ancienne de la Chine. Le P. Amiot, malgré tout ce que les Critiques de De la Religion l'Europe pourront lui objecter, semble conjecturer que le caractere ▲ pourroit avoir été, chez les anciens Chinois, le symbole de la très-fainte Trinité : d'autant plus, ajoute-t-il, que les anciens Livres préfentent une foule de textes qui donnent lieu de fuppofer quelque connoiffance de ce grand mystere. Le Livre See-ki dit: Autrefois l'Empereur facrifioit folennellement, de trois en trois ans, à l'Esprit TRINITÉ ET UNITÉ, CHIN-SAN-YE. On connoît depuis long-temps en Europe le fameux texte de Lao-tfée. » Tao (*) est un par nature. Le pre» mier a engendré le fecond; deux ont produit le troi» fieme; les trois ont fait toutes chofes «. Le P. Amiot cite un autre paffage qui ne paroîtra pas moins fingulier » Celui qui eft comme visible & ne » peut être vu, se nomme Khi; celui qu'on peut en tendre, & qui ne parle pas aux oreilles, Hi; celui qui » est comme fenfible, & qu'on ne peut toucher, se » nomme Ouei. En vain vous interrogez vos fens fur tous » trois, votre raifon feule peut vous en parler, & elle » vous dira qu'ils ne font qu'un. Au dessus il n'y a point (*) Tao, dans le difcours ordinaire, veut dire regle, loi, sagesse, vérité, voix, parole. Dans le texte cité, il fignifie la Divinité. Cette interprétation est fondée fur ce que dit le même Lao-tfée : Le Tao eft un abîme de perfections qui contient tous les êtres...... Le Tao qu'on peut décrire n'eft pas le Tao éternel...... Le Tao eft à lui-même fa regle & fon modele. Hoai nan-tfée l'explique dans le même fens: Le Tao conferve le ciel, foutient la terre; il ft fi élevé qu'on ne peut l'atteindre, fi profond qu'on ne peut le fonder, fi immenfe qu'il contient l'Univers, & néanmoins il est tout entier dans les plus petites chofes. Le Chou-king dit: Le cœur du Tao eft infiniment déliçat & fubtil, De la Religion ancienne de la » de lumiere; au deffous il n'y a point de ténebres. Il est Cette doctrine religieufe des premiers Empereurs Chi- Ven-vang & fon fils Vou-vang, Fondateur de la troisieme dynastie, se distinguerent par leur piété. Le Livre canonique Y-king dit : "Tous les bœufs égorgés par » Tcheou (dernier Empereur de la dynastie des Chang), » ne valoient pas les plus viles offrandes de Ven-vang, » parce que celui-là offroit fes facrifices d'une main » fouillée de crimes, au lieu que celui-ci faifoit confifter » le prix de fon offrande dans la pureté de fon cœur «. C'eft à l'ordre fuprême du fouverain Maître du Ciel que font conftamment attribuées toutes les révolutions qui ébranlent les trônes & changent la face des Empires. Tcheou-kong s'exprime ainfi dans le XIVe chapitre du Chou-king: » Vous, qui avez été Miniftres & Officiers Aaaa + » fous la dynastie de Yn, écoutez : Le Chang-ti, irrité De la Religion, contre votre dynastie, l'a détruite, & par un ordre ancienne de la Chine. plein d'amour pour notre famille, il nous a donné fon » autorité pour exercer la fouveraineté dans le royaume » de Yn; il a voulu que nous achevaffions fon ouvrage. » Ce qui s'est paffé parmi les peuples, a fait voir com» bien le Seigneur du Ciel eft redoutable. Le Roi de la » dynastie de Hia ne fit rien de ce qui étoit agréable » aux peuples; c'est pourquoi le Seigneur du Ciel l'ac» cabla d'abord de calamités, pour l'inftruire & lui faire » fentir fes égaremens mais ce Prince ne fut pas do» cile, il proféra des difcours pleins d'orgueil, & s'adonna » à toutes fortes de débauches; alors le Ciel n'eut aucun » égard pour lui, le dépouilla du royaume, & le punit. » Il chargea de fes ordres Tching-tang, Fondateur de » votre dynastie; il détruifit celle de