu'il l'a reçu de fes parens. Cette réflexion tient aux mœurs de ce Peuple, & à l'efpece de culte qu'il rend à fes peres.

Haché en dix mille morceaux. C'est un genre de fupplice, qui ne fut jamais connu qu'à la Chine. Il regarde les criminels d'Etat, les révoltés. On attache le coupable à un poteau; l'exécuteur lui cerne la tête, en détache la peau, qu'il rabat fur les yeux; enfuite, il enleve différentes parties du corps, qu'il taillade en plusieurs morceaux: il ne quitte cet horrible travail que par laffitude. Il abandonne le reste du corps à la férocité de la populace, qui acheve ce qu'il n'a pu finir.

Voilà le fupplice que plufieurs Souverains ont fait exécuter à toute rigueur d'autres l'ont mitigé. La Loi elle-même n'étend point fa févérité jufque là; elle ordonne, &

Loix & Procédure

criminelles.

criminelles.

cela fuffit fans doute, d'ouvrir le ventre au criminel, Loix & Procédure de couper fon corps en plufieurs morceaux, & de le jeter ou dans la riviere, ou dans une foffe qui fert de fépulture commune aux grands criminels.

On a beaucoup & bien écrit en France contre la question ordinaire & extraordinaire. La premiere eft heureusement fupprimée; la feconde subsiste encore; elles fubfiftent l'une & l'autre à la Chine. La question, même ordinaire, y eft très rude; elle se donne aux pieds ou aux fe mains. On fe fert, pour les pieds, d'un inftrument qui confifte en trois morceaux de bois croifés. Celui du milieu eft fixe, les deux autres fe tournent & fe remuent. On place les pieds du patient dans cette machine; ils y font fi étroitement ferrés, que la cheville du pied s'applatit. La torture appliquée aux mains, femble devoir être moins douloureuse. On infere entre les doigts du coupable de petits bois diagonalement placés; on lie très-fortement les doigts avec des cordes, & on laiffe, durant quelque temps, le patient dans cette pénible situation.

La queftion extraordinaire eft terrible: elle confifte à faire de légeres taillades fur le corps du criminel, & à lui enlever la peau par bandes, en forme d'aiguillettes. Mais elle n'a lieu que pour les grands crimes, fur-tout pour ceux de leze Majefté, & lorfque le criminel eft parfaitement convaincu. Il s'agit alors de connoître fes complices.

Au furplus, l'Hiftoire de la Chine peut entraîner fes Lecteurs dans certaines méprifes relativement aux Loix pénales de cette Nation. Quelques uns de fes Souverains ont eu des caprices fanguinaires, qui n'étoient point autorifés par la Loi, & qu'on a fouvent confondus avec

elle; mais ces Princes font encore aujourd'hui placés au nombre des Tyrans; leur nom eft en horreur à tout l'Empire. Les Chinois, dans leur procédure criminelle, ont un grand avantage fur toutes les autres Nations: il eft prefque impoffible que l'innocent y fuccombe fous une fauffe accufation; elle devient trop dangereuse pour l'accufateur, les délateurs, & les témoins. La lenteur & les révisions multipliées de la procédure font une autre fauvegarde pour l'accufé. Enfin, nul Arrêt de mort n'eft mis à exécution fans avoir été ratifié par l'Empereur. On lui présente une copie au net de toute la procédure; on en tire un nombre d'autres copies, tant en Langue Chinoise qu'en Langue Tartare, & l'Empereur les foumet encore à l'examen d'un pareil nombre de Docteurs, foit Tartares, foit Chinois.

Tels font les foins que le Maître de plus de cent millions de fujets s'impofe à lui-même, pour ne pas risquer d'en perdre un feul mal-à-propos.

