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Adminiftration intérieure.

pereur même. L'Impératrice régnante eft en tout au niveau de fon époux. Il en eft ainfi des Princeffes, relativement aux Princes qu'elles ont épousés.

Les enfans prennent, dans les fêtes de famille, leurs habits de cérémonie, pour faire plus d'honneur à leurs parens; mais ni les uns ni les autres ne doivent porter ces fortes d'habits que très-rarement, c'est-à-dire, dans les circonstances prévues par la Loi. L'Empereur donne lui-même l'exemple de s'habiller fort fimplement; il n'étale, dans son extérieur, aucun faste, excepté dans les jours de grandes cérémonies.

Son palais, il eft vrai, passe en Europe pour une ville, & c'en est une par l'immense étendue de fon enceinte; mais c'est-là ce qui fait le plus grand mérite de ce palais. Huit grandes cours, des falles immenfes, des colonnes riches, mais groffiérement travaillées; des jardins qu'on prendroit pour de vastes campagnes; des pavillons, connus fous le nom de Kiofques, parfemés dans cette vaste étendue; voilà ce qui compofe ces édifices royaux. L'Empereur en a un grand nombre de cette efpece. Chaque capitale d'une province en renferme un, qui est la demeure du Vice-Roi. On en trouve dans des villes moins importantes, pour le logement des Mandarins en place ; & ces derniers palais ne font pas toujours fort inférieurs aux premiers.

Les palais font le fruit d'une magnificence faftueuse. Eriger des ponts fur des rivieres qui en manquent, faire creufer des canaux dans les cantons qui manquent de rivicres; voilà une magnificence vraiment utile. On a multiplié les ponts en raifon du nombre des canaux &

des

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des rivieres ces ponts font de trois, de cinq, ou de sept arches; celle du milieu a quelquefois trente-fix & Administration même quarante-cinq pieds de largeur. Elle est fort élevée, pour procurer aux barques la facilité de passer fans abaisfer leurs mâts. Les arches de droite & de gauche n'ont guere moins de trente pieds en largeur. Leur élévation diminue proportionnellement aux talus du pont.

Quelques-uns n'ont qu'une feule arche, & une voûte affez mince; aucune charrette n'a le droit de les traverser. Il est vrai qu'en général les Chinois ne se fervent que de Porte-faix pour tranfporter leurs ballots, même d'une

Province en une autre.

On fent de quelle utilité peuvent être les canaux, furtout dans les pays bien cultivés; & la Chine l'eft mieux que tout autre : auffi renferme-t-elle un plus grand nombre de canaux. Tous font navigables; tous ont depuis dix jusqu'à quinze toises de largeur. Leurs bords font communément revêtus d'une pierre de taille si fine dans son espece, qu'on la prendroit pour un marbre couleur d'ardoise. C'est encore le Gouvernement qui fournit à la dépenfe de leur conftruction & de leur entretien.

Ces canaux navigables procurent à chaque Province un moyen facile d'envoyer dans une autre ce qu'elle a de trop, & d'en recevoir ce qui lui manque.

L'Agriculture eft la principale, & presque l'unique resfource des Chinois : ils la regardent comme la premiere des profeffions, comme celle dont la fociété retire le plus d'avantages. Le Laboureur y jouit de très-grands priviléges. Le Marchand & l'Artiste Y font moins confidérés.

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intérieure.

Il est permis à la Chine d'employer une partie des Administration grains à fabriquer de la biere & de l'eau-de-vie; mais fi l'année eft peu abondante, l'Administration ordonne auffi-tôt de fufpendre cette fabrication.

leur

Les Empereurs Chinois ne fe font point bornés à publier de fages réglemens fur l'Agriculture; ils l'encouragent par propre exemple. La cérémonie célebre où l'Empereur laboure un champ de fes propres mains, a été souvent citée dans nos Livres : voici plus en détail en quoi elle consiste.

Le printemps à la Chine commence toujours dans le mois de Février, mais non permanément le même jour. Cette époque eft indiquée par le Tribunal des Mathématiques. Celui des Rits l'annonce à l'Empereur par un mémorial, où tout ce que le Prince doit faire dans cette. circonftance est scrupuleusement détaillé. Il nomme d'abord douze perfonnes des plus illuftres pour l'accompagner & labourer après lui. On y compte trois Princes du Sang, & neuf Présidens des Cours Souveraines. Les Affeffeurs de ceux qui font trop vieux, ou trop infirmes, les remplacent dans cette cérémonie; mais il faut qu'ils y foient autorisés par l'Empereur.

