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debout, dans la posture où ils étoient d'abord; puis » ils retombent à genoux, font trois profternations nouvelles, fe relevent encore, retombent à genoux, & » en font trois autres. Ces neuf profternations faites, », le Mandarin du Li-pou fe remet à genoux, & préfente » un second placet de l'Empereur, pour inviter l'Impératrice mere à retourner dans fon appartement. Le placet eft porté dans l'intérieur de la falle, & la mufique de l'Impératrice annonce fon départ. La mufique » de l'Empereur lui répond; après quoi le Mandarin du

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» que

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Li-pou vient fe profterner devant ce Prince, lui an» nonce que la cérémonie eft finie, & l'invite à retourner » dans fon appartement. La mufique de l'Empereur joue » une fanfare; le Prince redescend par l'escalier de l'O» rient, traverse la cour à pied, & ne rentre dans fa chaise sous le vestibule où il l'avoit quittée. Son cortége l'accompagne dans le même ordre à fon retour. C'est » alors que l'Impératrice régnante, fuivie de toutes » les Reines, Princeffes, Comteffes de la famille Impériale, & de toutes les Dames de la Cour, vient » faire auffi fes profternations à l'Impératrice mere, & » avec le même cérémonial. Pour l'Empereur, il monte quelque temps après fur fon trône, & reçoit celles » des Princes, des Mandarins, de tous les Tribunaux, » & de tous les Vaffaux & Tributaires, foit nationaux, » foit étrangers «,

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Cette cérémonie est de rigueur dans tous fes points. En voici une preuve bien frappante. L'Empereur, outre la cérémonie du jour de l'an, eft obligé de rendre visite à fa mere tous les cinq jours. L'Empereur régnant, parvenu

Piété filiale.

à l'âge de foixante & trois ans, ne s'étoit pas encore Piété filiale. exempté une feule fois de ce devoir avec toutes ses

formes. Celle de traverfer les cours à pied au milieu de l'hiver pouvoit l'incommoder, fur-tout quand le vent du nord fe fait vivement fentir; cependant il ne fongeoit point à fe dispenser de cet ufage. Il fallut que l'Impératrice mere l'en affranchît par une déclaration publiée & enregistrée. Elle y ordonne à fon fils, pour ménager fa chere fanté, de venir chez elle par la porte latérale de la cour, & de ne defcendre de fa chaise que fous la galerie qui est devant fon appartement.

Un Empereur nouvellement proclamé, & dont la mere existe encore, ne peut recevoir l'hommage des Grand's de fa Cour qu'après avoir rendu le fien à fà mere.

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Il ne fe choifit point une femme, ne donne aucune Principauté à ses enfans ne fait aucun réglement pour la famille Impériale, n'accorde au Peuple aucune grace, &c., fans confulter fa mere. C'est même elle qui paroît avoir préfidé à toutes ces opérations; c'est en son nom qu'elles font notifiées à tout l'Empire. L'Empereur femble ne faire que lui obéir; & c'est ce qu'il a foin d'annoncer par la déclaration qu'il joint à celle de l'Impératrice. Celle-ci pourtant n'auroit point force de Loi fans cette attache.

Enfin, on tient pour maximes à la Chine, que la piété filiale du Prince double toutes les vertus de ses sujets; Que tout fcélérat a commencé par être mauvais fils; Que toutes les vertus font en péril quand la piété filiale eft attaquée;

Que louer fon fils c'eft fe vanter; que blâmer fon pere c'eft fe flétrir ;

Que tout ce qui donne atteinte à la piété filiale est une calamité publique; & que tout ce qui l'augmente est un grand coup d'Etat.

Finiffons par un axiome qui paroîtra trivial, & qui est profond. » L'agneau qui tette à genoux arrête fa mere «.

Telle est, en abrégé, la doctrine des Chinois fur la piété filiale. Quelques paffages de ce chapitre étonneront fans doute les Lecteurs François ; ils nous étonnent quelquefois nous-mêmes. Nous y reviendrons dans l'Article des Mœurs & des Ufages; nous y ferons voir les inconvéniens particuliers de cette morale exclufive. Il n'en est pas moins vrai que le Gouvernement gagne plus à l'étendre qu'à la reftreindre.

