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il est vrai, dans le Pere du Halde : » Qu'il arrive quelque

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fois que les Chinois, fe trouvant hors d'état de nourrir Administration » une nombreuse famille, engagent les Sages-femmes à » étouffer dans un baffin plein d'eau les petites filles » auffi-tôt qu'elles font nées «. Quelquefois ne veut pas dire fouvent, mais il fignifie encore trop fans doute pour l'honneur de l'humanité. Les Chinois fe retrouveroient par-là au niveau des Spartiates qui précipitoient dans l'Eurotas tout enfant mal conformé; avec la différence que ce crime étoit autorifé à Sparte, & ne le fut jamais à la Chine. L'infanticide y eft le plus communément produit par le fanatifme de l'idolâtrie; fanatifme qui ne domine guere que chez le bas peuple. C'est pour obéir à l'oracle d'un Bonze, ou pour se délivrer d'un fort, ou pour s'acquitter d'un vou, qu'on précipite dans la riviere ces malheureux enfans: c'est à l'Esprit du fleuve qu'on les facrifie. Tous les Peuples anciens, du moins: prefque tous, fe font fouillés d'horreurs à peu près femblables; mais il s'en faut de beaucoup que le Gouvernement Chinois affiche, à cet égard, la tolérance. On connoît le trait de ce Mandarin, qui, indigné de cette fanatique barbarie, fit faifir au corps les auteurs, les complices d'un pareil attentat, & les fit jeter l'un après l'autre dans le fleuve Kiang, fous prétexte de porter fes lettres & fes vœux à l'Esprit de la riviere. Au furplus, ces coupables dévouemens n'ont guere lieu que dans certains cantons de la Chine où l'idolâtrie entretient parmi. le peuple les préjugés, le fanatisme & l'ignorance.

Souvent auffi les cadavres d'enfans qu'on voit flotter fur l'eau n'y ont été jetés qu'après leur mort; & il en

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est de même de ceux qu'on trouve dans les rues, ou Administration fur le bord des chemins publics. C'eft la pauvreté des parens qui leur fuggere ce trifte moyen, parce qu'alors leurs enfans font inhumés aux frais de la Police.

Il reste à parler des enfans qu'on expose en vie. C'est un usage toléré à la Chine. Ils font enlevés tous les matins par les foins du Gouvernement, de même qu'ils font nourris par fes foins. C'est avertir qu'il faut les expofer la nuit, c'est encourager cette expofition; & la bonne politique eft ici d'accord avec l'humanité.

L'esclavage eft connu, eft autorifé à la Chine; mais les Chinois en ont modéré la rigueur. Chez eux, un efclave peut fe racheter, quand il a mis cette réserve dans fon acte d'engagement, ou quand même, au défaut de cette restriction, fon Maitre juge à propos d'y foufcrire. Les Chinois ont auffi des domestiques à gages, qui peuvent les quitter, fi le Maître ne leur convient pas, comme le Maître peut les renvoyer à volonté. Ici l'Administration n'a rien à faire, & ne se mêle de rien.

Mais les Tartares-Chinois, c'est-à-dire, les fucceffeurs des Conquérans de la Chine, ne connoiffent point cette restriction: leurs efclaves font permanens, & rien, excepté la volonté du Maître, ne peut changer leur fort. Voilà ce qui concerne l'administration fur cet article; nous y reviendrons dans celui des Mœurs & Usages.

la

On retrouve à la Chine cette efpece d'hommes que jalousie orientale fit, prefque dès l'origine des temps, retrancher de la claffe où la Nature les avoit placés: on voit des Eunuques; mais leur nombre eft moins grand qu'on ne le préfume en Europe. Aucune Loi n'autorife la

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mutilation; elle est même flétrie par la doctrine de la piété filiale: elle ne l'eft pas moins par les fonctions qu'exercent les Eunuques chez l'Empereur & les Impératrices. Tout le réduit, pour le plus grand nombre, balayer les cours du palais.

Le Calendrier eft à la Chine un objet d'Administration. Tous les ans on en publie un aux frais de l'Empereur. Il est compofé par le Tribunal des Mathématiques; mais l'Aftrologie judiciaire en est la base. On pourroit le comparer à l'Almanach de Liége, en ajoutant à celui-ci une liste, prise au hafard, des jours heureux & malheu

reux.

