Images de page
PDF
ePub

ancienne de la Chine.

fur tout ce qui concerne le culte ; ils font chargés d'emDe la Religion pêcher les innovations, de réprimer les fuperftitions po"pulaires, de châtier & de flétrir les Ecrivains impies ou trop licencieux; leur févérité ne pardonne point aux infultes faites à la Divinité ou aux mœurs; & tel Auteur, difent les Miffionnaires, jouit de l'impunité en Europe, qu'on eût, dès fon premier écrit, dévoué à la Chine aux plus prompts fupplices. L'ancienne doctrine du Tien a toujours trouvé fon appui dans ce Tribunal, & c'est à l'uniformité conftante de fes décrets qu'elle doit particuliérement l'avantage d'être reftée la Religion dominante. Ce n'eft pas que les Mandarins mêmes qui forment ce Tribunal, ne fe livrent quelquefois, dans le fecret de leurs maisons, à un grand nombre de pratiques fuperftitieuses: mais cet attachement perfonnel à des cultes particuliers n'influe point fur leur miniftere public; dès qu'ils montent fur leurs fiéges, ils ne connoiffent plus que la Religion

[blocks in formation]

Sacrifices an

CHAPITRE I I.

Sacrifices anciens des Chinois. Leurs premiers temples.

Les premiers facrifices que les Chinois inftituerent en

ciens des Chinois. l'honneur du Chang-ti, lui furent d'abord offerts fur le Tan, en pleine campagne, ou fur des montagnes. Le Tan fignifie un amas de pierres amoncelées en rond, ou fimplement un tas de terre orbiculairement élevé.

Autour du Tan, régnoit une double enceinte, appelée

Kiao, formée de branchages & de gazon. Dans l'efpace
vide laiffoient ces deux enceintes, on élevoit à droite
que
& à gauche deux moindres autels, fur lefquels, immédiate-
ment après le facrifice offert en l'honneur du Tien, on alloit
facrifier aux Chen & aux Cheng, c'est-à-dire, aux Efprits
fupérieurs de tous les ordres, & aux vertueux Ancêtres (a).
Le Souverain, qu'on regardoit comme le Grand Sacrifica-
teur de l'Empire, pouvoit feul offrir fur le Tan. Les Com-
mentateurs les plus eftimés des anciens Livres, & tous les
Ecrivains qui ont difcuté la doctrine de l'antiquité, convien-
nent que cet usage d'offrir aux Chen & aux Cheng, après
avoir facrifié au Chang-ti, remonte aux premiers temps,
qu'il fut pratiqué par Fo-hi lui-même, & tranfmis d'âge
en âge à ses fucceffeurs, qui l'ont conservé, fans mélange
d'aucun autre Rit, pendant la durée des trois premieres
dynasties. Ces mêmes Ecrivains ajoutent, qu'en adressant
leurs fupplications & leurs vœux au Chang-ti, ces anciens
Empereurs & leurs Sujets le regardoient comme le fouve-
rain Maître, revêtu de la toute-puiffance néceffaire pour
les fatisfaire fur les divers objets de leurs demandes ; mais
qu'en offrant leurs prieres aux Efprits & aux Ancêtres, ils
ne faifoient qu'implorer leur protection auprès du Chang-ti.
De là vient fans doute la différente maniere de s'exprimer

(a) Les Chinois, par Chen & Cheng, entendent les bons Efprits de tous les ordres, & les hommes justes, qui, après avoir quitté leur dépouille mortelle, font affociés, pour prix de leurs vertus, au bonheur de l'Etre Suprême. Confucius & les autres Sages célebres de la Nation font de ce nombre. On donne mêine encore aujourd'hui à l'Impératrice mere & à l'Empereur le titre honorable de Cheng; & l'on dit Chengmou, la Sainte Mere; Cheng-Tchou, le Saint Maître.

B bbb ij

Sacrifices anciens des Chinois.

Sacrifices anciens des Chinois.

pour défigner ces deux fortes de facrifices: On prie le
Chang-ti; on avertit les Ancêtres, on leur rend hommage,
on pratique en leur honneur des cérémonies refpectueuses.
Il n'étoit pas néceffaire que ce fût le Souverain qui offrît
le facrifice aux Chen & aux Cheng; tout autre pouvoit le
fuppléer dans cette fonction religieuse.

