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elle deviendroit inutile: c'est leur poids qui regle leur valeur. On fond l'argent en grands & petits pains; mais feulement pour la facilité du commerce: on est toujours à portée de s'en tenir à fa valeur intrinseque.

On n'est pas même en droit d'oppofer la valeur numérique d'un nombre de petites pieces de cuivre à une feule piece d'argent, en cas d'échange. Tantôt une once d'argent, balance de l'Empire, équivaut à mille gros deniers, tantôt elle n'équivaut qu'à huit cents. C'est encore la valeur intrinseque de l'une & de l'autre monnoie qui tranche la difficulté.

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Il n'en eft pas moins vrai que les deniers Chinois autant qu'il eft poffible, une valeur égale à leur représentation; ils valent même fouvent plus comme cuivre que comme représentation. L'Empereur perdroit beaucoup à leur fabrique, s'il n'étoit pas propriétaire de toutes les mines de cuivre que renferme la Chine; mais ce moyen lui en procure un débit toujours sûr, toujours conftant.

Voici un des fecrets de ce commerce Impérial. Il est défendu à toute fabrique où la monnoie de cuivre pourroit être employée comme fimple matiere, de la faire fervir à cet ufage. Il eft également défendu de la vendre pour la réduire en fimple matiere; mais fi le prix du cuivre n'a point baiffé, cette infraction à la Loi n'est point poursuivie à toute rigueur. Si, au contraire, le prix. du cuivre en nature l'emporte fur la valeur du cuivre monnoyé, on en fait fortir du magasin général une quantité fuffifante pour rétablir l'équilibre. La politique du Gouvernement, à cet égard, difent les Auteurs des nouveaux

Mémoires fur la Chine, » est de ne jamais souffrir que le » cuivre foit à un affez bas prix pour qu'on puiffe gagner » à faire de fauffe monnoie, ni affez cher pour qu'on » gagne beaucoup à fondre la monnoie pour la mettre en

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Cette politique eft sage, & ne peut manquer d'être efficace. Une autre attention du Gouvernement, c'est de facilide néceffiter même la circulation perpétuelle de toute la monnoie & de tout l'argent qui existent dans l'Empire. Ce moyen confiste à conferver l'équilibre entre la valeur proportionelle de l'une & de l'autre, c'est-à-dire, qu'entre eux l'équivalent foit réglé de maniere que le poffeffeur de l'argent ne craigne pas de l'échanger contre du cuivre, ni le poffeffeur du cuivre de l'échanger contre de l'argent : ce qui arrivera toujours quand la circulation de tous deux fera égale. Voici à quoi fe réduit, fur ce point, la furveillance du Gouvernement. Est-ce l'argent qui devient le plus rare? il ne paye plus, durant quelque intervalle, qu'en argent. Estce le cuivre? il ne paye alors qu'avec cette monnoie.

L'Administration Chinoise ne pense pas que l'accroiffement des matieres d'or & d'argent accroiffe en rien les richeffes de l'Etat. La Chine renferme plufieurs minesd'or, d'argent, & même de pierreries; toutes font fermées. Celles de fer, de cuivre, de plomb & d'étain sont ouvertes. L'usage de leurs productions eft jugé nécessaire ou utile.

Le commerce à la Chine est soumis à l'inspection du Tribunal des Finances, comme il l'est parmi nous à celle du Ministre chargé de cette partie, fi intimement liée avec toutes les autres. Mais les Chinois ont fur le com

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merce un fyftême bien oppofé à celui de toute l'Europe; il ne leur paroît utile qu'autant qu'il se borne à leur enlever des chofes fuperfiues pour leur en procurer de néceffaires. De là, ils regardent comme nuitible celui qu'ils font à Kan-ton. Il nous enleve, difent-ils, nos foies, nos thés, notre porcelaine: ces objets augmentent de prix dans toutes nos provinces; dès-lors il ne peut être avantageux à l'Empire. L'argent que nous apportent les Européens, les précieuses bagatelles qui l'accompagnent, font de pure furabondance pour un Etat tel que le nôtre. Il ne lui faut qu'une masse d'argent relative à fes befoins en général, & aux befoins relatifs de chaque individu en particulier. Kouan-tfé difoit, il y a deux mille ans: L'argent qui entre par le commerce n'enrichit un "royaume qu'autant qu'il y entre par le commerce. Il

