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Police intérieure

des villes de la Chine

chaque ville Chinoise l'eft auffi. Là, chaque quartier a un Chef qui veille fur un certain nombre de maisons; il répond de tout ce qui s'y paffe contre le bon ordre ; & s'il néglige d'en être inftruit, s'il néglige d'en informer le Mandarin Gouverneur, il eft puni comme les réfractaires.

Les peres de famille font des Infpecteurs d'un autre genre. Chacun d'eux répond de fes enfans & de fes domestiques, par la raifon qu'il a fur eux toute efpece d'autorité.

Les voisins mêmes répondent de leurs voisins ; ils doivent tous s'entre-fecourir, s'entr'aider, foit dans le cas d'un vol, foit dans le cas d'un incendie, & fur-tout fi ces accidens font nocturnes.

Chaque ville a fes portes; chaque rue a fes barrieres: toutes se ferment quand la nuit commence. Il y a d'efpace en efpace des fentinelles qui arrêtent les paffans, lorfque la nuit eft déjà tant foit peu avancée. Une patrouille à cheval fait communément fa ronde fur les remparts pour le même objet. On arrête indifféremment le citoyen distingué, l'homme du peuple, & le malfaiteur, qui, à la faveur des ténebres, croit pouvoir se fouftraire à toute recherche. Il est rare que les gens d'une claffe tant foit peu élevée, s'expofent à cet affront. La nuit, difent les Magiftrats Chinois, est faite pour le repos, & le jour pour le travail.

Le jour, on veille encore aux portes de chaque ville fur ceux qui s'y introduifent. Chaque porte eft garnie à ce fujet, d'une bonne garde: on examine l'air, le maintien, la phyfionomie du paffant: on le questionne;

& fi fon accent décele qu'il eft étranger, on le conduit fur le champ au Mandarin; fouvent auffi on l'arrête, en attendant les ordres du Gouverneur.

Cette précaution tient à l'ancienne maxime des Chinois, de ne point admettre d'étrangers parmi eux. Ils préfument que, par la fuite des temps, il en résulteroit une altération de mœurs, de coutumes & d'ufages, capable d'enfanter des partis, des querelles, des révoltes, le bouleversement de l'Etat.

On a vu que le meurtre est puni de mort à la Chine, même lorsqu'il n'est que l'effet d'une rixe; mais il est rare qu'elle conduife jufque là, fur-tout parmi les gens du peuple, Deux champions de cette claffe en veulent-ils venir aux mains? ils dépofent le bâton, ou tout autre inftrument qu'ils pourroient avoir à la main. C'est à coups de poing qu'ils décident leurs querelles. Le plus fouvent ils vont trouver le Mandarin, pour le prier de les mettre d'accord. Il les écoute avec beaucoup de gravité, & fait donner la bastonnade au plus répréhensible, quelquefois même à tous deux.

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Il n'eft permis qu'aux feuls gens de guerre de fortir armés. Ils ne le font pas même en tout temps, excepté quand la guerre eft allumée hors de là, c'est seulement lorfqu'ils paffent en revue, ou qu'ils montent la garde, ou qu'ils accompagnent un Mandarin. Cet ufage fut, dans tous les temps, celui des Orientaux, & fubfifte encore chez les Turcs.

Nulle femme publique ne peut habiter dans l'enceinte d'une ville; mais on leur permet de fe loger hors des murs, pourvu que ce ne foit pas chez elles, c'est-à-dire,

Police intérieure des villes de la

Chine.

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dans une maison où elles puiffent commander. D'autre des villes de la part, on autorise nommément un particulier à les loger chez lui. Il est le furveillant de leur conduite; & s'il s'éleve quelque bruit, quelques querelles dans fa maison, c'est lui qui en eft responsable, & puni.

Chine.

