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Occidentaux l'appellent Catay; les Tartares Mantcheoux, Nican-courou; les Japonois, Thau; & les peuples de Cochinchine & de Siam, Cin: c'eft probablement de cette derniere dénomination que nous avons formé la nôtre. L'Histoire Chinoise rapporte que la premiere Famille Impériale qui ait porté fes armes vers l'Occident, fe faifoit appeler Thin ou Tai-tfin. L'armée navale que l'Empereur Thin-chi-hoang fit paffer jufqu'au Bengale, aura dû faire connoître aux peuples de l'Inde le nom de Tfin, dont la puissance formidable se faifoit sentir fi loin; ce nom passant enfuite des Indes en Perse & en Égypte, sera probablement parvenu jufqu'en Europe: c'eft ce qu'on peut rapporter de plus vraisemblable sur l'origine du nom que nous donnons à ce vafte Royaume.

La Chine proprement dite comprend, du nord au midi, 18 degrés, qui font 450 de nos lieues communes de France, de 25 au degré; fon étendue d'orient en occident est un peu moindre. On ne comprend point dans cette mesure les pays adjacens, foumis à la domination Chinoife, tels que les ifles de Hainan & de Formofe, le Leaotong, la Tartarie : car fi l'on compte depuis la pointe la plus méridionale de l'isle de Hainan, jusqu'à l'extrémité septentrionale de la Tartarie, qui appartient à l'Empereur de la Chine, on verra que les États de ce Prince ont plus de neuf cents lieues d'étendue du nord au fud, & environ quinze cents d'orient en occident, en comptant depuis la mer orientale jufqu'au pays de Cafghar, conquis en 1759 par les

Chinois.

La Chine eft bornée au nord par la Tartarie, dont elle eft féparée par une muraille de cinq cents lieues

d'étendue; à l'orient par la mer; à l'occident par de hautes montagnes & des déferts; & au midi par l'Océan, les Royaumes de Tong-king, de Laos & de la Cochinchine. On la divise en quinze provinces; celles du Nord font le Chen-fi, le Chan-fi & le Pe-tcheli; Chan-tong, Kiang-nan, Tche-kiang & le Fo kien, s'étendent le long de la mer orientale. Les provinces de Quang-tong, de Quang-fi, d'Yun-nan, de Se-tchuen, bornent l'Empire au midi & à l'occident; le milieu eft occupé par celles de Ho-nan, de Hou-quang, de Koei-tcheou & de Kiang-fi. Nous allons donner la description topographique de ces quinze pro

vinces.

ARTICLE PREMI E R.

Province de Pe-tcheli.

LA province de Pe-icheli, ou Tcheli, ou Li-pa-fou, eft la premiere de tout l'Empire; & Pe-king, sa capitale, est devenu le féjour ordinaire de la Cour Impériale. La figure de cette province est à peu près celle d'un triangle rectangle; elle est bornée au nord par la grande muraille & une partie de la Tartarie; à l'orient par la mer; au midi par les provinces de Chan-tong & de Ho-nan; & au couchant par les montagnes du Chan-fi.

Cette province contient neuf villes principales ou du premier ordre, dont plusieurs autres dépendent; celles-ci font au nombre de cent quarante, moins considérables à la vérité, mais toutes environnées de murs & de foffés. Nous ne ferons mention que des cités du premier ordre:

Province

de Pe-tcheli.

Province

de Pe-tcheli.

outre que la description des autres nous meneroit trop loin, elle n'offriroit rien de piquant à nos Lecteurs.

Le Pe-tcheli contient peu de montagnes, mais le fol en eft fablonneux & peu fertile en riz; les autres efpeces de grains y croiffent abondamment, ainfi que la plupart des arbres fruitiers que nous avons en Europe.

de

Cette province paye tous les ans à l'Empereur un tribut, qui, felon le rapport du P. Martini, confifte en 601,153 facs de riz, de froment & de millet; 224 livres de lin; 45, 135 foie filée; 13,748 de coton; 8737,284 bottes de foin & de paille pour l'entretien des chevaux de la Cour, & 180,870 pefées de fel (chaque pesée est de 124 livres ). Nous verrons dans la fuite que ce tribut est bien moins considérable que celui des autres provinces, qui font auffi beaucoup plus riches.

