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édifice à la construction duquel il voulut contribuer en accordant dix mille onces d'argent.

Voici ces Infcriptions:

Infcription du frontispice.

AU VRAI PRINCIPE DE TOUTES CHOSES.

Infcription de la premiere colonne.

IL N'A POINT EU DE COMMENCEMENT, ET IL N'AURA POINT DE FIN. IL A PRODUIT TOUTES CHOSES DÈS LE COMMENCEMENT; C'EST LUI QUI LES GOUVERNE, ET QUI EN EST LE VÉRITABLE SEigneur.

Infcription de la feconde colonne.

IL EST INFINIMENT BON ET INFINIMENT JUSTE ; IL ÉCLAIRE, IL SOUTIENT, IL REGLE TOUT AVEC UNE SUPRÊME AUTORITÉ, ET AVEC UNE SOUVERAINE JUSTICE.

L'Empereur Yong tching, fucceffeur de Kang-hi, s'exprimoit avec la même justeffe fur l'Etre fuprême. Le P. Contancin nous a fait connoître un Edit dans lequel ce Prince fait une forte de profeffion de foi, & déclare à ses peuples quel est l'objet de fon culte, & quel doit être celui de tous fes fujets. Cet Edit fut publié dans · tout l'Empire, affiché aux carrefours des villes, & inséré dans la Gazette du Gouvernement. Il est à propos de rapporter quelles ont été les circonftances qui ont donné lieu à cette Déclaration.

Un Surintendant de deux provinces écrivit à l'Empereur, que par-tout où l'on avoit élevé des temples en l'honneur du Général d'armée Lieou-mong, les fauterelles & certains autres vers ne portoient aucun dommage

De la Religion ancienne de la

Chine.

ancienne de la Chine.

aux campagnes ; & qu'au contraire les territoires où il De la Religion n'étoit point honoré, étoient en proie à tous les ravages que ces infectes ont coutume de faire. D'autres grands Mandarins lui avoient auffi propofé différens expédiens superstitieux pour demander ou de la pluie ou du beau temps, felon le befoin. Pour réponse à toutes ces Requêtes, l'Empereur publia la Déclaration fuivante.

» Sur ce que j'ai averti quelques-uns des principaux Officiers des Provinces, de prévenir le dommage que les infectes peuvent caufer dans les campagnes, on a mal interprété les intentions de mes ordres, & l'on y a donné un fens détourné, qui ne leur convient point. On s'eft imaginé mal à propos que je donne dans l'erreur ridicule de ceux qui ajoutent foi à ces efprits qu'on appelle Couei-chin, comme fi je croyois que les prieres faites à ces prétendus efprits foient un remede à nos afflictions. Voici donc ce que je veux dire.

Il y a entre le Tien & l'homme un rapport, une correfpondance sûre, infaillible pour les récompenfes & les châtimens. Lorfque nos campagnes font ravapour gées ou par les inondations, ou par la féchereffe, ou par les infectes, quelle eft la caufe de ces calamités ? Elles viennent peut-être de l'Empereur même, qui s'écarte de la droiture néceffaire pour bien gouverner, & qui force le Tien à employer ces châtimens pour le faire rentrer dans fon devoir. Peut-être auffi viennent-elles de ce que les principaux Officiers de la Province fur laquelle tombent ces malheurs, ne cherchent pas le bien public, & ne prennent pas la justice pour regle de leur conduite. Ne viennent-elles pas auffi, ces calamités, ou de ce que les

De la Religion

ancienne de la

Gouverneurs des villes ne fe comportent pas avec équité,
ou ne donnent pas au peuple les exemples & les inf-
tructions convenables, ou de ce que, dans telle Province, Chine.
dans tel pays, on viole les loix, on méprife les cou-
tumes, on vit dans le défordre? Alors le cœur de l'homme
étant corrompu, cette belle union qui doit être entre le
Tien & l'homme, fe trouble, se corrompt, & les ad-
verfités fondent fur nous en abondance; car les hommes
manquant ici-bas à leur devoir, le Tien alors change
l'inclination bienfaifante qu'il avoit à leur égard.