Il n'eft pas jufqu'à la Gazette même qui ne tienne effentiellement à la conftitution politique. Elle s'imprime chaque jour à Pe-king, & fe répand de là dans toutes les Provinces. Elle renferme tous les objets qui tiennent à l'Administration; & l'Administration embraffe tout entre dans les moindres détails, fecourt, punit, ou récompenfe toujours à propos. On lit dans cette Gazette le nom des Mandarins qui ont été deftitués de leurs emplois, & les motifs de cette deftitution; foit qu'ils aient été ou trop indulgens, ou trop durs, ou trop rapaces dans l'exercice de leur emploi, foit qu'on les ait jugés incapables de le bien remplir. On y apprend de même le nom du Mandarin qui vient d'être élevé par fon mérite à tel pofte éminent; le nom de tel autre que fon incapacité a fait renvoyer du fien pour en occuper un moindre. Elle parle de toutes les affaires criminelles qui tendent à la peine de mort; des Officiers qui remplacent les Mandarins congédiés; des calamités qui ont

Adminiftration intérieure.

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affligé telle ou telle Province; des fecours que le GouAdministration vernement lui a procurés; des dépenfes de l'Administration relativement à la subsistance des troupes, au befoin du Peuple, à l'entretien ou à la construction des ouvrages publics, aux bienfaits du Prince on y voit enfin jufqu'aux remontrances que les Tribunaux fupérieurs prennent la liberté de faire au Souverain, ou fur fes décifions, ou fur fa conduite personnelle, quelquefois fur le tout ensemble. Cependant on n'imprime rien dans cette Gazette qui n'ait été préfenté à l'Empereur, ou qui ne vienne de lui. Il y a peine de mort pour quiconque oferoit inférer un article faux dans cette Feuille miniftérielle.

Rien n'a force de Loi ni de jugement, fans l'appofition du sceau de l'Empereur : ce sceau eft d'environ huit doigts carrés; il est d'un jaspe fin, forte de pierre précieuse fort eftimée à la Chine. Le Souverain feul est en droit d'avoir un fceau de cette matiere. Ceux qu'il donne par honneur aux Princes, font d'or; ceux des ViceRois & des Grands Mandarins font d'argent; ceux des Mandarins ou Magistrats d'un ordre inférieur ne peuvent être que de cuivre ou de plomb. La forme en est plus ou moins grande, felon le rang qu'ils tiennent dans l'ordre des Mandarins & dans les Tribunaux. Lorsque le fceau d'un de ces Officiers eft ufé, il doit en avertir le Tribunal supérieur; alors on lui en fait parvenir un neuf, & l'on exige qu'il rende l'ancien.

L'Empereur munit auffi du sceau Impérial chaque Visiteur qu'il envoie dans telle ou telle Province. Le devoir de ces Députés eft d'examiner la conduite des Gouver

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neurs, des Magistrats & des particuliers. Croit-il devoir citer le Vice Roi à fon Tribunal? Ce Chef, fi redouté eft obligé de s'y rendre. S'agit-il d'un Magiftrat fupérieur à d'autres Magistrats ? Celui-ci devient prisonnier du Visiteur; & jufqu'à ce qu'il ait prouvé que fa conduite est intacte, il eft, comme on dit parmi nous, fufpendu de toutes fonctions: le Vice-Roi, au contraire, exerce toujours les fiennes; mais le rapport du Vifiteur décide, pour l'ordinaire, de leur fort commun; comme l'exiftence de ce Député dépend de la fidélité de fon rapport. Difons plus; & voici ce qui eft vraiment admirable: c'est que l'Empereur prend quelquefois le parti de remplacer lui-même les Vifiteurs dans quelques Provinces. Kang-hi, un des plus célebres Monarques de la Chine, & qui vivoit au commencement de ce fiecle, donna, dans une pareille circonftance, un exemple mémorable de févérité de justice. Un jour qu'il s'étoit un peu éloigné de sa suite, il apperçut un vieillard qui pleuroit amérement. Qu'avez-vous, lui demanda l'Empereur? Seigneur, lui répondit le vieillard fans le connoître, je n'avois qu'un fils; il faifoit toute mon espérance, & pouvoit devenir l'appui de ma famille. Un Mandarin Tartare me ľa enlevé : je me vois par-là privé de tout secours, & n'en efpere aucun; car jamais un homme foible & pauvre comme moi, n'obtiendra justice du Gouverneur contre un homme puiffant. On vous la rendra, lui répondit l'Empereur, toujours fans fe faire connoître; montez en croupe derriere moi, & conduifez-moi à la maison du ravisseur. Le bon homme accepta ; &, après deux heures

Administration intérieure.

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