Piété filiale.

CHAPITRE X I I.

Adminiftration intérieure.

ON ne connoît guere d'autre genre d'Administration

intérieure

à la Chine. Ce vafte Empire a peu de relation même Administration. avec ses plus proches voisins. Les Chinois furent toujours auffi jaloux de se concentrer chez eux, que certains Peuples d'anticiper fur d'autres.

Si quelque chofe peut démontrer l'antiquité de cet Empire, c'est l'ordre étonnant qu'on y voit établi depuis tant de fiecles. Rien de complet, rien de fini ne se fait rapidement; & on trouve ici, depuis deux, trois mille ans, des institutions que le temps feul avoit pu amener, qui néceffairement étoient déjà le fruit d'une longue expérience..

intérieure.

Tel est, entre autres, l'antique ufage de faire chaque Administration année un dénombrement général de tout l'Empire par familles, par diftricts, & par provinces. Cette liste embrasse tous les individus, sans distinction d'âge, de sexe, ni de rang. Elle est universelle; mais il en existe une feconde, qui n'eft que particuliere: elle concerne uniquement les gens du Peuple, depuis l'âge de feize ans révolus jufqu'à celui de cinquante. On efface le nom de quiconque eft parvenu à cette période. Ce dernier rôle fert pour l'ordre des corvées, pour les recherches générales, pour faciliter les fonctions de la police, &c. Quant aux dénombremens généraux, ils font juridiques, & fidélement confervés. C'est une reffource toujours prête pour constater l'état des perfonnes, ou des familles, dans toutes les circonstances qui intéreffent ou le Gouvernement ou les particuliers. Il s'en fert auffi pour juger de la quantité de monde qui a péri, foit par les inondations, foit par les tremblemens de terre, les maladies épidémiques, &c.; pour connoître ce qu'il faut de fecours dans les années de difette; l'état de l'agriculture & de fes produits; combien on peut ou l'on doit y multiplier les manufactures, les Mandarins, les gens de guerre, & quelle quantité de ces derniers tel ou tel canton peut fournir. Le Ministere a une notice détaillée de toutes les terres de chaque district, de leur degré de fertilité, & de ce qu'on y cultive. Il est naturel que l'Empereur, qu'on nomme le pere commun, & qui fe regarde comme tel, fache quel genre de fecours il faut porter à certain canton, quel nombre d'individus il faut fecourir. Les magafins & les greniers de l'Empire font destinés à cet usage.

intérieure.

Ces magasins font fournis de tout; & tout est prêt, au besoin, pour faire face aux accidens inopinés. Aucun Administration ne peut prendre l'Administration au dépourvu; elle connoît toutes les dépenfes qu'elle doit faire : elle les fait routes à propos, toutes avec dignité, toutes fans embarras; c'est le fruit de l'ordre établi depuis long-temps dans cette partie fi effentielle. Rien ne se fait que de l'aveu, & prefque fous les yeux de l'Empereur. Les Tribunaux lui préfentent des placets, où ils lui expofent ce qu'il feroit utile de faire : il accueille, ou il rejette. Ce font eux, dans le premier cas, qu'il charge de veiller à l'exécution, & qui lui rendent compte des dépenses qu'elle a entraînées. Tout fe fait juridiquement, tout eft furveillé; & la fraude eft d'autant plus rare, qu'elle devient à peu près impoffible.

On préfume bien que la Chine a fes Loix fomptuaires. Ce Code économique détermine, dans le plus grand détail, la forme des habits pour toutes les faifons, le prix de ces habits pour tous les états, pour tous les âges. L'Empereur lui-même ne fait point exception à cette regle. Ses habits de cérémonie font plus ou moins somptueux, felon les cérémonies religieufes, politiques & domestiques pour lesquelles il les prend. L'habit ou le coftume autorifé dans telle ou telle claffe, eft tellement indiqué par le Code fomptuaire, qu'on diftingue, à son premier afpect, de quelle claffe eft celui qui le porte. Il est tellement économifé, qu'il met un frein au luxe du riche & ne gêne point le pauvre.

L'Impératrice mere eft beaucoup plus magnifique dans ses habits, & dans tout ce qui eft à son usage, que l'Em

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