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les cinq Livres canoniques, forme le Code National & celui du Souverain.

Kang-hi ne fe borna point à former ce Recueil; il a jugé, & quelquefois commenté chaque morceau qui le compose. La conduite de cet Empereur est le meilleur Code qu'un Souverain puisse adopter pour lui-même: elle paroît avoir acquis force de Loi pour fes fuccefseurs. La sévérité dont il usa envers le feul fils qu'il eut de fa femme légitime, est un exemple bien impofant pour tout Prince Chinois, défigné héritier du trône. Kang-hi dépofa de la maniere la plus éclatante le même fils qu'il avoit nommé fon fucceffeur, le fit charger de fers, enveloppa fes enfans & fes principaux Officiers dans sa difgrace; après quoi, il fit inférer dans la Gazette les motifs qu'il avoit eus d'en user ainfi.

Ce Prince rétablit la difcipline militaire, fit fondre un grand nombre de canons, & ne craignit pas d'humilier l'orgueil national en ne se repofant de cette opération que fur un Etranger, un Jéfuite. Il ne craignit pas de choquer les usages, les préjugés, en le créant Mandarin. La premiere Loi pour lui, étoit d'opérer le bien général, que les préjugés contrarient toujours. Son refpect pour la vieillesse ne se démentit jamais; & en cela il accordoit la politique avec l'humanité. Le plus grand abus dans un Etat, c'est que la jeuneffe préfume trop de fa capacité, & compte l'expérience pour peu de chose.

Code des Empe

reurs.

L'âge mûr, lui-même, dans un homme d'Etat, ne suffit pas fans le travail; on peut ajouter fans le génie. L'Empereur, qui réuniffoit le génie à l'étude, crut remarquer du relâchement dans les premiers Docteurs de l'Empire; il

Yyy

Code des Empe

reurs.

uns,

foupçonna que ce pouvoit être pure négligence dans les & défaut de moyen dans les autres : ce fut de quoi il voulut juger par lui-même. Il les affembla, & les interrogea. Plusieurs se tirerent mal de cet examen, toutà-fait imprévu, parce qu'il étoit fans exemple. Ils furent dégradés, & renvoyés dans leurs Provinces. L'Empereur, `dira-t-on, pouvoit se méprendre dans fes décisions; il y avoit pourvu. Un Mandarin très-éclairé, mais que le Prince ne mit point dans fon fecret, & qu'il n'inftruifit point des jugemens qu'il avoit déjà portés, fut chargé, par lui, de faire fubir un pareil examen à ces mêmes Docteurs. Le résultat du fecond examen fut semblable à celui du premier, à l'exception d'un feul Lettré que l'Empereur avoit jugé incapble, & que le fecond Examinateur déclara feulement d'un mérite douteux. Cet exemple, qui peut fe: renouveler, a diminué l'orgueil des premiers Savans de l'Empire, & ranimé leur émulation.

Ce fut auffi pour le maintien des bonnes mœurs que Kang-hi défendit la vente de tout Livre capable d'y porter atteinte; par la raifon, dit un Auteur Chinois, qu'on fait fans honte ce qu'on a lu avec plaisir.

Idée du Gouvernement actuel.

CHAPITRE X V I.

Idée du Gouvernement actuel.

L'ANCIEN Gouvernement continue de fubfifter; les nouveaux Maîtres de la Chine n'ont fait que fe l'approprier. Le Tartare conquérant s'est soumis aux Loix, aux usages de la Nation conquife; il s'eft reftreint à profcrire cer

tains abus, amenés par le temps, qui détériore tout lorfqu'il ne l'améliore pas; abus qu'un fage Gouvernement ne peut ni permettre, ni tolérer. La Chine, en un mot, paroît avoir gagné beaucoup par la révolution qui fembloit devoir caufer fa ruine.