On remarque que les peuples de cette province ont moins d'aptitude aux fciences que ceux qui habitent les parties méridionales; mais ils font plus robustes, plus belliqueux, & plus propres à foutenir les travaux & les fatigues de la guerre : il en eft de même de tous les Chinois répandus dans les autres contrées feptentrionales.

Le terrein plat & uni de cette province permet de faire ufage d'une forte de voiture, dont la construction paroît affez finguliere. Voici l'idée qu'en donne le Pere Martini, l'un de nos premiers Miffionnaires à la Chine: » Ils fe » fervent (dans la province de Pe-tcheli ) d'un charior qui n'a qu'une roue, fait en forte qu'il n'y a place au » milieu que pour un homme, qui s'y tient comme s'il » étoit à cheval; le conducteur le pouffe par- derriere » & fait avancer le chariot, avec des leviers de bois, avec » autant de fûreté que de vîteffe: c'est peut-être de là

"

» que viennent les contes qui fe font, que le vent y fait
» aller les chariots, & que ceux de la Chine les conduisent
» fur la terre avec des voiles, comme les navires fur la
» mer «. Un Missionnaire François, qui traversoit la même
province en 1768, paroît s'être fervi de la même voiture.
"Nous quittâmes le canal, dit-il, pour aller fur des
charrettes, c'est la façon de voyager dans cette partie de
» la Chine; elle est incommode au delà de ce qu'on peut
elle
dire; la charrette eft d'un maffif à faire peur,
»ressemble affez bien à nos affûts de canon. Il n'y a place
» que pour une perfonne, encore faut-il fouvent croiser
» les jambes comme nos Tailleurs d'Europe: on y est
» fecoué horriblement; le foleil vous brûle, & la pouffiere
» eft quelquefois fi forte qu'elle ôte la refpiration

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PE-KING, capitale de l'Empire, est située dans une plaine très-fertile, à vingt lieues de la grande muraille; on lui donne ce nom, qui fignifie Cour du Nord, pour la diftinguer d'une autre ville considérable appelée Nan-king, ou Cour du Midi. C'étoit dans celle-ci que l'Empereur faifoit autrefois fa réfidence; mais les Tartares, peuples inquiets & belliqueux, qui faifoient de continuelles irruptions fur les terres de l'Empire, obligerent ce Prince de transporter fa Cour dans les provinces feptentrionales, pour être plus à portée de réprimer les courfes de ces Barbares, en leur oppofant la Milice nombreuse qu'il est dans l'usage d'entretenir auprès de fa perfonne.

Cette capitale forme un carré régulier, & se divise en deux villes; la premiere eft occupée par les Chinois; les Tartares habitent la feconde. Ces deux cités, prifes

Province

de Pe-tcheli.

Province

de Pe-tcheli.

ensemble, fans y comprendre les fauxbourgs, ont fix grandes lieues de circuit, de trois mille fix cents pas chacune ces mesures font exactes, & ont été prises avec le cordeau, par ordre exprès de l'Empereur.

On admire la hauteur & l'énorme épaiffeur des murailles de la ville Tartare; douze Cavaliers peuvent s'y promener de front: on y voit des tours très-spacieuses, placées de distance en distance, & à la portée de la fleche; elles font même affez vaftes pour contenir des corps de réserve en cas de befoin.

Les portes de la ville, qui font au nombre de neuf, font hautes & bien voûtées; elles portent des pavillons extrêmement larges & à neuf étages, chacun percé de plufieurs fenêtres ou canonnieres; l'étage d'en bas forme une grande falle où se retirent les Soldats & les Officiers qui fortent de garde, & ceux qui doivent les relever. On a laiffé devant chaque porte un espace de plus de trois cent foixante pieds; c'est une espece de place d'armes, entourée d'un demi- cercle de muraille, dont la hauteur & l'épaiffeur font égales au reste de l'enceinte de la ville. Le grand chemin qui y aboutit, eft dominé par un pavillon semblable au premier; de forte que fi le canon de celui-ci peut ruiner les maisons de la ville, le canon de celui-là peut battre toute la campagne voifine.

Les rues de Pe-king font droites, larges d'environ cent vingt pieds, longues d'une bonne lieue, prefque toutes tirées au cordeau, & bordées de maifons marchandes.

On est étonné de voir le peuple immense qui remplit continuellement ces rues, & l'éternel embarras que caufe la quantité prodigieufe de chevaux, de mulets, de chameaux,

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