Dans les premiers temps, lorfque l'Empire, renfermé
dans d'étroites limites, n'offroit encore qu'un petit Etat
& une population naiffante, une seule montagne suffisoit
pour les facrifices au Chang-ti. Pendant que le Souverain
& fes Miniftres, enfermés dans la double enceinte de
branchages & de gazon, offroient leurs hommages à
l'Etre Suprême, les Sujets fe tenoient dans un refpectueux
filence aux environs du Kiao, ou fur le penchant de la
montagne fur laquelle on facrifioit. Mais dans la fuite,
l'Empire s'étant confidérablement accru, Hoang-ti déter-
mina quatre montagnes principales, fituées à l'extrémité
de fes Etats, & qui correfpondoient aux quatre parties
du Monde, pour être déformais comme des lieux confacrés
au culte religieux de toute la Nation. Pendant le cours
de l'année, ce Prince alloit fucceffivement facrifier fur
une de ces montagnes, & prenoit de là occafion de se
montrer à ses peuples, de s'informer de leurs befoins
pour y pourvoir, de rétablir l'ordre en réformant les
abus.

Depuis les Empereurs Yao & Chun, on a des notions plus détaillées fur ces grands facrifices. On lit dans le Chou-king & les autres fragmens de l'ancienne Hiftoire, que Chun détermina, 1°. qu'à la feconde lune, dans la

[ocr errors]

quelle fe trouvoit l'équinoxe du printemps, le Souverain
se transporteroit fur la montagne Tai-chan, fituée dans la
partie la plus orientale de la Chine, & que là il offriroit fur
un Tan, dans l'enceinte d'un Kiao, pour demander au
Ciel qu'il daignât veiller fur les femences qu'on avoit con-
fiées à la terre, & qui commençoient à germer: 2o. qu'à
la cinquieme lune, dans laquelle fe rencontroit le folftice
d'été, le Souverain se rendroit à la montagne du midi,
pour y
faire les mêmes cérémonies, afin de demander au
Ciel qu'une chaleur benigne se répandît dans les entrailles
de la terre, pour l'aider à développer tout ce qu'elle a de
vertu : 3°. qu'à la huitieme lune, dans laquelle fe trouvoit
l'équinoxe d'automne, le facrifice feroit offert fur la mon-
tagne de l'oueft, pour
obtenir que les infectes & les ani-
maux nuifibles, que la fécheresse ou une trop grande hu-
midité, que les vents & les autres intempéries de l'air,
ne fussent point des obftacles à une abondante récolte
de tous les dons que la terre produit pour l'ufage de
l'homme : 4°. enfin, qu'à la douzieme lune, après le folftice
d'hiver, on offriroit fur la montagne du nord, pour re-
mercier le Ciel de tous les bienfaits reçus dans le courant
de l'année, & en demander de nouveaux pour celle qu'on
alloit commencer.

Cet ufage d'aller fucceffivement facrifier fur une de ces quatre montagnes, appelées les See-yo, fubfifta très-longtemps après Hoang-ti. Les Empereurs de la dynastie Tcheou ajouterent quelques cérémonies & une cinquieme montagne, située au milieu de leurs Etats, ou qui étoit du moins fuppofée entre les quatre autres. C'est depuis ce

Sacrifices an ciens des Chinois.

Sacrifices anciens des Chinois.

temps qu'on les appela les cinq Yo, ou les cinq montagnes des facrifices.

On fentit cependant que cette inftitution, qui affujettiffoit le Souverain à des voyages réglés, avoit fes inconvéniens. Lorsque l'Empereur eut une Capitale, une Cour, des Tribunaux établis pour l'expédition des affaires, il n'étoit guere poffible, il pouvoit même être dangereux qu'il s'en éloignât régulièrement au commencement des quatre faifons. D'ailleurs la vieilleffe, les infirmités qui l'accompagnent, les intempéries de l'air, la difficulté des chemins, pouvoient devenir des raisons fuffifantes pour le difpenfer de l'accompliffement de ces voyages pénibles. Le moyen qu'on imagina pour obvier à ces inconvéniens, fut de confacrer, dans les environs du Palais, un emplacement qui pût tenir lieu des Yo, dans toutes les circonftances où le Souverain ne pourroit se transporter aux véritables montagnes des facrifices. On y construifit un édifice, qui fut tout à la fois la représentation du Kiao, du Tan, de la Salle des Ancêtres; & c'étoit là que le Monarque facrifioit, lorsqu'il ne pouvoit s'éloigner de sa Cour.

La falle des Ancêtres faifoit partie de cet édifice, parce qu'avant d'offrir au Chang-ti, on fe rendoit dans cette falle pour avertir les Ancêtres de ce qu'on alloit faire. On y revenoit encore après le facrifice, pour remercier ces mêmes Ancêtres de la protection qu'ils leur avoient accordée auprès du Chang-ti, qui n'avoit pas dédaigné l'hommage de leurs vœux. Alors on offroit en leur honneur un sacrifice d'actions de graces, & l'on pratiquoit les cérémonies refpectueuses.

« PrécédentContinuer »