Les Tartares, que les Chinois traitoient de Nation barbare, ne leur ont donné jufqu'à ce jour que des Empereurs dignes de gouverner cet Empire immenfe; & ceux-ci l'ont tous gouverné par eux-mêmes. Ces Princes ménagent plus leurs fujets conquis, que leurs fujets naturels. Qu'une difcuffion s'éleve entre un Chinois & un Tartare, il faut que le premier ait bien tort pour n'avoir pas raifon, même aux yeux des Tribunaux, quoique tous compofés mi-partis de Chinois & de Tartares. Cette politique eft facile à concevoir; mais elle n'en eft pas moins fage.

La plus légere faute est sévérement punie dans un Mandarin Tartare; la plus grave, s'il est Chinois, ne l'expose souvent qu'à une peine mitigée. C'est parmi les Tartares qu'on s'applique fur-tout à entretenir le goût des armes, l'esprit & la discipline militaires. Un Officier de cette Nation est toujours puni, pour peu qu'il néglige fes devoirs ; il est casfé, pour peu qu'il y déroge. Un Officier Chinois peut obtenir grace; l'Officier Tartare ne l'obtient

jamais.

Il faut le dire: tout homme en place à la Chine, soit dans le civil, foit dans le militaire, croit toujours voir le glaive suspendu sur sa tête. Il ne peut prévoir sa deftinée, lorsqu'il fera cité au Tribunal de l'Empereur. Le temps, la circonstance, le besoin de faire un exemple, peuvent influer fur fa punition.

Idée du Gouvernement actuel.

nement aduel.

Les fautes punies le plus févérement font celles quí Idée du Gouver bleffent les intérêts du peuple; & il eft difficile qu'il foit en proie à cette claffe de tyrans fubalternes qui graduellement pourroient défoler les Provinces. Tout grand Mandarin eft refponfable des fautes de fes inférieurs; il eft leur furveillant, &, pour ainfi dire, leur caution:: il feroit puni des fautes qu'il négligeroit de connoître ou

de dénoncer.

Les Lettrés font toujours en honneur; ils jouiffent de tous leurs droits, de toutes les diftinctions attachées à ce titre mais le Gouvernement réprime leur orgueil, & encourage leurs travaux. La févérité des examens ne permettra plus à cette classe de fe multiplier à l'infini; elle fera moins nombreuse, plus éclairée, & plus utile.

C'est la claffe du Peuple que le Gouvernement Tartare ménage avec le plus de foin. Nulle émeute, nulle révolte ne reste impunie; mais on punit encore plus févérement le Mandarin qui peut l'avoir occafionnée, ou qui n'a point fu la prévenir. En un mot, le Gouvernement actuel eft fi rigide envers les Grands, fi modéré, fi fecourable envers le Peuple, que celui-ci craindroit autant de perdre fes nouveaux Maîtres, qu'eux-mêmes pourroient craindre de perdre leurs nouveaux fujets.

LIVRE I I.

ni

DE LA RELIGION DES CHINOIS.

POUR
OUR juger fainement du systême religieux des Chi-
nois, il ne faut pas confondre la Religion ancienne &
persévérante de l'Etat avec les fuperstitions populaires,
établies dans les fiecles postérieurs. Le culte primitif des
anciens Chinois s'eft invariablement foutenu jufqu'à nos
jours cette Doctrine des premiers temps n'a été altérée
par la fucceffion d'une longue fuite de siecles, ni par
les révolutions politiques, ni par les rêves bizarres des
Philofophes : elle est encore aujourd'hui la feule avouée
le Gouvernement, fuivie par l'Empereur, les Grands,
les Gens de Lettres, & confacrée dans l'enfeignement
public. Nous allons d'abord rassembler les notions éparses
qui feront les plus propres à la faire connoître; nous
donnerons enfuite le détail des Sectes modernes.

par

De la Religion des Chinois

CHAPITRE

PREMI E R.

De la Religion ancienne de la Chine..

LE P. Amiot, Juge auffi impartial qu'éclairé de la Lit

De la Religion

térature, de l'Hiftoire, & des monumens anciens des ancienne de la Chinois, expose ainsi le résultat de fes longues. & pé- Chine.. nibles recherches fur l'origine de ce Peuple, & la Reli

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