» Persuadé de cette doctrine qui eft infaillible, lorfqu'on m'avertit que quelque Province fouffre ou d'une longue féchereffe, ou de l'excès des pluies, je rentre aufli-tôt dans moi-même, j'examine avec foin ma conduite; je pense à rectifier les déréglemens qui fe feroient introduits dans mon palais. Le matin, le foir, tout le jour, je me tiens dans le respect & dans la crainte. Je m'applique à donner au Tien des marques de droiture & de piété, dans l'espérance que, par une vie réguliere, je ferai changer la volonté que le Tien a de nous punir. C'est à vous, grands Officiers, qui gouvernez les Provinces, c'est à vous à me feconder. C'eft à vous, Gouverneurs des villes; c'est à vous peuples, foldats & autres, de quelque qualité & condition que vous soyez; c'est à vous, dis-je, à vous acquitter auffi de ce devoir. Veillez fur vousmêmes; confervez-vous dans la crainte; examinez votre conduite; travaillez à vous perfectionner; aidez-vous, exhortez vous mutuellement les uns les autres; réformez vos mœurs; faites effort, corrigez vos défauts; repentez-vous de vos fautes; fuivez le chemin de la vérité; quittez celui de l'erreur; & foyez affurés que si,

ancienne de la Chine.

de notre part, nous rempliffons tous nos devoirs, le De la Religion Tien fe laiffera fléchir par notre conduite bien réglée, & nous attirerons fur nous fa paix & fa protection. Je ne puis trop vous le répéter; pour prévenir les calamités, il n'y a pas de moyen plus sûr que de veiller fur foi-même, de fe tenir dans la crainte, & de travailler à sa perfection. Quand on vous dit de prier & d'invoquer les Efprits, que prétend-on ? C'est tout au plus d'emprunter leur entremise, pour représenter au Tien la fincérité de notre respect & la ferveur de nos défirs. Prétendre donc, en quelque forte, s'appuyer fur ces prieres, fur ces invocations, pour éloigner de nous les infortunes, les adverfités, pendant qu'on néglige fon devoir, qu'on ne veille pas fur foi-même, qu'on ne tient pas fon cœur dans le respect & dans la crainte à l'égard du Tien pour le toucher, c'est vouloir puiser dans le ruiffeau après avoir bouché la fource; c'eft laiffer l'effentiel pour s'attacher à ce qui n'eft qu'acceffoire. Comment pourriez-vous espérer, par une telle conduite, d'obtenir l'accompliffement de vos défirs?......

» Voici donc, encore une fois, ce que je penfe. Je suis véritablement & intimement perfuadé qu'il y a entre le Tien & l'homme une union réciproque & une parfaite correfpondance. Je suis bien éloigné d'ajouter foi à ces Efprits qu'on appelle Couei-chin. C'est pour vous inftruire, vous fur-tout grands Officiers de la Couronne & des Provinces, que je n'ai pas dédaigné de prendre la plume, & d'expofer clairement ma penfée, afin que vous vous conformiez à mes fentimens. C'eft-là l'unique fujet de cette inftruction".

Cette

De la Religion

Chine.

Cette doctrine fur l'existence & les attributs d'un fouverain Etre, fur le culte & les hommages qui lui font dus, ancienne de la a subsisté à la Chine, fans altération & fans mélange, pendant une longue fuite de fiecles. Qu'on confulte en effet tous les monumens, tous les ouvrages canoniques de cette Nation; qu'on parcoure la partie ancienne de fes Annales, on n'y découvrira, pendant une longue fucceffion de regnes, aucune trace d'idolâtrie. L'Hiftoire Chinoife, fi minutieufe dans fes détails, fi attentive à indiquer toutes les innovations dans les usages, ne fait mention d'aucun Rit superstitieux, contraire à la croyance & au culte que nous venons d'attribuer aux premiers Chinois : elle en eût parlé, fans doute, avec la même exactitude qu'elle a rapporté l'établissement de la Secte des Tao-ffée, & l'introduction de l'abfurde Religion du Dieu Fo, Idole apportée des Indes dans les temps postérieurs. La premiere de ces deux Sectes s'établit à la Chine pendant la vie de Confucius; la feconde n'y parut que plusieurs siecles après lui. Ce n'est pas que du temps de ce Philofophe célebre, la magie & différentes erreurs n'euffent déjà fait quelques progrès dans plufieurs Provinces, à la faveur des troubles & de la corruption sensible des mœurs : peut-être même le peuple avoit-il déjà quelques Idoles, & faifoit-il usage de quelques pratiques fuperstitieuses; mais on ne peut en produire aucune preuve tirée des monumens historiques.

L'existence du Tribunal des Rits, l'une des Cours souveraines de l'Empire, a dû contribuer beaucoup à la confervation de l'ancienne doctrine religieufe: c'est aux Juges qui compofent ce Tribunal qu'eft attribuée la furveillance

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