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ancienne de la Chine.

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gion primitive: » Armé de courage, Armé de courage, & muni d'une De la Religion » patience à toute épreuve, je me suis mis fur les voies. » J'ai marché pendant long-temps par des fentiers difficiles, pénibles, fcabreux, & pleins de dangers. J'ai fait »mes obfervations & mes remarques fur tout ce qui s'eft » offert à moi. J'ai rapproché, comparé, analyfé, médité; » & par une fuite de raisonnemens que j'ai crus folides, par » un enchaînement de preuves qui m'ont paru bonnes, » j'ai conclu en derniere inftance, que les Chinois font » un Peuple particulier, qui a confervé les marques caractéristiques de fa premiere origine; un Peuple dont » la doctrine primitive s'accorde dans ce qu'elle renferme » de plus effentiel, quand on fe veut donner la peine de » l'éclaircir, avec la doctrine du Peuple choifi, avant que ordre de Dieu même, en eût configné l'exMoïfe, par plication dans nos Livres faints; un Peuple, en un mot, » dont les connoiffances traditionnelles, dépouillées de ce » que l'ignorance & la fuperftition y ont ajouté dans les fiecles poftérieurs, remontent d'âge en âge & d'époque » en époque, fans interruption, pendant un espace de plus » de quatre mille ans, jufqu'au temps du renouvellement » de la race humaine par les petits-fils de Noé «. Toutes les vraisemblances historiques portent à croire, en effet, que les premiers defcendans de Noé formerent la colonie qui alla peupler la Chine. Pleins de refpect pour ce faint Patriarche, qu'ils regardoient comme leur Chef commun, ils durent emporter avec eux les inftructions paternelles qu'ils avoient recueillies de fa bouche, fes préceptes fur le culte & les dogmes religieux, & le dépôt de toutes les connoiffances antidiluviennes, Qu'on parcoure l'Hif

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toire de tous les anciens Peuples, on verra que plus on De la Religion remonte vers leur origine, plus les traces du véritable culte ancienne de la deviennent sensibles. Les Traditions patriarcales durent Chine. former le premier Code religieux de toutes les colonies, parties des plaines de Sennaar pour aller peupler la terre. Auffi ces traces de la Religion primitive fe font-elles retrouvées dans les anciens Livres du plus ancien des Peuples. Les King, ou Livres canoniques des Chinois, rappellent par-tout l'idée d'un Etre fuprême, créateur & confervateur de toutes chofes. Ils le défignent fous les noms de Tien, Ciel; de Chang-tien, Ciel fuprême; de Chang-ti, Suprême Seigneur; de Hoang-chang-ti, fouverain & fuprême Seigneur noms qui répondent à ceux dont nous nous fervons, lorfque nous difons Dieu, le Seigneur, le Tout-Puiffant, le Très-Haut. Cet Etre fouverain, difent ces Livres, eft le principe de tout ce qui existe, pere de tous les hommes; il est éternel, immuable, indépendant; fa puiffance ne connoît point de bornes; fa vue embraffe également le paffé, le présent & l'avenir, elle pénetre jufque dans les replis les plus intimes des cœurs. It gouverne le ciel & la terre; tous les événemens toutes les révolutions humaines font la fuite de fes difpofitions & de fes ordres. Il eft pur, faint, fans partialité; fes regards s'offensent du crime, & s'arrêtent avec complaisance fur les actions vertueufes des hommes. Juste & sévere, il punit avec éclat le vice jufque fur le trône même ; il en précipite à fon gré le Prince coupable, pour y placer, quand il veut, l'homme obfcur qui eft felon fon cœur. Bon, clément, miféricordieux, il fe laiffe toucher par le repentir des hommes; les caLamités publiques, le défordre des faifons ne font que

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De la Religion ancienne de la Chine

de falutaires avertiffemens que fa bonté paternelle donne aux peuples, pour les inviter à la réformation de leurs mœurs. Tels font les caracteres & les attributs de la Divinité, énoncés prefque à chaque page du Chou-king & des autres Livres canoniques.

Des pluies abondantes, une longue féchereffe menacent-elles les moiffons? la maladie a-t-elle frappé un Empereur vertueux qui eft le pere de fon peuple? auffitôt les facrifices fe préparent, des vœux folennels font adreffés au Tien ; & fouvent ces vœux font exaucés. Un Prince impie est-il atteint de la foudre? ce n'est point au hasard, c'est à la colere & à la justice visible du Tien que ce châtiment est attribué. Ces Livres difent de l'Empereur Tcheou, qu'il a rejeté toutes les bonnes pensées que le Tien lui a données ; qu'il n'a fait aucun cas des prodiges par lesquels le Tien l'avertissoit de fa ruine prochaine, s'il ne réformoit fes moeurs...... Si l'Empereur Kié, ajoutent-ils, eût changé de conduite après les avertiffemens qu'il avoit reçus de la colere célefte, le Tien ne l'auroit point dépouillé de l'Empire.