La fête eft précédée d'un facrifice offert par le Souverain au Chang-ti ( c'est-à-dire, à l'Etre fuprême). L'Empereur s'y difpofe par trois jours de jeûne & de continence. Ceux qui doivent le fuivre font aftreints à la même regle. D'autres font nommés la veille de la cérémonie par l'Empereur, pour aller fe profterner devant la fépulture de fes ancêtres morts, & les avertir que le jour fuivant il célébrera le grand facrifice.

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Le lieu où l'Empereur offre le facrifice du printemps, est un tertre fitué à quelques ftades de la ville; il doit Administration avoir cinquante-quatre pieds de haut : cette élévation est de rigueur, & prefcrite par les Rits. C'est à titre de Souverain Pontife que l'Empereur facrifie. Il invoque le Chang-ti, & lui demande l'abondance en faveur de fon peuple. De là il descend, accompagné des trois Princes & des neufs Préfidens qui doivent labourer avec lui. Le champ destiné à cette opération est peu éloigné du tertre. Une quarantaine de Laboureurs ont été nommés pour atteler les bœufs à la charrue, & préparer les grains que l'Empereur doit femer. Ils font de cinq efpeces différentes, qu'on regarde comme les plus nécessaires; c'est du froment, du riz, du millet, des féves; c'est enfin une autre forte de mil, que les Chinois nomment Cao-leang. Ces grains ont été apportés dans des caffettes magnifiques par des personnages d'un rang distingué.

L'Empereur s'empare de la charrue, & trace plusieurs fillons. Les Princes labourent après lui, &, après eux, les Présidens. Enfuite le Souverain feme les cinq fortes de grains dont il vient d'être parlé; cela fait, on distribue , par fon ordre, aux quarante Laboureurs qui ont arrangé l'attelage & préparé les grains, quatre pieces de coton à chacun pour se faire des habits. On fait le même préfent à une quarantaine d'autres plus âgés, qui ont seulement été fpectateurs de cette cérémonie. Ces préfens, comme on le voit, ne font point faftueux; mais, coup sûr, la cérémonie eft impofante & encourageante. L'application des Chinois à l'agriculture fe fortifie encore par la vénération qu'ils ont pour fon origine. Ce

Administration intérieure.

fut, difent-ils, Chin-nong, un de leurs premiers Empereurs, qui la leur enfeigna. Ils le réverent encore aujourd'hui comme l'inventeur de cet Art fi utile. Chun, autre Monarque Chinois des premiers temps, fut tiré de la charrue par le célebre Yao pour en faire fon Ministre. Il le défigna enfuite fon fucceffeur, quoique lui-même eût un fils; mais il jugeoit ce Prince peu digne de lė remplacer. Chun en ufa comme avoit fait Yao; il fe donna pour fucceffeur Yu, qui avoit commencé comme

lui.

Il ne faut point juger des Laboureurs Chinois d'après les nôtres, fur-tout relativement aux lumieres que procure l'éducation. Les écoles gratuites font très-nombreuses dans toutes les Provinces de la Chine. On en trouve jufque dans les villages. Là, le fils du pauvre est admis comme celui du riche; leurs devoirs, leurs études font les mêmes; l'attention des Maîtres fe partage également entre eux; & c'eft fouvent de cette fource obfcure que fortent des talens faits pour briller fur la scene du grand monde. Rien de plus ordinaire à la Chine que de voir le fils d'un payfan régir la Province dont fon pere a long-temps labouré un petit coin. Ce pere lui-même, enlevé à fa charrue, & porté dans une fphere supérieure, pourroit, en fe rappelant fon éducation primitive, & fur-tout s'il a du génie, fe trouver encore au niveau de fon nouvel emploi.

On a vivement reproché à la Chine l'infanticide, & l'expofition des enfans. On préfume bien que ni l'un ni l'autre ne font autorisés par aucune Loi. Ils font auffi bien moins fréquens qu'on ne le publie en Europe. On lit,

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