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n'y a de commerce long-temps avantageux, que celui » des échanges néceffaires ou utiles : le commerce des objets de fafte, de délicateffe, ou de curiofité, foit qu'il se faffe par échange ou par achat, suppose le » luxe or le luxe, qui est l'abondance du fuperflu » chez certains citoyens, fuppofe le manque du néceffaire chez beaucoup d'autres. Plus les riches mettent de che»vaux à leurs chars, plus il y a de gens qui vont à pied; plus leurs maifons font vaftes & magnifiques, plus » celles des pauvres font petites & miferables; plus leur » table est couverte de mets, plus il y a de gens qui font » réduits uniquement à leur riz. Ce que les hommes en » fociété peuvent faire de mieux, à force d'industrie & » de travail, d'économie & de fageffe, dans un royaume » bien peuplé, c'est d'avoir tous le nécessaire, & de pro

» curer le commode à quelques-uns «. On feroit tenté de croire que l'Auteur du Contrat focial avoit lu Kouan-tsé.

Le feul commerce que la Nation Chinoise regarde comme avantageux, eft celui qu'elle fait avec la Tartarie & la Ruffie. Il lui fournit, par échange, des pelleteries dont elle a besoin dans fes provinces du Nord. Il paroît auffi que son averfion pour tout négoce avec les Européens s'est un peu mitigée. On a lu, depuis peu, dans les Papiers publics, que l'Empereur régnant vient d'établir une Compagnie de Commerce à Kan-ton même.

Cette innovation fera-t-elle utile aux Chinois? Eux feuls peuvent réfoudre la queftion. Les richeffes factices ne leur font point néceffaires dans l'état actuel de leur Gouvernement. S'il change de systême, il faudra du temps pour le confolider. Les denrées de premiere néceffité augmenteront de prix; & le Peuple immenfe, dont la Chine est couverte, fera encore long-temps pauvre. Ceci paroîtra peut-être un paradoxe; mais nous croyons qu'il eft plus facile d'accroître la population d'un Etat au moyen du commerce, que d'introduire le commerce dans un Etat infiniment peuplé.

Venons à un article bien étroitement lié au commerce, & qui peut-être lui doit fon origine; l'intérêt de l'argent fur prêt, ou fur d'autres avances. Cet usage paroît ne remonter à la Chine qu'à environ deux mille ans. Il fut, tour à tour, admis & rejeté; enfin, la Loi lui donna une fanction qui fubfifte encore. Il eft à un taux qui pafferoit en France pour une ufure punissable: il ne s'agit pas moins que de trente pour cent par année; & l'année n'est que lunaire. On paye un dixieme de cet intérêt

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par mois; mais quand même on négligeroit de payer l'intérêt du mois, ou celui d'une année, ou celui de plusieurs années, il ne peut jamais devenir capital: c'est à quoi a pourvu une Loi publiée il y a plus de 450 ans. Voici ce qu'elle prononce :

"Quiconque prêtera ou en argent, ou en biens fonds, » ne pourra percevoir que trois fen par lune (un fen est » le centieme de la chofe due). Quelque accumulée que » foit la dette par les lunes & années, le capital & » l'intérêt resteront toujours les mêmes. Si on contre» vient à la Loi, on fera condamné à quarante coups » de bâton ; & à cent, fi on use d'artifice pour faire » paffer l'intérêt dans le capital «. Voilà le texte, & voici les développemens de cette même Loi. Nous copions le tout dans les nouveaux Mémoires fur la Chine.

» Ċelui qui sera accufé devant le Mandarin de n'avoir » pas payé une lune d'intérêt, fera condamné à dix » coups de bâton; à vingt pour deux lunes; à trente » pour trois, & ainfi jufqu'à foixante, c'est-à-dire juf

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qu'au fixieme mois alors on oblige le débiteur à » payer le capital & l'intérêt ; mais on condamne à quatrevingts coups ceux qui fe payent violemment par leurs

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Il est difficile d'appercevoir, encore plus de pénétrer les motifs de la Loi qui autorise un intérêt si exorbitant. Plufieurs Ecrivains Chinois fe font exercés fur cette matiere, & ne l'ont pas bien éclaircie. Le meilleur compte qu'un d'entre eux en ait rendu, c'eft que le taux exceffif de l'argent empêche celui qui en a beaucoup d'acheter une trop grande quantité de terres. Ces poffeffions ne fer

viroient

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