Hia, & fit gou» verner les peuples de l'Empire par un Roi fage. Le » Roi Tcheou, le dernier de votre dynastie, ne s'eft pas » mis en peine de la loi du Ciel ; il ne s'est pas in» formé du foin que prenoient fes ancêtres pour con» ferver leur famille, il n'a imité ni leur zele ni leur » exactitude; il n'a pas pensé à la loi du Ciel, toute bril» lante qu'elle eft, & il n'a eu aucun égard pour fes fujets. » C'est pourquoi le fouverain Seigneur l'a abandonné & l'a puni. Le Ciel n'a pas été avec lui, parce qu'il n'a pas » fuivi la droite raifon. Dans les quatre parties du Monde, » aucun royaume, grand ou petit, ne peut être détruit, » fi l'ordre n'en eft donné «. Vou-vang, malade, étoit fur le point d'expirer, dans la feconde année de fon regne : fon frere, qui l'aimoit De la Religion ancienne de la tendrement, eut recours au Chang-ti, pour lui demander رو le Tchin-vang porta fur le trône le même respect pour fouverain maître de l'Univers. » Quelque élevé que je fois » au deffus du refte des hommes, dit-il dans le Chouking, je ne fuis cependant qu'un des petits sujets du Chang-ti puis-je me difpenfer de lui rendre mes hom"mages «? " Les mêmes fentimens de Religion animerent le Prince Kang-vang. Il paroiffoit, dit le Chi-king, qu'il n'y eût point alors d'autre Empereur à la Chine que le Chang-ti. La crainte de l'Etre fuprême fuffifoit feule pour contenir tous les fujets dans les bornes du devoir. La bonne foi fut telle fous fon regne, qu'il n'étoit pas nécessaire d'effrayer les peuples par l'appareil des fupplices. La prison étoit la feule peine qu'on impofoit aux coupables. Les portes en étoient ouvertes dès le matin; les prifonniers en fortoient pour se rendre à leur travail, & ils y retournoient d'eux-mêmes le foir, pour y paffer la nuit. Le Chi-king fait connoître encore quels étoient les fentimens de reconnoiffance qui pénétroient Tchao-vang pour les bienfaits du Chang-ti. » Réjouissez-vous, mon peuple, dit-il un jour aux Laboureurs; vous n'êtes Aaaa ij ancienne de la Chine. » encore qu'à la fin du printemps, & vous êtes fur le De la Religion, point de recueillir les fruits de l'automne; nos champs, » nouvellement ensemencés, font déjà chargés de la plus » riche moiffon. Graces foient rendues au Chang-ti, qui » nous met fi-tôt en état de jouir de fes dons ! C'est pourquoi je ne veux pas attendre jusqu'à la fin de l'automne » pour me présenter devant lui & le remercier d'une » fi prompte fertilité «. Un mauvais Prince fe trouve-t-il mêlé dans cette fucceffion de bons Empereurs? un Li-vang oublie-t-il les exemples de fes pieux ancêtres, pour fe livrer à tous les caprices de fon orgueil ? Le Chi-king observe, que le filence du Chang-ti parut être alors une énigme; on eût dit que fa fuprême providence fe fût démentie : tout profpéroit à ce Prince vicieux; les peuples étoient intimidés; les Cenfeurs mêmes de l'Empire applaudiffoient à ses égaremens : » Quoi donc, dit le Chi-king, est-ce qu'il » n'y a plus de justice au Ciel? L'impie jouira-t-il paisi» blement du fruit de fes crimes? Attendez, poursuit-il, » & vous verrez bientôt que le Chang-ti ne tient fon bras fufpendu que pour frapper de plus rudes coups«. En effet, bientôt les peuples fatigués fe fouleverent contre ce Tyran, égorgerent fes proches & fes flatteurs, & l'euffent immolé lui-même, s'il ne se fût dérobé à leur fureur par une fuite précipitée. Le célebre Empereur Kang-hi n'avoit pas une idée moins faine & moins noble de la Divinité : on peut en juger par les trois fameuses Infcriptions qu'il écrivit de fa propre main, & qu'il donna en 1711 pour orner le frontispice de la nouvelle églife des Jéfuites de Pe-king, |