Lorfque le crime eft très - énorme & bien prouvé, l'Empereur écrit de fa main au bas de la fentence: Aussi-tôt• qu'on aura reçu cet ordre, qu'on l'exécute fans aucun délai. S'agit-il d'un crime rangé dans la claffe ordinaire, mais que la Loi punit de mort, l'Empereur écrit au bas de l'Arrêt: Qu'on retienne le criminel en prifon, & qu'on l'exécute au temps de l'automne. C'eft que généralement on n'exécute les criminels qu'en automne, & tous le même jour. L'Empereur ne figne jamais un Arrêt de mort, nous ne dirons point qu'à jeun, mais qu'après s'y être préparé par le jeûne.

Il a, comme presque tous les Souverains, le pouvoir

Loix & Procédure criminelles.

criminelles.

de faire grace; mais lui-même, pour le maintien du Loix & Procédure bon ordre, s'en interdit le plus fouvent l'usage. Les feuls cas d'exception font en faveur du fils d'une veuve qui a gardé la viduité; de l'héritier d'une ancienne famille, qui n'a pas lui-même d'héritier; des descendans de grands Hommes, ou de Citoyens qui ont bien mérité de la Patrie; & enfin des fils ou des petits-fils d'un Mandarin qui s'est illustré, ou même diftingué dans fes emplois. Un homme parvenu à une extrême vieilleffe, un enfant ne peut être traduit à aucun Tribunal. On fait grace au fils d'un pere & d'une mere tous deux fort âgés, quand ce pardon ne porte pas atteinte au bien ou au repos public; & fi les fils de tels pere & mere font tous coupables, ou complices du même crime, on fait grace au plus jeune, pour confoler & fervir les auteurs de fes jours.

Point de vexations inutiles, ni anticipées, ni arbitraires dans la procédure criminelle des Chinois. Les accufés ne font réputés coupables que lorsqu'ils font convaincus & condamnés. Jusque-là ils jouissent de toutes les ressources qui peuvent adoucir leur fituation. A la liberté près, ils ne font privés de rien.

Un Geolier qui vexeroit l'accufé détenu en prison; un Juge fubalterne qui l'affujettiroit à des gênes que la Loi n'autorise pas; un Juge fupérieur qui oferoit prendre fur lui d'ajouter à la rigueur de cette Loi; tous font punis, &, pour le moins, le moins, deftitués.

Il est permis à tout proche parent d'un accufé reconnu coupable, de fe mettre à fa place pour fubir le châtiment que lui inflige la Loi, fi toutefois la peine est légere, & fi l'accufé est son ancien. Le P. du Halde

cite

cite l'exemple d'un fils dont le pere venoit d'être condamné à la bastonnade. Le jeune homme fe précipite fur le corps de fon pere, & demande à grands cris d'être puni à sa place. Le Mandarin, touché de ce noble dévouement, fit grace au coupable; tant la piété filiale est respectée à la Chine.

Les fils, les petits-fils, la femme, les freres d'un Chinois condamné à l'exil, font autorifés à le fuivre, & à fe fixer auprès de lui. Les parens de toute efpece d'accufé peuvent lui porter dans fa prifon tous les fecours qui font en leur pouvoir. On les y invite, loin de les rebuter.

On vante bien moins à la Chine la fagacité d'un Juge qui a su démêler un coupable à travers tous les détours qu'il emploie pour échapper au châtiment, qu'on n'eftime, qu'on n'admire celle du Juge qui a su reconnoître un innocent à travers toutes les rufes que la calomnie employoit pour le perdre. L'Empereur lui-même place au nombre des années qui honorent le plus fon regne, celles où le glaive de la Justice a eu le moins d'occasions de frapper.

Loix & Procédure
criminelles.

CHAPITRE VIII.

Police intérieure des villes de la Chine.

ON a déjà pu remarquer bien des traits de ressemblance

Iolice intérieure des villes de la

entre le Gouvernement de la Chine & le nôtre : on en trouvera jusque dans l'administration intérieure de nos Chine. villes & des fiennes. Paris eft divifé en différens quartiers;

PPP

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