On voit quelle idée les premiers Empereurs s'étoient formée de la juftice & de la fainteté de l'Etre fuprême, par la conduite qu'ils tenoient dans les défaftres & les calamités publiques. Ils ne fe contentoient pas de recourir au Tien, de lui offrir des facrifices & des prieres, ils s'appliquoient encore à rechercher les fautes fecretes qui avoient pu attirer fur leurs peuples ces châtimens du Ciel; ils examinoient s'ils n'étaloient point trop de luxe dans leurs habits, s'ils n'avoient pas introduit trop de délicatesse dans leur table, trop de magnificence dans leur palais.

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Ils s'avouoient fouvent coupables de ces fautes, en préfence de la Nation affemblée; ils les reconnoiffoient ancienne de la De la Religion fuffifantes pour attirer la colere célefte, & s'offroient Chine. eux-mêmes comme victimes pour la détourner de deffus

le peuple.

Mais voyons plus particulièrement ce que le Chou-king nous apprend de la Religion des anciens Empereurs Yao, Chun & Yu. » Yao, dit le Chou-king, donna ainsi ses » ordres à Hi & à Ho: Le Tien fuprême a droit à nos ado» rations & à nos hommages. Faites un Calendrier........ La

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Religion recevra des hommes les temps qu'ils lui doi» vent «. Il nous paroît extraordinaire, en Europe, qu'on ait toujours attaché, à la Chine, une fi grande importance à la rédaction du Calendrier', qu'elle y foit une affaire d'Etat, & que la négligence fur cet objet y ait été regardée dans tous les temps comme un figne certain de décadence & de révolution. Tous les Fondateurs de nouvelles dynasties ont toujours commencé leur regne par la réformation du Calendrier, & l'on voit qu'Yao lui donne auffi fes premiers foins. D'où vient cette importance? C'eft, difent les Commentateurs, que le Calendrier tient effentiellement à la Religion; c'est qu'Yao ayant établi pour premiere Loi, pour fondement, pour motif & pour fin de toutes les autres Loix, le culte que l'homme doit à Dieu, il étoit néceffaire de fixer invariablement les jours & les temps qui devoient être fpécialement confacrés à l'accompliffement de ce grand devoir.

Voici ce qu'on trouve dans le Commentaire Impérial fur ce premier texte du Chou-king que nous venons de

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De la Religion ancienne de la Chine.

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citer : » (*) Avant de parler du Calendrier, dit Lu-chi,
Yao commence d'abord par dire qu'il faut adorer le
» Tien; il ne peut plus le perdre de vue. Le Calen-
» drier réglé, il parle des temps que la Religion doit
» recevoir des hommes; parce qu'ayant établi qu'il faut
» adorer le Tien, il doit y avoir des temps pour lui
» rendre hommage. Ainfi l'honneur qui eft dû au Tien
» & les hommages que lui rend la Religion, font à la tête
» de tout...... L'homme vertueux, ajoute Tchin-chi, gou-
» verne les hommes pour fervir le Tien. C'est pour cela
» qu'il a fi à cœur le culte & la Religion. Ayant fi à
» cœur la Religion qui honore le Tien, il veille avec foin
» fur les époques du Calendrier. Plus il s'applique à bien:
» gouverner fon peuple, plus il eft exact à lui faire
» donner à la Religion le temps qu'il lui doit. A quel-
» que chofe que s'applique l'homme vertueux, il ne peut
» faire un pas fans la Religion; à plus forte raison en
» fait-il fa grande affaire, quand il ne gouverne les
peuples que pour fervir le Tien...... Yao eft le premier
» homme & le premier fage dont il est parlé (dans le
Chou-king): la vertu eft la premiere chofe par où il fe
» fait connoître, & la Religion le premier mot qu'il
» prononce. Les mille mots & les dix mille paroles des
Sages & des Saints, foit pour les grandes chofes,
» foit
pour les petites affaires, fe rapportent toutes à la
Religion. La Religion eft comme la racine & la fource
» de tout bien; qui fuit la Religion arrive à la fa-

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(*) La traduction de ces paffages du Commentaire Impérial eft du P. Ko, Jéfuite. Chinois, résidant à Pe-king. Voyez les Mémoires fur les Chinois, tome I.

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