Chaque ville de la Chine, quelquefois un fimple bourg, jouit d'un établissement dont Paris n'eft pourvu que depuis peu d'années. C'est un Bureau que les Chinois nomment Tang-pou, & qui revient à notre Mont de Piété. Les réglemens en font à peu près les mêmes. L'emprunt fur gage s'y fait fur le champ; il n'eft précédé d'aucun préliminaire. Le secret y eft gardé, & l'emprunteur même peut garder le fien. Dit-il fon nom? on l'écrit. Veut-il le cacher? on ne le lui demande pas. On se borne, fi le cas paroît l'exiger, à prendre le signalement de la perfonne, pour être, à tout événement, en état d'en rendre compte à la Police. On porte même la précaution jusqu'à faire fuivre & épier l'emprunteur, lorfqu'on a reçu de lui des gages qui paroiffent trop au deffus de fon état & de fes moyens; mais, à moins que la connivence ne foit prouvée, le Bureau ne perd jamais rien. Au furplus, fa vogue dépend de fa fidélité; & ce motif en devient un affez bon garant.

L'intérêt de l'argent à la Chine est, pour l'ordinaire, de trente pour cent; ce qui prouve que l'argent n'y est pas commun. C'est sur ce taux qu'on emprunte au Tangpou. Tout gage eft numéroté quand il entre au Bureau, & celui-ci en répond. Le gage lui appartient dès le lendemain du jour que le billet d'engagement expire. Le furplus des conditions reffemble fi complétement à celles

de notre Mont de Piété, qu'il eft fuperflu de les rappeler ici.

Police intérieure

Chine.

Le jeu, & tout divertiffement qui mene à l'oifiveté, eft des villes de la: absolument interdit aux jeunes gens. L'étude forme à peu près leur feule occupation. Elle paroîtroit bien fatigante à la jeunesse de nos contrées ; mais dans un pays où le mérite, & le feul mérite, mene à tout, & où l'ignorance eft condamnée à n'être jamais rien, l'encouragement est à côté du dégoût.

CHAPITRE IX.

Police générale.

LA sûreté des voyageurs, la commodité du transport des hommes & des denrées paroît avoir occupé férieu- Police générale. sement Administration Chinoise. Le grand nombre de canaux dont la Chine est entrecoupée, facilite le fecond objet. La maniere dont les routes publiques font entretenues, vient à l'appui du premier.

Ces chemins ont par-tout beaucoup de largeur; ils font pavés dans toutes les provinces méridionales, & dans quelques autres; mais alors on n'y fouffre ni chevaux,, ni chariots. On a comblé les vallées, percé les rochers & les montagnes, pour y pratiquer des routes commodes, & d'un plan uni. Elles font, pour l'ordinaire, bordées d'arbres fort hauts, & quelquefois de murs d'environ: huit à dix pieds, pour empêcher les voyageurs d'entrer dans les campagnes. Les ouvertures qu'on y a pratiquées ›

de distance en distance, donnent fur des chemins de traPolice générale. verfe qui menent à différens villages. Les grands chemins offrent de distance en distance des repofoirs, où l'on peut fe mettre à l'abri des intempéries de l'hiver, & des exceffives chaleurs de l'été. On y voit auffi des Temples, des Pagodes; l'afile en eft ouvert le jour, & fouvent refufé la nuit. Les Mandarins ont feuls le droit d'y refter, quand ils le jugent convenable. Ils Y font logés avec toute leur fuite, reçus avec appareil, & fervis avec affection.

On ne manque point d'hôtelleries dans les grands che mins, & même dans les chemins de traverse. Les premieres font fort vaftes; mais toutes font mal pourvues de provisions: il faut même y porter fon lit avec foi, ou fe réfoudre à coucher fur une fimple natte. Le Gouvernement ne les oblige qu'à donner le couvert à quiconque le réclame en payant.

L'Administration a foin de faire imprimer l'itinéraire général de l'Empire, foit par terre, foit par eau, depuis Pe-king jufqu'aux frontieres les plus reculées. Ce livre est le guide de tous les voyageurs. Lorsque c'est un Mandarin, ou tout autre Officier qui voyage par ordre de l'Empereur, il eft logé, conduit & défrayé aux dépens du Souverain.

Au bord des grands chemins, on voit d'efpace en espace des tours fur lefquelles on a élevé des guérites pour les fentinelles, & des bâtons de pavillon pour faire les fignaux en cas d'alarmes. Ces tours, bâties, pour l'ordinaire, en terre cuite, font d'une forme carrée, & n'ont guere que douze pieds de hauteur. Elles ont pourtant

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